LA CHRONIQUE "AGORA"

Publié le par sceptix

Bonjour,
*** L'ELECTROCHOC FINANCIER DU WEEK-END ATTEINT LES 1 800 VOLTS...
** Nous attendons avec beaucoup de curiosité les commentaires de la BCE et des tenants de l'orthodoxie monétaire, ennemis jurés du dérapage des déficits par voie d'emprunts, surtout lorsque ces derniers sont garantis en dernier ressort par le contribuable.
Et encore, il y aurait matière à fermer les yeux s'il s'agissait de créer de la richesse... Mais en l'occurrence, nous assistons à la constitution de la plus phénoménale cagnotte de l'histoire de l'humanité, dont le seul but est d'empêcher la propagation d'une spirale infernale de destruction de valeur.
Afin de combler cette sorte de trou noir financier, Berlin met sur la table 480 milliards d'euros, l'Angleterre (qui avait pris les devants la semaine dernière) 380 milliards d'euros, Paris 360 milliards d'euros, La Haye 200 milliards d'euros, Madrid et Vienne 100 milliards d'euros respectivement... L'Italie -- toujours rigoureuse dans ses projets et d'une précision qui force le respect -- annonce qu'elle injectera "autant d'argent que nécessaire" pour soutenir ses banques. Vu les difficultés d'Unicredit et de ses partenaires, cela devrait représenter, une enveloppe d'un montant de 180 milliards d'euros.
Quoi ? Nous oublions les 10 autres pays de la Zone euro ? Il faudrait alors plutôt tabler sur 2 000 milliards d'euros que sur 1 800 milliards d'euros ! N'allons pas ergoter pour quelques centaines de milliards. Les optimistes prétendent (du côté de Bercy) que cela ne coûtera que quelques dizaines de milliards d'euros à la France -- allez, guère plus d'un ou deux Crédit Lyonnais de la belle époque.
Tout ce qui compte, c'est que le coup de défibrillateur européen fonctionne : le coeur du système bancaire s'est remis à battre ! Les liquidités injectées par centaine de milliards dans les artères financières par la Fed et la BCE recommencent à circuler mais il est difficile de connaître l'état physiologique réel du patient.
** Pour vous amuser, essayez donc d'obtenir quelques estimations des pertes encourues par l'ensemble des établissements de crédit européens sur des prêts accordés à des entités offshore réalisant des opérations à terme sur des dérivés tels que les CDO et les CDS.
Cela ne devrait plus nous soucier, répondraient les conseillers économiques de l'Elysée : le malade, à peine ressorti du coma, est placé sous surveillance du rythme cardiaque, assistance respiratoire, dialyse, sonde gastrique et perfusion de glucose, d'adrénaline... sans oublier une bonne dose de morphine car il s'agit de faire passer rapidement la douleur afin de déstresser les marchés (souvenez-vous de leurs hurlements vendredi dernier !).
Ah vraiment, quelle belle victoire remportée par l'équipe des soins intensifs sur un pronostic vital plus que compromis ! Certes... mais nous attendons avec une certaine appréhension les résultats des premiers examens cliniques du cerveau, lequel a été privé d'oxygène de manière prolongée la semaine passée.
Il y a de gros risques de voir toutes les fonctions liées au libéralisme frappées d'hémiplégie. Une sévère paralysie des produits structurés est à craindre, ainsi qu'un collapsus des positions à effet de levier sur les commodities.
Si jamais les neurologues estiment qu'une partie de la motricité pourra être récupérée, ce ne sera pas avant longtemps... et au prix d'une rééducation pénible qui va en rebuter beaucoup.
** Oui, après une semaine de coma, le patient vient de rouvrir un oeil !
Avec un gain record de 11,2%, Paris vient tout simplement d'effacer la moitié des pertes abyssales accumulées la semaine dernière (-22,15%). Les 9,25% de hausse du 19 septembre dernier sur le CAC 40 semblaient insurpassables, la barre est pourtant franchie avec une marge de 20%.
Nous assistons à une succession d'écarts d'ampleur trimestrielle -- et encore, lorsque le marché bénéficie d'une solide impulsion directionnelle -- en l'espace de quelques heures. Le temps se contracte, les variations se dilatent... jusqu'à atteindre 10 fois la moyenne historique : c'est exactement ce que nous expliquions dans notre Chronique hier matin.
