Non au sauvetage des banques avec l’argent public

Publié le par sceptix

Économiste de formation, journaliste, chef d’entreprise et président-fondateur de Contribuables Associés, Alain Dumait analyse pour Le Cri du contribuable la débâcle financière.

Cette débâcle financière, c’est la faute à la déréglementation, à l’ultralibéralisme et au capitalisme débridé. Vous êtes d’accord là-dessus ?

C’est en effet ce que les politiciens, l’establishment et les médias dominants nous serinent chaque jour, mais c’est entièrement faux !
Au-delà de ce mensonge éhonté chacun reconnaît que l’élément déclencheur a été cette affaire de crédits subprimes (traduction française : « sous-excellents », euphémisme humoristique pour dire « pourris »…) .
Ces subprimes, crédits à taux variables et progressifs – d’abord en dessous du prix du marché, les deux premières années, puis ensuite de plus en plus chers, et sur l’ensemble de la période du prêt, d’un taux moyen plus élevé d’environ 2 % que le taux du marché – ont été accordés à des familles à faibles ressources, appartenant pour la plupart aux minorités ethniques, noires ou hispaniques, qui n’avaient aucune chance de pouvoir rembourser, sauf à espérer que les prix de l’immobilier, qui avaient déjà augmenté aux États-Unis de 100 % entre 1996 et 2006, continuent à monter jusqu’au ciel.

Quelque trois millions de ces prêts ont été souscrits. Ce qui représente aujourd’hui, avec un prêt moyen à 500 000 dollars par famille, un encours de l’ordre de 1 500 milliards de dollars.

Les banquiers qui ont accordé ces prêts à des familles insolvables étaient-ils fous ? Bien sûr que non ! Ils sont lâches et cupides, mais pas fous. Ils ont obéi aux injonctions du gouvernement américain qui prétendait non seulement favoriser l’accession à la propriété des minorités ethniques, lutter contre les discriminations, mais aussi garantir le système…

Je passe sur les modalités techniques (voir encadré). Chacun connaît la suite : le marché immobilier s’est retourné à la mi-2007, Fannie Mae et Freddie Mac ne peuvent plus suivre et honorer leurs garanties. L’État fédéral nationalise ces bras armés.

Entre-temps, les prêts immobiliers pourris, censés rapporter 2 % de plus que le taux moyen du marché, ont été titrisés, vendus et revendus dans des fonds, selon des techniques connues sous différents acronymes, sous formes de produits que des centaines de banques se sont littéralement arrachées.

Quand il fut avéré que les prêts étaient pourris, les banquiers ont réalisé que les produits dérivés l’étaient aussi. Les banques détentrices ont dû passer des provisions de plus en plus importantes, réduisant ainsi leurs fonds propres et leur capacité à faire face à leurs obligations, ou tout au moins à faire du crédit.

La confiance a fait place à la méfiance, la méfiance à la panique, la crise financière à la crise économique. C’est l’écroulement de la planète finance… Et l’élément déclencheur n’est absolument pas la déréglementation, l’ultra libéralisme ou le capitalisme débridé, mais au contraire, très précisément l’intervention politique dans la sphère financière, au nom de l’aide aux plus démunis et la lutte contre les discriminations.
Le responsable direct de la crise, c’est la politique dite du logement social, et la forme particulièrement perverse qu’elle a prise aux États-Unis.

La crise est donc bien d’origine américaine ?

C’est certain. Encore que le soi-disant droit au logement, qui plaît tant aux politiciens français, figure explicitement à l’Art. 5, paragraphe E, alinéa III de la convention adoptée par l’ONU citée plus haut !
Les États-Unis font toujours tout en grand, y compris les c… Mais sur ce chapitre je ne crois pas que nous ayons de leçon à donner !
Par contre, il faut noter que les produits dérivés issus de ces subprimes se trouvent actuellement pour une bonne moitié dans les portefeuilles des banques européennes. Et elles, rien ne les obligeait à y souscrire, sauf les fameux 2 % de rendement en prime !….

Votre explication n’est-elle pas sinon partiale du moins partielle ?

