TPI : quasi-unanimité en Serbie pour dénoncer un verdict « politique »

Publié le par sceptix

Traduit par Persa Aligrudić
Publié dans la presse : 27 février 2009
Mise en ligne : vendredi 27 février 2009
Sur la Toile

Le verdict prononcé jeudi après-midi par le TPI de La Haye fait scandale en Serbe. Même si l’ancien Président Milan Milutinović a été acquitté, cinq anciens hauts responsables serbes ont été condamnés à de lourdes peines de prison. Pour une fois quasi-unanimes, opposition et majorité dénoncent un verdict « politique ». La reconnaissance par les juges de La Haye d’une « entreprise criminelle commune », consistant à expulser la population albanaise, pourrait avoir des conséquences sur la plainte déposée par la Serbie contre le Kosovo devant la CIJ.

 Le président du Conseil national pour la collaboration avec le tribunal de La Haye (TPI), Rasim Ljajić, souligne que ce jugement va accroire l’animosité de la population envers le TPI en Serbie. « Cette décision de la cour est aussi mal comprise en Serbie que l’acquittement de Ramush Haradinaj. Cela va renforcer l’impression que le TPI n’a pas les mêmes critères pour juger tous les accusés ».

D’après Rasim Ljajić, c’est tout l’Etat serbe qui est accusé d’une « entreprise criminelle conjointe », même si l’ancien Président serbe, Milan Milutinović, a été acquitté.
 
Selon Rasim Ljajić, ce verdict n’est pas juste, il s’attend donc à ce que la défense fasse appel. 



Le directeur du Bureau gouvernemental pour la collaboration avec le TPI, Dušan Ignjatović, estime qu’il est très important que l’ancien Président de la République de Serbie ait été blanchi des chefs d’accusation qui pesaient contre lui.
 
« Ce qui est inquiétant, c’est que le procureur affirme qu’il existait une ’entreprise criminelle conjointe’ », a-t-il déclaré à la télévision B92. Selon lui, ce verdict jouera forcément lors du procès au cours duquel la Cour internationale de justice (CIJ) devra se prononcer sur la légalité de la proclamation unilatérale d’indépendance du Kosovo.

D’après Dušan Ignjatović, ce verdict est aussi très important, car il démontre que la Serbie, en arrêtant les personnes inculpées par le TPI, collabore pleinement avec le tribunal. Il n’a pas commenté les peines dont ont écopé les cinq hauts responsables serbes, en soulignant que c’était la décision du tribunal. Il a cependant affirmé que les autorités serbes allaient étudier les 1.000 pages du verdict.

« Deux poids, deux mesures » ?


Le vice-Premier ministre, Ivica Dačić, a estimé que le verdict du TPI confirmait que ce procès était, dès l’origine, politique. « Le verdict du TPI est, en quelque sorte, la confirmation que tout ce procès répondait surtout à des buts politiques et qu’il servait à légitimer les bombardements qui ont frappé notre pays », a déclaré Ivica Dačić. Il a expliqué que, selon la version du tribunal, la Serbie avait provoqué tous les problèmes au Kosovo et commis tous les crimes. Pour eux, cela justifiait les bombardements de l’OTAN.

Tous les partis politiques ont réagi au verdict du TPI.

 Le président du Parti serbe du progrès (SNS), Tomislav Nikolić, a estimé que, pour la plupart des condamnés, ce verdict était en fait une peine de prison à vie, compte tenu de leur état de santé. Il a ajouté que le TPI appliquait deux poids, deux mesures « même pour les Serbes ».

Le leader de Serbie unie (JS), Dragan Marković Palma, pense que les verdicts montrent que le TPI a été créé pour les Serbes, que les juges ont été tendancieux et que des doubles mesures sont appliquées. Il a ajouté qu’il était sûr que les condamnés n’étaient pas des criminels. « Il nous reste le regret de constater que, vu leur âge, ils ne sortiront pas vivants de cette prison ».
 