Voici le court extrait : "imaginez que le CAC 40, vaguement inquiet au sujet des profits réalisés au troisième trimestre, ait perdu 2,25% d'un vendredi sur l'autre. Imaginez qu'il se rassure ce lundi avec les trimestriels de LVMH (qui maintient ses objectifs 2008) et gagne 1,5%. Eh bien maintenant, vous n'avez qu'à multiplier ces écarts par 10 et vous obtenez un scénario assez crédible de ce qui pourrait se passer (dans un sens comme dans l'autre) au cours des 24 prochaines heures !"
Nous avions pris une hypothèse de +1,5% ; nous ne sommes pas tombé très loin de la réalité. En effet, en jetant un oeil aux transactions hors séance (deux heures après la clôture officielle), nous avons constaté que le CAC 40 gagnait virtuellement 13% à 3 575 points, tout près d'un premier objectif de 3 600 points. Ce dernier correspond au niveau médian du dernier segment de repli entre 4 100 et 3 100 points (retracement classique de 50% de la baisse).
La surprise n'est à nos yeux pas si considérable... mais le scénario reste tout de même hors norme puisque les gains du marché parisien ont doublé au cours des trois dernières heures de cotations (+200 points entre 3 330 et 3 530, de 14h15 à 17h35). En Europe, l'Euro Stoxx 50 affichait également +11% dans le sillage de Francfort, Zurich et Milan -- qui pulvérisent collectivement un nouveau record historique de hausse en une seule séance, avec +11,4%. Londres s'est contenté de +8,5%, Madrid et Amsterdam de +10,6%.
** Comme cela était prévisible dans l'hypothèse d'un retour à la normale, les investisseurs se sont penchés sur les valorisations des utilities (services aux collectivités). Certaines d'entre elles ont été jugées délirantes, à l'image de GDF-Suez qui avait perdu plus de 40% la semaine passée, suite à la bourde du ministre belge de l'énergie, évoquée hier.
Le titre a repris la bagatelle de 25% (à 30,37 euros), devant Véolia (+18% à 26,32 euros) puis EDF Energies Nouvelles (+18,05%) et Suez-Environnement (+14% à 16,4 euros).
Même feu d'artifices à la hausse dans le secteur des matériaux de base avec Arcelor-Mittal (+19,7%), Saint Gobain (+18,4%) ou Schneider (+16,4%).
Le compartiment automobile repartait en trombe avec Valéo et Renault à +16,5%, Peugeot à +13,8% alors que General Motors explosait lundi soir de +33% sur le NYSE.
** A Wall Street, comme c'était prévisible, le S&P et le Dow Jones affichaient +7% à mi-séance ; ils s'ajoutent aux 8% repris au cours de la dernière heure vendredi. Le Nasdaq franchit le cap des +7,5% dans le sillage de Microsoft (+12%), Google (+10%), SUN Micro (+13%), Foster Wheeler et Nvidia (+17%), Infosys (+21%) ou Virgin Media (+23%).
Nous en venons à nous demander si le principal danger qui plane aujourd'hui sur la bourse ne serait pas l'instauration d'un profond ennui puis d'un désintérêt pour les actions dans le cas où les écarts quotidiens se réduiraient progressivement à 1% ou 2% de volatilité au quotidien : une fois terminé le saut à l'élastique, il faut souvent remonter à pied... lentement ! Et si l'élastique casse... toutes les assurances des gouvernements ne serviront à rien !
Philippe Béchade,
Paris

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Bill Bonner, co-fondateur de La Chronique Agora, à Londres
*** CRAINTE ET RECONFORT
** Il se passe de drôles de choses. Et pas uniquement dans les banques.
* Les autorités US ont fermé quelques établissements bancaires dans l'Illinois et le Michigan. Les grandes banques ne vont pas fermer ; elles seront "recapitalisées" -- et partiellement reprises par le gouvernement. Ce processus est déjà en cours en Grande-Bretagne. Les dirigeants européens se sont réunis et ont déclaré qu'ils feraient la même chose.
