Michel en Palestine, c’est Tintin au Congo,
Louis Michel, commissaire européen pour les questions humanitaires, vient de se rendre dans les territoires palestiniens occupés où, s’il prenait au sérieux ce pourquoi il est grassement payé, il serait forcé de faire des heures supplémentaires. Même le gouvernement israélien le reconnaît : la crise humanitaire à Gaza est dramatique.
Malheureusement, avant de débourser les quelques millions d’euros, le commissaire Michel s’est senti obligé de distribuer bons et mauvais points à la population indigène qu’il est venu visiter, pardon, inspecter. « Le Hamas est responsable de la situation catastrophique à Gaza », a déclaré Louis Michel. Et nous qui croyions que c’était l’État d’Israël qui avait écrasé la ville de Gaza sous des tonnes de bombes et d’obus ! Et nous qui étions convaincus que c’était l’État d’Israël qui avait imposé depuis dix-neuf mois un embargo total sur ce minuscule territoire où survivent un million et demi de Palestiniens, en majorité réfugiés d’une autre campagne guerrière israélienne celle-là vieille de plus de soixante ans !
Et nous qui avions gardé le souvenir d’une attaque israélienne d’envergure, en septembre 2008, qui avait rompu une trêve scrupuleusement respectée par le Hamas ! Et nous qui croyions avoir entendu la ministre des Affaires Étrangères dire : « On a montré qu’on n’avait pas de limites, et qu’on était prêt à péter les plombs, s’il le fallait ». On a dû se tromper, c’est Khaled Meshal qui a fait cette déclaration, déguisé en femme…
On avait tout faux : c’est le Hamas qui est responsable et c’est lui qui doit être puni. Et comme le Hamas a été élu démocratiquement, en Cisjordanie comme à Gaza, ce sont les Palestiniens qu’il faut punir, pour leur bien évidemment, pour les éduquer : par le biais du bon Louis Michel, les bons élèves auront des bonbons, les mauvais trois coups de bâton.
C’est ainsi que votre argent, chers amis lecteurs, ne sera pas dépensé à tort et à travers et ne passera pas par le gouvernement élu. Louis Michel en a décidé ainsi, l’aide européenne passera par les mains des amis du président Abbas qui, soit dit en passant, a terminé depuis un mois son mandat légal de président de l’autorité palestinienne, l’intérim devant, selon la Constitution, être assuré jusqu’aux élections par le président du Conseil législatif… membre du Hamas !
Le commissaire Michel préfère donc que l’argent européen soit distribué par des fonctionnaires et des élus qui ont été virés de leurs fonctions pour corruption et malversation plutôt que par le Hamas choisi et élu par le peuple précisément parce qu’il avait les mains propres.
Michel en Palestine, c’est Tintin au Congo, le colonialisme arrogant mais généreux, brutal mais civilisateur, le colonialisme qui, comme on dit, sait utiliser avec intelligence et équilibre les bonbons et le bâton. À Mahmoud Abbas de distribuer les bonbons, à Ehoud Barak de manier le bâton.
Michel Warschawski
for Siné Hebdo N° 22 du 4 février 2009
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