Comité invisible : l'affaire du sabotage des lignes SNCF.

Publié le par sceptix

Petit conte ordinaire de la paranoïa antiterroriste dans la France éminemment démocratique de Nicolas Sarkozy. Neuf personnes, quatre hommes et cinq femmes âgés de 22 à 34 ans, supposées être les auteurs d'actes de malveillance contre la SNCF, ont été déférées samedi 15 novembre devant les juges d'instruction Thierry Fragnoli et Yves Jannier de la section antiterroriste de Paris. Le Parquet les accuse d'avoir constitué une "association de malfaiteurs" et d'être responsables de "dégradations en réunion", le tout "en relation avec une entreprise terroriste", délit passible de dix ans d'emprisonnement. Quatre d'entre elles ont été remises en liberté sous contrôle judiciaire mais les cinq autres, considérées par la police comme le noyau dur d'un groupe révolutionnaire dénommé "Cellule invisible" ou "Comité invisible", ont été placées en détention provisoire et mises en examen. Julien Coupat, leader présumé du groupe, est poursuivi à titre de dirigeant d'une "structure à vocation terroriste", crime passible lui de vingt ans de réclusion. L'instruction judiciaire doit déterminer si les jeunes gens sont bien les auteurs des sabotages de cinq caténaires de voies ferroviaires, commis fin octobre et début novembre dans l'Oise, l'Yonne, la Seine-et-Marne et la Moselle. Les dégradations avaient perturbé une partie du trafic SNCF, entraînant des retards dans la circulation de quelques dizaines de TGV.
Après une série de perquisitions qui ont mobilisé pas de moins de 150 policiers dans toute la France, Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, se félicite du succès de son opération "Taïga" pilotée par la sous-direction antiterroriste (SDAT). Elle offre en pâture à la presse une dizaine de suspects qu'elle présente comme des "nihilistes" membres d'un réseau de "l'ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome". Jean-Claude Marin, procureur de la République de Paris, lui emboîte le pas, affirmant disposer "d'indices graves et concordants" contre cette "cellule qui avait pour objet la lutte armée". Ministre et Procureur restent toutefois assez vagues sur les preuves matérielles. Et pour cause, lors des perquisitions, les policiers n'ont trouvé aucune arme ni aucun élément matériel permettant de confondre les suspects. À leurs domiciles, ils n'ont saisi que du matériel d'escalade, des outils de bricolage, un plan du réseau SNCF, une perruque de fête, un fugimène, quelques banderolles et talkies-walkies et divers documents de littérature anarchiste disponibles dans le commerce. Aucune preuve formelle, pas de témoin, pas de trace ADN, pas d'empreinte digitale sur les lieux des sabotages. En outre les accusés restent muets pendant leur garde à vue prolongée (96 heures en matière d'enquête antiterroriste). Enfin, malgré l'étroite surveillance policière dont était l'objet la fameuse "cellule invisible" -- une enquête préliminaire avait déjà été ouverte sur Julien Coupat et sa compagne Yldune en avril dernier dernier, à la suite d'un signalement du FBI aux autorités françaises car ils avaient été repérés lors d'une manifestation anti-militariste à New York -- aucune preuve tangible, pas même une écoute téléphonique ne permettent de les impliquer directement. Qu'à cela ne tienne, d'autres éléments qualifiés de "troublants" sont mis en avant par Jean-Claude Marin: les membres de la dite "cellule invisible" auraient été aperçus début novembre "par des policiers" en Seine-et-Marne, à proximité des lieux où les dégradations ont été commises. Il n'y a donc aucun doute. Quant au repaire des "anarcho-autonomes", la ferme dite du Goutailloux à Tarnac en Corrèze, c'est à coup sûr pour le Procureur de la République "un lieu d'endoctrinement et une base arrière pour des actions violentes contre des personnes". D'ailleurs, le fait que les suspects restent murés dans le silence pendant les interrogatoires "n'est pas une preuve mais il montre que ce ces gens sont déjà ancrés dans un parcours de marginalisation et de radicalisation violente".
Le lendemain des mises en examen, Michèle Alliot-Marie en rajoute une couche sur une radio juive sarkozyste, Radio J, afin de justifier les incarcérations et le déploiement des forces antiterroristes. Selon elle, "la justice dispose d'éléments suffisamment convaincants", sans préciser lesquels. Elle "sait" qu'il existe en France d'autres groupes de la mouvance anarcho-autonome, "probablement de l'ordre de 300 personnes", où "il peut y avoir une radicalisation allant jusqu'à des actions violentes". Pour la ministre de l'Intérieur, ces groupes anarchistes "qui refusent le dialogue démocratique" auraient en outre des "relais à l'étranger", notamment en Allemagne, en Italie, en Belgique en Grèce, au Canada et aux USA. Elle s'inquiète enfin de la sortie de certains films récents comme ceux sur Jacques Mesrine ou la Bande à Baader, craignant leur effet sur les "esprits fragiles".
Bref, ces monstrueux "nihilistes clandestins potentiellement très violents" (pour employer cette fois la terminologie du Figaro et de France 2, entre autres) sont coupables, même sans preuves. Identifiés par leur "philosophie d'insurrection contre les institutions", ils sont,
La suite ici : http://www.republique-des-lettres.fr/10585-comite-invisible.php

Publié dans justice & police

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M
Tu as oublié, les faits les plus graves : ils refusent les téléphones portables et internet, ca c'est une super preuve !!!<br /> Et pour les films : est-ce que le gouvernement s'inquiéte de toutes les publicités pornographiques que l'on nous impose toute la journées ? Les puplicistes sont-ils responsable de la dégradation de l'image de la femme ? Gouvernement répond-moi.
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