Les subprimes, dans le contexte d’une politique de logement social et de discrimination positive, sont l’élément déclencheur.

Mais les racines du problème résident dans l’augmentation tout à fait excessive de la masse monétaire depuis 30 ans, et donc de ses contreparties que sont les encours de crédits aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités publiques.
(voir l’article du professeur Salin, page 6). Cette masse monétaire, et ces crédits, aux États-Unis comme en Europe, ont augmenté trois fois plus vite que la richesse des pays considérés : + 50 % dans la zone euro entre 2002 et 2007.
Ce n’est tout simplement pas sérieux. Et évidemment on a prêté à des impécunieux : des familles à faible revenu, des entreprises petites ou naissantes, des États mal gérés.

Vous voulez dire qu’il ne faut prêter ni aux pauvres ni aux PME ?

C’est exactement ça ! Le crédit c’est bon pour les riches, qui peuvent payer et prendre des risques. Les pauvres doivent épargner, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il ne faut pas taxer l’épargne.
Et si ça vous choque, je vous indique que les pauvres épargnent spontanément, naturellement. Demandez aux Chinois ou aux Indiens. Pour eux la solidarité familiale est plus efficace que quelque banque que ce soit.
Quant aux PME, ce n’est pas de crédits dont elles ont besoin, mais de fonds propres, que seuls des apporteurs privés (business angels) peuvent leur fournir.

C’est un vieil adage : « nul ne doit dépenser plus qu’il ne gagne et investir plus qu’il n’a ».
Le crédit est utile et économiquement positif, à condition de reposer sur une épargne préalable et de ne pas constituer le principal fondement de l’économie. Le vrai financement du développement, c’est l’épargne individuelle.

Bien. Mais aujourd’hui ce sont les États qui empruntent, pour sauver les banques et éviter que le système financier ne s’écroule…

En effet, aujourd’hui les banques ne financent plus personne et ne se prêtent même plus d’argent entre elles. Ce sont les États qui se substituent à elles : en garantissant les dépôts, leurs obligations, en prêtant directement de l’argent à certaines catégories d’agents économiques.

Mais attention : l’État n’est rien d’autre qu’une fiction, dont la signature ne vaut qu’aussi longtemps que son bras armé est en mesure de contraindre les contribuables (désarmés) à payer pour toutes ses initiatives.

Il n’y a pas une garantie, une réglementation, une aide ou un emprunt, une subvention ou un abondement, de la part de l’État, qui ne finisse pas par un nouveau prélèvement dans la poche des contribuables. C’est toujours lui qui paye !

L’État peut aussi lui faire faire de bonnes affaires…


- Parlons-en ! Le Crédit lyonnais ? Au moins 15 milliards d’euros pour le contribuable !
La sidérurgie ? Au moins 20 milliards d’euros !
Alstom, c’est l’exception qui confirme la règle : une plus-value d’un peu plus d’un milliard. Mais il s’agissait d’une affaire industrielle, cyclique, et il n’est pas sûr qu’un repreneur tel Siemens n’aurait pas fait encore mieux…

Mais l’État (en France comme ailleurs) peut-il faire autrement que de sauver les banques, même avec l’argent des contribuables ?

Il y a une autre solution : c’est la loi commune sur les faillites, qui, en principe s’applique à toutes les entreprises, même aux banques !
Je vous rappelle qu’un chef d’entreprise qui ne peut plus faire face à ses obligations est tenu d’aller au tribunal se déclarer en cessation des paiements.
Et la loi est à peu près la même aux États-Unis (Chapter 11). C’est vrai pour le charcutier du coin, pourquoi ce ne le serait pas pour une banque ?
Parce qu’elle est dirigée par un inspecteur des finances, ancien haut fonctionnaire, et protégé par ces petits copains de l’administration ? Moralement, c’est choquant.
Il y aurait donc une loi sur les faillites pour les manants et une autre pour les princes qui nous gouvernent (si mal) ?
D’autant que la justice consulaire, si décriée par les socialistes, pré-sente beaucoup d’avantages : elle est gratuite, elle est rapide, elle est politiquement neutre, elle permet d’engager des poursuites pénales contre des dirigeants fautifs, et elle permet de céder les actifs ayant une valeur au meilleur prix.