* "L'Europe d'accord sur le sauvetage bancaire", titrait la une de l'International Herald Tribune hier.
* Les autorités financières américaines sont en train de préparer la même manoeuvre. Où la Constitution US autorise-t-elle le gouvernement fédéral à se lancer dans le secteur bancaire ?
* Ceci dit, il n'y a rien de très bizarre là-dedans. Les banques ont fait des sottises. A présent, les politiciens font des sottises. C'était à prévoir. La partie "drôle" reste à venir...
* "Le FMI avertit d'un effondrement financier", déclare un autre gros titre. Si l'on parcourt le reste de la presse, c'est le même sentiment qui prévaut. Si l'on en croit les journaux, la peur a envahi les rues.
* "Anatomie de la crainte", clame un titre de Newsweek. "Le G7 peut-il sauver le monde ?" demande TIME.
* Et partout dans le monde, les gens comptent leurs pertes et commencent à transpirer.
* Nous n'avons pas les chiffres exacts, mais il nous semble que la semaine dernière a dû engloutir plus de "richesse" qu'aucune autre semaine de l'histoire. Les actions ont chuté lundi et n'ont plus arrêté avant la clôture de vendredi. Lorsque les gens se sont risqués à ouvrir leurs portefeuilles samedi, des milliers de milliards de dollars étaient manquants.
* Eh bien, ce n'étaient que des "profits papier", me direz-vous. Peut-être. Mais c'était de la richesse sur laquelle les gens comptaient -- pour leur retraite, pour des vacances, pour de nouvelles voitures... Et maintenant, elle a disparu -- pouf ! Que faire ensuite ?
* "J'envisage de retourner travailler"... déclarait un retraité interrogé par le New York Times. Un autre dit qu'il ne pourra pas prendre sa retraite quand il l'avait prévu.
* Mais ces braves gens n'ont fait que commencer à transpirer. Les emplois étaient abondants durant les années de boom -- si faciles à obtenir que les gens pensaient pouvoir toujours trouver du travail. Voilà qui pourrait aussi changer rapidement. Le chômage grimpe. Et après la semaine dernière, tous les cadres occidentaux sont sans doute en train de réfléchir à un gel des embauches... et au licenciement des salariés "non-nécessaires" aussi vite que possible. L'entreprise moyenne dépense plus pour la main-d'oeuvre que pour tout autre poste. Dans une récession, la main-d'œuvre est le seul coût qu'un employeur peut contrôler. Le travailleur de base pourrait bientôt se retrouver sans argent... sans crédit... et sans emploi. Retourner travailler ? Où ça ?
** Oui, cher lecteur, le Pays de la Liberté a été mis à mal la semaine dernière.
* A présent, bon nombre de gens se demandent si les Etats-Unis seront capables de se relever...
* "La dette sape la puissance américaine", déclare David Leonhardt dans le New York Times. Dans les faits, les Etats-Unis ont dépensé de l'argent qu'ils n'ont pas encore gagné. A présent, ils doivent éviter de dépenser pour rembourser ce qu'ils ont déjà dépensé. Cela donne au pays un immense handicap compétitif, puisqu'il n'a plus les ressources nécessaires pour financer de nouveaux projets.
* Notre éditorialiste préféré, Thomas L. Friedman, appelle cela "le monde post-bringue". Nous ne lisons pas Friedman pour avoir des idées sur ce qui se passe vraiment -- Friedman n'en a aucune idée. Mais il donne corps à des préjugés populaires ; il nous dit ce que veulent les masses non-pensantes.
* Et nous y voilà :
* "Ce processus de rétablissement promet d'être douloureux, compliqué et long", explique-t-il. Pas de quoi paniquer, en d'autres termes. Tout va s'arranger. Il offre ensuite du réconfort en citant les mots apaisants de l'homme le plus riche de la planète :
* "Je n'ai pas la moindre idée de ce que va faire la bourse le mois prochain ou dans les six mois qui viennent", déclarait Warren Buffett vendredi. "Ce que je sais, c'est que l'économie américaine, à terme, s'en sortira très bien -- et les gens qui en possèdent une partie s'en sortiront bien".
