"Plan Paulson" : Y a-t-il un adulte dans l’assistance ?

Publié le par sceptix

Le plan Paulson, qui ne prévoyait aucune prise de participation de l’état en échange du renflouement des entreprises et réclamait une complète autonomie de décision du Trésor sans aucun contrôle parlementaire, a été retoqué par le Congrès. Depuis lundi, Républicains et Démocrates tentent - toujours sans succès - de parvenir à un accord sur une proposition alternative. Quels sont les enjeux ? Voici les réponses de Krugman.

Par Paul Krugman, New York Times, 25 septembre 2008

Nombreux sont ceux, à droite comme à gauche, qui sont indignés à l’idée d’utiliser l’argent des contribuables pour renflouer le système financier américain. Ils ont raison d’être indignés, mais il serait irresponsable de rester sans rien faire. À l’heure actuelle, les acteurs du système financier refusent de prêter de l’argent et préfèrent amasser des liquidités. Cet effondrement de crédit rappelle à de nombreux économistes la panique bancaire qui a précédé la Grande Dépression.

Certes, nous ne savons pas avec certitude si ce parallèle est pertinent. Peut-être pourrions nous laisser imploser Wall Street et Main Street [1] s’en sortirait largement indemne. Mais c’est un risque que nous ne pouvons pas courir.

Une attitude responsable requiert d’agir pour sauver le système financier. La grande question est : y a t-il des adultes alentour - et seront-ils en mesure de prendre leurs responsabilités ?

Au début de la semaine, Henry Paulson, le secrétaire au Trésor, a tenté de convaincre le Congrès qu’il était l’adulte en question, venu pour nous protéger du danger. Et il a exigé une autorité totale sur les opérations de sauvetage : 700 milliards de dollars, utilisables à sa discrétion, sans aucun contrôle à posteriori.

Le congrès a renâclé. Aucun membre du gouvernement ne devrait se voir confier un tel privilège monarchique, tout au moins lorsqu’il appartenant à une administration qui a menti à l’Amérique au sujet de la guerre. En outre, le bilan de M. Paulson est tout sauf rassurant : il a énormément tardé à apprécier la gravité des difficultés financières de la nation, et c’est en partie sa faute si nous avons atteint le krach.

En outre, M. Paulson n’a jamais offert une explication convaincante sur la façon dont son plan était censé agir. De fait, de nombreux économistes ont estimé qu’il ne réussirait pas, à moins de se transformer en un immense programme d’aide sociale pour le secteur financier.

Mais si M. Paulson n’est pas l’adulte dont nous avons besoin, les dirigeants du Congrès sont-ils prêts et aptes à remplir ce rôle ?

L’ « accord de principe » bipartisan publié jeudi semble bien meilleur que le plan Paulson original. Il met M. Paulson lui-même sous la surveillance fort utile d’un adulte, en demandant la création d’un conseil de surveillance doté d’un pouvoir de révocation [2]. Il limite également les ressources allouées à M. Paulson : il a seulement (seulement !) le droit d’utiliser 250 milliards dans l’immédiat.

Cet accord prévoit également de limiter les revenus des dirigeants des entreprises qui obtiendront des fonds fédéraux. Plus important encore, elle exige que toute opération de financement se traduise par une prise de participation.

En quoi est-ce si important ? Le problème fondamental de notre système financier est que les retombées de l’éclatement de la bulle immobilière ont entraîné une perte de capital pour les établissements financiers. Lorsqu’il a enfin daigné offrir une explication de son plan, M. Paulson a fait valoir qu’il pourrait résoudre ce problème par le biais d’un processus « d’établissement du prix. » Une fois que les fonds des contribuables auront créé un marché pour les « actifs toxiques » adossés aux prêts hypothécaires, tout le monde devrait s’apercevoir que ces actifs toxiques ont en fait une valeur bien plus élevée que le prix auxquels ils s’échangent à l’heure actuelle, ce qui résoudrait du même coup le problème de sous capitalisation. Sans doute, Il ne faut jamais dire jamais. Mais on ne peut pas parier 700 milliards sur ce qui s’apparente à un voeux pieux.