Le porte-parole du Parti démocratique de Serbie (DSS), Andreja Mladenović, a déclaré que ce verdict avait pour but de justifier l’agression de l’OTAN contre la Serbie et les crimes commis par l’Alliance atlantique et les terroristes albanais. « On a condamné des hommes qui ont défendu leur pays contre une agression extérieure, afin de cacher que le véritable objectif des bombardements de l’OTAN sur la Serbie était de prendre le Kosovo ».

Branko Ružić, député du Parti socialiste de Serbie (SPS) au pouvoir à l’époque, constate que le TPI ne rend pas correctement la justice. « Bien que notre collaboration avec le tribunal soit légitime, cette institution ne fait preuve, ni d’équité, ni de justice. Il n’est pas logique que des politiciens et des fonctionnaires de l’armée de Serbie qui, conformément à la Constitution, ont tout fait pour protéger l’intégrité et la souveraineté de leur pays, soient sanctionnées par des peines aussi lourdes ».


Vuk Drašković : « ce n’est pas un verdict contre les Serbes »


Le seul à ne pas partager ces avis est le président du Mouvement du renouveau serbe (SPO), Vuk Drašković, qui a estimé que « ce verdict n’est pas contre la Serbie ou le peuple serbe ». « Ceux qui ont soutenu l’ancien Président Slobodan Milošević et sa politique vont sûrement affirmer que ce verdict est anti-serbe. Je pense au contraire que c’est la politique menée par Milošević et son régime qui était anti-serbe ».

Momčilo Trajković, un politicien serbe du Kosovo, estime que ce verdict est partial et que la justice ne sera pas complète tant que ceux qui ont commis des crimes dans l’autre camp ne sont pas punis. « Justice n’a pas été rendue, il s’agit d’un procès à sens unique. Mais attendons, il y aura un appel et j’espère que le verdict définitif sera plus juste. Pourtant, beaucoup des nôtre ont été tués avant 1998, pendant la guerre et après l’arrivée des forces de l’OTAN. Personne n’est encore responsable de ces victimes ».

Le chef du groupe parlementaire du Parti radical serbe (SRS), Dragan Todorović, a déclaré que ces sentences étaient honteuses et que ce jour était « tragique pour la Serbie ». Il a déclaré aux journalistes présents à la sortie du Parlement que, d’après les estimations du SRS, les Serbes ont jusqu’à présent été condamnés à 920 années de prison par le TPI. « Bientôt, quand tous ces procès seront terminés, ce nombre atteindra 1.000 ans. Les USA et l’Union européenne ont commis des crimes contre le peuple serbe ».

Une députée de Nouvelle Serbie (NS), Aleksandra Janković, a déclaré que « l’expérience prouve qu’au TPI, ce sont en général les Serbes qui sont accusés ou qui sont éliminés physiquement ».
 
Grande importance du verdict
 
L’expert en droit international, Vojin Dimitrijević, a estimé avant l’énoncé du verdict, que celui-ci serait très important, car il concerne les hommes qui étaient à la tête de l’Etat au moment des crimes pour lesquels ils sont accusés.

Vojin Dimitrijević a indiqué qu’il était important de savoir si le Tribunal allait établir l’existence d’un plan d’expulsion des Albanais. « Si cette stratégie est attestée, cela aura forcément des conséquences en Serbie. Dans le droit international, l’Etat répond des actes de ses services. Cela peut avoir des répercussions sur la décision de la CIJ qui étudiera la façon dont le Kosovo a déclaré son indépendance. Par conséquent, ce sont de très importantes décisions et nous verrons quelles en seront les conséquences », a-t-il conclut.
 


La présidente du Conseil politique du Parti libéral démocrate (LDP), Vesna Pešić, partage son avis. Invitée à l’émission Kažiprst de la télévision B92, elle a déclaré que ce verdict était d’une extrême importance, car c’est la première fois qu’un verdict a été rendu contre le sommet des anciennes autorités en Serbie. « Ce verdict est intéressant car nous allons enfin savoir exactement ce qui s’est passé ».

http://balkans.courriers.info/article12347.html

Publié dans justice & police

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