Cette solution ne serait-elle pas plus coûteuse encore pour les contribuables ?

Je ne le crois pas. Prenons les exemples de Fortis, rachetée largement par BNP Paribas et de Dexia, nationalisée par la France et la Belgique. Un administrateur provisoire ou même un mandataire liquidateur aurait peutêtre su mieux les vendre, à un fonds souverain où à des Chinois, par exemple…

Admettons. Mais la garantie des dépôts en cas de dépôt de bilan ?

Ce sont deux choses différentes. L’État peut très bien garantir les dépôts tout en laissant faire les faillites. Mais je ne lui conseille pas de donner une telle garantie, en tout cas illimitée, car qui dit garantie dit non seulement engagement du contribuable mais aussi irresponsabilité de tous ceux qui en bénéficient, dirigeants des banques, actionnaires, et mêmes épargnants, qui doivent savoir que tout placement comporte un risque.

Vous êtes cynique ! Vous pensez qu’il ne faut pas garantir l’épargne des Français ?

Je veux bien qu’on garantisse l’épargne des Français. Comme on lui octroie le droit à l’emploi, le droit au logement et le droit à la santé.
Quoique cela me choque moralement, puisque c’est toujours quelqu’un d’autre qui paye, et toujours les mêmes : les contribuables des classes moyennes.

Le pseudo-droit à l’emploi, c’est plus de chômage ; le droit au logement, c’est de plus en plus de mal-logés, et la garantie des dépôts des épargnants français, ce sera une note très salée pour les contribuables (sous forme d’une augmentation des impôts) et pour les salariés (sous la forme d’une grave récession, avec son cortège de chômeurs).

Je ne suis d’ailleurs pas sûr que l’État soit réellement en mesure de garantir les dépôts des banques car les montants concernés le dépassent :
les seuls dépôts et provisions d’assurance des ménages français représentent une fois et demie la production intérieure brute et dix années de recettes de TVA !
Cette soi-disant garantie n’est une fois de plus qu’une parole verbale !

Alors que faut-il faire ?

Il faut d’abord savoir tirer les leçons des erreurs commises.
Nous vivions dans un système d’économie mixte : un peu de marché et beaucoup d’étatisme (sous des formes très diverses).
Les banques, bien que privées, étaient sous l’emprise de l’administration, et dirigées par la crème de l’establishment. Ici des énarques et là-bas la fine fleur des business schools.
Quant au crédit, il était régulé par des monopoles que sont les banques centrales, véritables émetteurs de fausse monnaie (sans garantie).
L’ensemble formant un système fermé, hiérarchisé, de type clanique. J’ai essayé de vous démontrer que ce qui a « foiré » c’est la partie publique, constructiviste, communisante de cette économie mixte.

La question est alors : faut-il maintenant aller encore plus loin dans l’interventionnisme et le collectivisme ou au contraire revenir à quelques règles de bon sens et libéraliser vraiment le système ?

Ma réponse est évidemment qu’il faut aller vers moins d’interventionnisme et plus de marché libre !

Concrètement, ça veut dire quoi ?

C’est très simple : les banques doivent redevenir ce qu’elles étaient jusqu’au début du XXe siècle (avant qu’elles soient nationalisées par le général De Gaulle, sous la pression des communistes) à savoir des entreprises vraiment privées, où les dirigeants engagent l’argent des associés, et, de ce seul fait, appliquent des règles prudentielles autrement plus efficaces que les accords de Bale I ou de Bale II…
Croyez-vous que des banquiers privés, sans la garantie des contribuables américains, auraient fait, sur leurs fonds propres, 1 000 milliards de crédits à des familles noires sans ressources ?

Les pouvoirs publics doivent s’en désengager et ne surveiller que la régularité de leurs comptes. Quant aux monopoles publics qui ont, de façon irresponsable, ouvert grand les vannes de la création monétaire et du crédit, il faudrait eux aussi les privatiser et accepter que règne la concurrence entre une pluralité de monnaies.

