La tradition veut que pour l'anniversaire de la prise du pouvoir de Mussolini, le 28 octobre 1922, la tombe du dictateur à Predappio [en Emilie-Romagne, dans le nord-est de l'Italie] devienne le lieu de rassemblement des nostalgiques du fascisme. D'année en année, le nombre de "pèlerins" du Duce n'a cessé de croître pour atteindre, en 2007, 8 000 personnes (certains parlent même de 13 000). Et cette année, on en attendait encore plus. Au programme du "pèlerinage", un cortège allant du centre du village jusqu'au cimetière, une messe de commémoration et une garde d'honneur. On a défilé le 26, avec deux jours d'avance sur la date, parce que c'est un dimanche et que c'est plus pratique. "Pendant de nombreuses années, on ne voyait que des nostalgiques d'un certain âge, raconte Giuliano Brocchi, maire de Predappio, du Parti démocrate (gauche), mais aujourd'hui on a l'impression que les vieux sont moins nombreux, pour des raisons naturelles, et que viennent de plus en plus de jeunes gens en chemises noires, et ça, c'est assez inquiétant." Les aficionados du Duce se rendent chaque année au cimetière de San Cassiano, où se trouve sa tombe, pour l'anniversaire de sa naissance (29 juillet 1883), de sa mort (28 avril 1945) et de la marche sur Rome (28 octobre 1922) [prélude à la conquête du pouvoir], mais en réalité le pèlerinage ne connaît pas de morte-saison. La fleuriste, qui tient depuis dix ans le kiosque sur l'esplanade devant le cimetière, prépare les rubans tricolores pour lier les bouquets, obligatoirement vert, blanc, rouge : "J'ai vu leur nombre augmenter ces dernières années, et ils sont de plus en plus jeunes, explique-t-elle. Le jour de la marche sur Rome, ils descendent en procession du village et viennent assister à la messe, ici, dans l'église de San Cassiano." Les restaurateurs de Predappio se frottent les mains : ce 26 octobre, on ne trouve pas une table de libre à plusieurs kilomètres à la ronde. "Ils entonnent quelques chants fascistes à la fin des repas, mais ils n'ont jamais cassé un verre, jamais causé le moindre problème", assure l'un d'eux. Dans les deux magasins de souvenirs, on trouve les gadgets habituels : d'innocents fez noirs avec "Predappio" marqué dessus, des tee-shirts ornés d'une croix celte et/ou à l'effigie du Duce, mais aussi, pour 5 euros, des matraques sur lesquelles est inscrit le nom de Mussolini et, pour 7 euros, des poings américains en acier, histoire de ne pas perdre les vieilles habitudes. A quelques kilomètres de là, à San Martino in Strada, dans la vieille maison de Rachele Mussolini, la veuve du Duce, on a ouvert en 2001 un musée du Souvenir plein d'objets ayant appartenu à Mussolini et de mobilier d'époque. Domenico Morosini, qui le gère avec sa femme et avec l'aide d'une ancienne "auxiliaire" de la république pronazie de Salò [1943-1945], Fiorenza Ferrini, 82 ans, est aussi le gardien des registres de la tombe du Duce depuis 1951 : "Les visiteurs de la crypte sont en constante augmentation depuis 2001, et, le jour de la marche sur Rome, on ne voit plus les anciens combattants avec leurs étendards, ce sont surtout des jeunes."
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