L'idée de nationalisations bancaires fait son chemin
La sculpture "Hammering Man" près de la tour des banques à Frankfort. (SIPA)
samedi 21 février 2009 | Publié 10:31
- Alan Greenspan se dit favorable aux nationalisations temporaires
- Berlin se dote du pouvoir d'exproprier les actionnaires des banques
- Le plan de Geithner pour soutenir la finance a du mal à passer
- Où sont passés les 700 milliards de dollars du plan Paulson?
- Big Bang dans la banque allemande: Berlin à la manœuvre
- L'Etat britannique actionnaire majoritaire de Royal Bank of Scotland
- Un nouveau plan de sauvetage pour AIG?
L'idée de nationalisations bancaires comme solution de dernier recours a fait son chemin aux Etats-Unis et dans plusieurs pays européens cette semaine, alors que les difficultés des plus grands établissements bancaires sont loin de s'être estompées. Un virage idéologique non négligeable, les Etats s'étant généralement contentés de prendre des participations sans droits de vote depuis le début de la crise.
Comme un symbole, le très libéral Alan Greenspan, ancien président de la banque centrale américaine, a déclaré mercredi 18 février dans un entretien au Financial Times qu'il "pourrait être nécessaire de nationaliser temporairement quelques banques afin de faciliter une restructuration rapide et ordonnée". Une déclaration intervenue une semaine après la présentation du plan de sauvetage de l'administration Obama, peu novateur et d'ailleurs mal accueilli par les marchés.
Pour l'instant, seul l'assureur AIG a vu l'Etat américain monter à son capital, à hauteur de 79,9% en octobre dernier, en échange d'un prêt relais de 85 milliards de dollars de la Fed. Le groupe a par ailleurs reçu 40 milliards de dollars dans le cadre de la première tranche du plan TARP (ou plan Paulson), aux côtés des principales banques américaines, en échange d'actions préférentielles assorties d'un dividende prioritaire mais sans droit de vote. Les deux plus grands établissements, Citigroup et Bank of America, ont ainsi reçu respectivement 50 et 45 milliards de dollars.
Même inclinaison en Europe. Jean-Claude Trichet a ainsi rappelé vendredi 20 février, lors d'une conférence, qu'il "avait aussi un risque de solvabilité systémique", contre lequel les banques centrales "ne peuvent rien faire". C'est en effet aux Etats de se charger des risques de faillites bancaires.
En Allemagne, un projet de loi a été adopté mercredi 18 février en conseil des ministres par le gouvernement d'Angela Merkel. Il prévoit de pouvoir lancer une "procédure d'expropriation" des actionnaires des banques en échange d'indemnisations, une mesure qui court jusqu'au 30 juin 2009. Un projet de loi taillé sur mesure pour la banque Hypo Real Estate (HRE), en grande difficulté. Alors qu'elle a déjà touché une aide record en Allemagne de 102 milliards d'euros sous forme de garanties, le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung a ainsi affirmé jeudi 19 février que HRE a besoin de capitaux propres supplémentaires et de nouvelles garanties publiques de 20 milliards d'euros dans les prochaines semaines.
L'Etat allemand avait déjà pris les commandes pour sauver le secteur bancaire en fin d'année dernière, avec un plan de sauvetage financier de 480 milliards d'euros destiné à recapitaliser les établissements (80 milliards), via là encore des actions préférentielles. Le système avait pourtant touché ses limites, à l'image du cas Commerzbank. La deuxième banque allemande avait reçu en novembre 8,2 milliards de recapitalisation. Mais l'Etat avait dû la renflouer de près de 10 milliards d'euros en janvier, devenant au passage son premier actionnaire avec 25% du capital.
Au Royaume-Uni, l'office statistique britannique a annoncé jeudi 19 février qu'il avait décidé d'intégrer dans le périmètre de l'Etat les comptes des banques Royal Bank of Scotland et Lloyds Banking Group, avec effet rétroactif au 13 octobre 2008. L'Etat britannique est en effet en passe de détenir près de 70% du capital de RBS, et possède plus de 43% de celui de LBG. Tout un symbole quand on sait que le ministre britannique des Finances Alistair Darling a pourtant estimé samedi 14 février dans des déclarations à la presse que les banques sont "mieux gérées par le secteur commercial et privé".
Julien Beauvieux
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