* Le Sage des Plaines n'a pas révélé d'où il tenait ces choses. Peut-être a-t-il raison, peut-être pas. Mais ici, à la Chronique Agora, nous avons conseillé à nos lecteurs de paniquer au sujet des actifs US il y a longtemps déjà. Nous leur conseillons de rester sur leur lancée... et de profiter du rebond qui s'est enclenché pour vendre.

Or : profitez du repli sans attendre !
Les autorités mondiales ont peut-être sauvé la mise des marchés pour l'instant... Mais la crise est loin d'être terminée. Et tout cela pourrait bien causer la plus grande hausse du cours de l'or  de toute l'histoire des marchés... 
Une envolée qui a toutes les chances d'emmener le métal jaune jusqu'à 2 000 $... voire au-delà

Le CAC 40 -- et toutes les places mondiales -- ont enregistré un rebond spectaculaire hier... mais la crise est-elle terminée pour autant ? Isabelle Mouilleseaux nous démontre que la convalescence sera longue...
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JE SUIS ECOEUREE... SINCEREMENT -- 2ème PARTIE
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Par Isabelle Mouilleseaux (*)
Les autorités américaines veulent nous faire croire à l'impossible
Face à la débâcle, la probabilité de voir les déposants se ruer aux guichets des banques n'est pas nulle. A tel point que les Etats-Unis, après l'Allemagne, pourraient garantir l'ensemble des dépôts bancaires et l'endettement des établissements bancaires.
C'est tout simplement impossible...
Les montants en jeu sont hallucinants. Il s'agit ni plus ni moins de couvrir des milliers de milliards de dollars ! Aucune institution, aucun gouvernement ne pourrait faire face à ses engagements s'il devait y avoir dérapage. Pas même les Etats-Unis qui usent et abusent de leur "dollar roi" pour faire tourner les planches à billets à tout-va.
On y est. Vous étiez prévenu
Cette crise, nous vous l'avions annoncée. Aussi bien dans les colonnes de La Chronique Agora quand dans L'Edito Matières Premières & Devises.
Combien de fois Bill Bonner nous a-t-il répété avant l'été 2007 que les subprime allaient faire tout sauter ? Combien de fois vous ai-je mis en garde contre les discours rassurants que tiennent journalistes et analystes qui ne cessent de répéter depuis mars que "c'est le moment d'acheter des actions à prix cassé" ? Combien de fois vous ai-je dit "la crise est devant nous" quand tout le monde disait "elle est derrière nous" ?
En attendant, j'avoue que je suis écoeurée... écoeurée par tout ce gâchis
Ecoeurée par ces centaines de milliards de dollars -- l'argent du contribuable, vous, moi, nous tous -- que les gouvernements et autorités injectent pour sauver un système qui a failli parce qu'il est trop gourmand. Pourtant, pieds et poings liés, nous devons accepter, au risque de faire plonger l'économie dans une dépression dramatique.
Ecoeurée par cette économie réelle qui tournait et résistait contre vents et marées depuis plus d'un an et dont la crise bancaire et financière va finalement avoir raison. Les victimes dans l'histoire ? Certainement pas Richard Fuld, le patron de Lehman Brothers, qui a empoché 500 millions de dollars en huit ans passés à la tête de feue cette maison. Non. Les victimes sont bien plus anonymes : vous, moi, nous tous... Français, Allemands, Américains, Islandais...
Le grand jeu de cache-cache est loin d'être fini
Ecoeurée par tous ces professionnels qui ont joué avec le feu et qui nous ont précipité dans le gouffre. A commencer par Greenspan, père de la croissance économique assise sur l'endettement massif ! Ou encore ces organismes immobiliers qui ont massivement vendu des prêts à taux variable à des personnes non solvables, avant de les saucissonner, de les fragmenter et de les refiler à l'ensemble des acteurs de la planète finance. Le grand jeu de cache-cache ne fait que commencer...
Tant que les comptes ne seront pas faits, la confiance ne reviendra pas
Le FMI évalue les pertes liées à la dévalorisation des actifs financiers américains à 1 400 milliards de dollars. Pour l'instant, les banques n'ont provisionné que 580 milliards... On est très loin du compte.
Et tant que les comptes ne seront pas faits, la confiance ne reviendra pas.
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora

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