C’est déjà le privilège des non-résidents, qui peuvent avoir des comptes libellés dans la monnaie de leurs choix, soit en France, soit ailleurs. Pourquoi cette liberté ne serait-elle pas accordée à tous ? Et pourquoi pas une monnaie basée sur l’or, en concurrence avec le franc suisse, l’euro ou le dollar ?

Tout ça ce sont des utopies… Mais en attendant, que va-t-il se passer ?

On voit bien que toutes les interventions publiques, nationales, européennes ou internationales, n’arrivent pas à redonner confiance aux marchés, c’est-à-dire aux banques elles-mêmes, bien placées pour apprécier leur délabrement, aux investisseurs et aux épargnants, qui constatent chaque jour que les dégâts s’étendent.

Nous allons certainement vivre une phase de croissance de l’interventionnisme, puisque tous ceux qui s’expriment sur la place publique vont dans ce sens-là, mais de tels plans sont tous voués à l’échec.

Il faudra bien un jour revenir aux vraies valeurs de responsabilité et de liberté. Il faudra bien que l’État se replie et laisse faire les individus et les entrepreneurs.

C’est aussi sûr et prévisible que l’écroulement de l’empire soviétique. Pour les mêmes raisons d’ailleurs…

Et en attendant, les contribuables vont-ils-payer ?

Oui. Puisque ce sont toujours eux qui payent ! Mais il y a des limites. Même les tyrannies soviétiques ne pouvaient prélever 100 % des revenus et des biens des camarades-citoyens.
En faisant un grand pas en avant vers plus de collectivisme nous nous approchons sans doute de notre libération…

Vous êtes pessimiste…

Au contraire, je suis très optimiste. La seule richesse indestructible d’une communauté,
ce sont ses citoyens, leurs talents, leur savoir faire.

Avec ces seules forces, une collectivité se reconstruit en trois ans. L’Allemagne nous l’a montré en 1945.

J’ajoute qu’au-delà de cette destruction du système financier par les hommes de l’État – qui non seulement nous prennent la moitié de nos revenus mais ont accaparé, plus ou moins, la presque totalité de notre épargne

– il y a heureusement la capacité d’invention et d’innovation des hommes libres, qui reste intacte, et qui n’a jamais été si grande.

Ça s’appelle le progrès et il ne s’arrêtera pas, même si nos technocrates font tout pour cela…

Qu’est-ce qu’il faut faire maintenant ?

J’espère que notre association va pouvoir très vite organiser une grande campagne de mobilisation nationale sur le thème « Non au sauvetage des banques avec l’argent des contribuables ! ».
Une campagne à laquelle toutes les familles politiques peuvent et devraient s’associer.

Car, comme le disait l’autre jour un humoriste, quand les banques gagnent de l’argent, c’est pour elles (et leurs dirigeants) ; quand elles en perdent c’est pour nous (cochons de payants) ! C’est scandaleux. Commençons tous, les uns et les autres, à demander à nos parlementaires s’ils sont d’accord avec ce nouveau hold-up. Qu’ils sachent au moins que nous, on n’est pas d’accord !

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LE LOGEMENT SOCIAL AUX ÉTATS-UNIS

Comme en France, le logement social aux États-Unis a une longue histoire. Roosevelt et son New Deal créent la première caisse de garantie hypothécaire dénommée Fannie Mae.

Une Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD) est adoptée le 21 décembre 1965 par l’Assemblée générale des Nations Unies, qui devient un traité en 1969 (ratifié par Clinton en 1994).

Création en 1970 de la Federal Home Loan Mortgage Corporation, rebaptisée Freddie Mac, sur le modèle de Fannie Mae, puis adoption du Community Reinvestment Act en 1997, et toutes sortes de décisions tendant toutes à favoriser l’accession à la propriété des minorités et des personnes à faible revenu
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http://www.lecri.fr/Non-au-sauvetage-des-banques-avec-1148.html
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