Il y a en revanche de fortes chances que le gouvernement finisse par devoir faire ce que les gouvernements font à chaque fois lors les crises financières : utiliser l’argent des contribuables pour injecter du capital dans le système financier. Dans le cadre du plan Paulson original, le Trésor l’aurait probablement fait en achetant des actifs toxiques pour bien plus que ce qu’ils ne méritent de l’être - sans rien obtenir en retour. Ce que les contribuables doivent obtenir, c’est ce à quoi on droit ceux qui fournissent des capitaux : un titre de propriété. C’est la question de la prise de participation.

Le plan du Congrès semble bien meilleur - bien plus adulte - que le plan Paulson. Cela dit, il fournit peu de détails, et les détails sont d’une importance cruciale. Quel prix les contribuables paieront pour prendre en charge certains de ces actifs toxiques ? De combien d’actions vont-ils bénéficier en retour ? Ces chiffres vont faire toute la différence.

Et en tout état de cause, il semble que nous ne soyons pas encore parvenus à un accord.

Ce plan doit être un bipartite, et pas seulement au niveau des dirigeants des deux formations. Les Démocrates ne pourront faire voter ce plan sans les voix des élus Républicains de la base - et depuis jeudi soir, ces élus Républicains de base renâclent.

De plus, le sénateur John McCain - qui n’appartient pas à la base - veut apparemment gâcher la fête. Au début de la semaine, tout en refusant de dire s’il appuie ou non le plan Paulson, il a affirmé ne pas avoir eu l’occasion de le lire ( ce plan fait trois pages). Puis il s’est invité dans les délicates négociations en cours portant sur le plan du Congrès, en insistant sur l’importance d’une réunion à la Maison Blanche durant laquelle il serait peu intervenu - mais au cours de laquelle le consensus s’est effondré.

En fin de compte, il semble bien qu’il ait des adultes au Congrès, prêts à faire quelque chose pour nous aider à sortir de cette crise. Mais pour le moment, ces adultes ne sont pas aux commandes.


Publication originale New York Times, traduction Contre Info  http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2204


Yu Yongding veut prévenir une « vente panique » de bons du Trésor US
25 septembre 2008

L’intervention de George Bush, faite pour rassurer, aura-t-elle l’effet recherché ou au contraire sera-t-elle interprétée comme une preuve que les USA sont au bord du gouffre ? Les pays asiatiques, lourdement chargés de la dette américaine, ne cachent plus leur inquiétude. M. Yu Yongding, ancien conseiller de la Banque Centrale chinoise, avertit que « la Chine est très préoccupée par la sécurité de ses actifs », et met les points sur les I : « si on veut que la Chine garde son calme, ont doit aussi garantir à la Chine que ses actifs sont en sécurité. » M. Yu espère qu’un accord entre les principaux créanciers de l’Asie permette d’éviter que ne s’enclenche une incontrôlable « vente panique » des bons du Trésor US. La Chine a beaucoup aidé les USA, estime-t-il, et elle devrait « obtenir quelque chose en retour. » Mais il tire également d’autres enseignements de cette crise. Il est temps que la Chine bâtisse une croissance ne dépendant plus de ses exportations, juge M. Yu. Raison de plus pour protéger la valeur du trésor de guerre qu’elle a accumulé, car il lui permettra de supporter les coûts sociaux de cette transition, prévoit-il.

Par Kevin Hamlin, Bloomberg, 25 septembre 2008

Le Japon et la Chine, ainsi que d’autres détenteurs de la dette publique américaine, doivent rapidement parvenir à un accord afin d’éviter l’apparition de ventes paniques qui provoqueraient un effondrement financier mondial, déclare Yu Yongding, un ancien conseiller de la banque centrale chinoise.

« Nous sommes dans le même bateau, nous devons coopérer, » déclare M. Yu, interviewé à Beijing le 23 septembre. « S’il n’y a pas de vente panique, alors la Chine pourra volontiers continuer à apporter son soutien financier en détenant des actifs américains. »

Un accord est nécessaire afin qu’aucun pays ne se précipite pour vendre, « provoquant un effondrement », déclare M. Yu. Le Japon est le plus grand détenteur de bons du trésor américain, avec 593 milliards de dollars, et la Chine vient en deuxième position avec 519 milliards. Les pays asiatiques détiennent ensemble la moitié sur un total de 2 67O milliards de bons du Trésor accumulés hors des USA.

