Le procès AZF entre dans le vif du sujet
Après une première semaine agitée sur des détails juridiques à la salle Mermoz, le tribunal va désormais pouvoir aborder le cœur du sujet, celui que tout le monde attend : que s’est il passé le 21 septembre 2001 ?
De notre correspondante à Toulouse, Jessica Dubois
« On veut connaitre la vérité » ces mots sont sur toutes les lèvres à Toulouse depuis le début du procès AZF lundi dernier. Maintenant que le tribunal s’est penché sur la forme du procès, le débat de fond peut enfin commencer. Inutile de rappeler qu’il sera long.
Car les quatre mois sont déjà bien organisés : en mars, audition des témoins ; puis du 21 au 23 avril seront étudiées les différentes thèses soulevées par les parties civiles - explosion d’une bombe de la Seconde Guerre mondiale, météorite, foudre, phénomène électromagnétique, arc électrique, explosion due au gaz… ; du 24 au 30 avril, c’est la thèse de l’« acte intentionnel » qui sera examinée, avant de plancher du 5 au 26 mai sur la principale thèse retenue dans le dossier d’instruction, celle de l’accusation : l’accident chimique.
Cette dernière est celle privilégiée depuis le tout début de l’enquête. Dans le premier rapport fait sur les lieux, en date du 28 septembre 2001, des experts envoyés par la cour d’appel de Toulouse « soutiennent que l’hypothèse d’un acte intentionnel leur apparaît exclue compte tenu des constatations qu’ils ont opérées ». Ils relèvent la présence de matériaux qui auraient du être exclus du bâtiment 221 : papiers, matières plastiques, morceaux de bois, d’acier ou d’aluminium. Un nouveau collège d’experts rend un deuxième rapport en juin 2002 mettant pour la première fois en cause la mise en relation du nitrate d’ammonium entreposé dans le bâtiment 221 avec une quantité importante de dichloroisocyanurate de sodium (DCCNa). En effet, une vingtaine de minutes avant l’explosion, un employé aurait déversé accidentellement « sur un tas d’une dizaine de tonnes de nitrate d’ammonium industriel (…) une benne blanche contenant au moins 500 kg d’un produit non identifié pouvant être du DCCNa ». Les manquements à la sécurité au sein de l’usine sont donc l’argument de l’accusation envers Grande Paroisse, propriétaire de l’usine AZF – et dorénavant de Total et leurs PDG respectifs de l’époque.
Cependant, si cette thèse semble étayée par des rapports, certaines parties civiles s’étonnent de la vitesse avec laquelle certaines personnes - dont Jacques Chirac, à l’époque président de la République, ou encore Lionel Jospin, Premier ministre – avaient affirmé qu’il s’agissait d’un accident, sans exposer la moindre preuve. Ainsi, trois jours seulement après la catastrophe le procureur de la République, M. Bréard déclarait qu’il s’agissait « à plus de 99% » d’un accident. Des explications sont attendues aujourd’hui – tout comme le passage desdits Chirac et Jospin à la salle Mermoz la troisième semaine de mars.
La thèse de l’acte intentionnel a également ses adeptes. Nous sommes dix jours après les attentats du 11 septembre, et la rumeur d’un attentat ne se fait pas attendre. D’autant plus qu’un manutentionnaire mort dans l’accident, un certain Hassan J., est retrouvé avec plusieurs couches de vêtements, ce qui correspondrait à l’uniforme d’un candidat au martyre.
Et puis il y a toutes ces autres thèses, ou ces rapports bizarres… Des témoins auraient très nettement entendu deux explosions, d’autres ont ressenti une « électrocution » juste avant l’explosion. Les anciens salariés, principalement, soupçonnent l’usine de retraitement de munitions, ou encore la piste d’une bombe datant de la deuxième guerre mondiale. Certains pointent du doigt la Société national des poudres et explosifs (SNPE), également à proximité du bâtiment 221 ou encore une fuite d’ammoniac, faisant état d’un brouillard gris-ocre au dessus de l’usine. Et ces témoins qui affirment avoir vu des aéronefs au dessus du site peu avant l’explosion ? Et Laurent Fabius, qui survolait également la zone en hélicoptère le matin du drame, a-t-il vu quelque chose ? Pourquoi les relevés sismiques demandés par Total non jamais été rendus publics ? La confusion qui a suivi le drame n’a pas aidé les enquêteurs à obtenir des informations homogènes.
Si tout le monde, faute de pouvoir s’accorder aujourd’hui, attend de l’issue du procès la mise en lumière d’une seule et unique vérité, cette fin heureuse n’est pas garantie. Et si elle avait lieu, elle ne ferait par ailleurs pas que des heureux.
http://www.lecourant.info/spip.php?article2040
Pour ceux qui sont intéressés par tout ce qui concerne ce drame, je conseille la visite du site :
http://www.azf-10h18.com

Photographie panoramique du pôle chimique pris depuis la colline de Pech David le 21 Septembre 2001, vers 15H00