La Chine, le Japon, la Corée du Sud et d’autres nations devraient se réunir prochainement pour conclure un accord, estime M. Yu, un universitaire ancien membre du comité de politique monétaire de la banque centrale. Pour lui, les discussions devraient associer les ministres des Finances, les gouverneurs des banques centrales et même les dirigeants politiques.

« Je ne suis pas sûr qu’il soit faisable d’obtenir une sorte d’accord entre eux pour qu’ils continuent à détenir des bons du Trésor », estime James McCormack, responsable de la notation des dettes publiques chez Fitch Ratings à Hong Kong. « Cela serait inhabituel. Mais si on s’aperçoit que les nations Asiatiques vendent leurs bons du Trésor, les marchés le prendraient très mal. C’est quelque chose qu’il faut éviter. »

Le secrétaire américain au Trésor Henry Paulson a demandé au Congrès d’adopter un plan de 700 milliards pour débarrasser le système bancaire de ses actifs dévalués. Le Président de la Réserve fédérale Ben Bernanke, a indiqué le 24 septembre, que les États-Unis sont confrontés à de « graves menaces » sur leur stabilité financière.

Le fait que la Chine détienne une quantité énorme de bons du Trésor américains implique qu’elle doive supporter une grande partie du « fardeau de la remise en ordre » aux États-Unis, déclare M. Yu. La Chine n’est pas pressée de se débarrasser de ses actifs américains et les échanges qui ont lieu entre les deux pays « tous les deux jours » maintiennent informés les dirigeants chinois, contribuant à éviter une éventuelle panique, ajoute-t-il.

« La Chine est très préoccupée par la sécurité de ses actifs », souligne-t-il. « Si on veut que la Chine garde son calme, ont doit aussi garantir à la Chine que ses actifs sont en sécurité. »

M. Yu observe que la Chine apporte son aide aux États-Unis « de façon très significative » et ajoute qu’elle devrait obtenir quelque chose en retour. Les États-Unis devraient éviter de la présenter comme un partenaire commercial qui n’observe pas les règles et manipule la valeur de sa monnaie. Il ne faut pas politiser ces questions, dit-il.

« Il n’est pas convenable que nous soyons accusé de ceci ou cela alors que nous agissons de bonne foi et sommes prêts à assumer de graves conséquences, » lance-t-il. « La Chine sait quoi faire. Nous n’avons pas besoin de votre intervention. »

La Chine a tiré une de leçon de la crise financière aux Etats-Unis, qui est : « Pourquoi continuons nous à accumulent ces reconnaissances de dettes si elles peuvent ne pas être honorées ? » La stratégie économique chinoise, en mettant l’accent sur la croissance des exportations, a produit des excédents commerciaux qui se sont traduits par l’accumulation de 1 810 milliards de dollars sous forme de réserves de change, et cela constitue le principal problème, note M. Yu.

« Notre stratégie de croissance tirée par les exportations a suivi sa pente naturelle », constate-t-il dit. « Nous devrions changer de cap. »

La Chine doit cesser d’intervenir sur le marché des devises et ainsi permettre une appréciation rapide du yuan, estime-t-il. Cela causerait des difficultés pour les exportateurs, mais la Chine pourrait dans le même temps faciliter cette transition à l’aide de ses fortes réserves budgétaires en venant en aide à ceux qui perdraient leur emploi. Elle devrait également stimuler la demande intérieure pour compenser la baisse des revenus des exportations.

Sans appréciation du yuan, la Chine continuera d’accumuler des réserves en devises, ce qui signifie continuer à accumuler « des reconnaissances de dette des Etats-Unis », déclare M. Yu. « C’est du papier, qui peut ne pas être honoré, et qui ne va pas améliorer le bien-être national de la Chine. »

Si la Chine ne permet pas au yuan de s’apprécier et continue à promouvoir une croissance tirée par les exportations, cela conduira à une confrontation avec les États-Unis et l’Europe, observe M. Yu.


Publication originale Bloomberg, traduction Contre Info
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2199

 


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A
Des adultes, non tous des fumistes.Pourquoi je suis trader : http://mange-ta-soupe.over-blog.com/article-21201724.htmlTout le monde crie au sauvetage de l'économie financière mondiale. L'économie financière aregentine s'est effondrée, le pays a survécu. il est temps de changer de vie.
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