
Le peuple corse a toujours refusé, à toutes les époques de son existence, de suivre les perspectives balisées qu'on voulait lui faire prendre. Instinctivement, il savait qu'elles n'étaient pas bonnes pour lui, inadaptées à ses besoins, à ses aspirations, à sa vie. Toujours il y a eu dans ce peuple des êtres déterminés pour s'opposer par tous les moyens au système qui tentait de le déposséder de son authenticité, de le dénaturer, de le soumettre à un système étroit, vicieux, élaboré par d'autres pour le réduire jusqu'à sa totale élimination. Impossible projet tant que le peuple corse saura qu'il est corse.
Insemi vinceremu
Ce Ier février 2009, ils sont venus, comme attirés par la résonance d'u cornu. Ils sont tous là, les anciens aux cheveux blanchis dont beaucoup ont subi des années de prison, et aussi la deuxième génération, celle qui a douté, hésitante, amère, agressive, qui s'est trompée d'ennemis parfois, enfin les jeunes, les nouveaux, qui découvrent que la Corse est un petit pays mais une grande cause. Ils sont venus, tous ces rebelles, au premier congrès de Corsica Libera qui regroupe quatre partis nationalistes, dans cette Université qu'ils ont voulue. Ils sont venus pour marcher la tête droite en regardant vers l'avenir. Ni visionnaires, ni fanatiques, le premier souci de ces hommes, de ces femmes, étant de vivre dignement dans ce pays qui est le leur, avec le sentiment de pouvoir transmettre à leurs enfants ce que leurs ancêtres leur ont légué. Cela s'appelle « l'âme corse ». Car la Corse est une communauté vivante, enracinée dans l'Histoire et la culture de cette île où sont nés ses ancêtres, où les montagnes racontent des résistances glorieuses, cette île de traditions, qui possède sa langue, sa façon de vivre. Nous sommes tous composés de cellules et les Corses sont les cellules de cette terre. S'ils disparaissent, bons ou mauvais soient-ils, cette île ne sera plus la même, elle deviendra fade et sans relief. Certes d'autres cellules les remplaceront : des cellules anarchiques.
La parole est forte quand elle est juste.
Actuellement, la Corse tente de survivre, subissant les effets néfastes du capitalisme dévastateur, elle essaie de parer les mauvais coups, de perdurer dans son mode de vie coutumier, elle freine, elle dénonce, elle gueule, par la voix de ceux qui ont encore le courage de le faire, car la liberté se réduit. Lors de ses conférences, Marie-Thérèse Avon-Soletti, historienne, rappelle « qu'aujourd'hui, une majorité d'intellectuels pense que les Corses du XVIIIème siècle étaient incapables d'être créateurs et de suivre une doctrine autre que les doctrines continentales.
Pourtant les Corses du XVIIIème siècle ont créé une Constitution solidement enracinée dans la terre et dans l'âme Corse et dépassant l'époque dans laquelle ils vivaient, car ces hommes étaient fidèles à leur civilisation millénaire ».
En effet, contrairement à l'Europe continentale, où le pouvoir était concentré au plus haut niveau, celui du Prince, en Corse, le décision venait de l'unité de base de la population des villages. Le gouvernement était au service de la communauté, non l'inverse. « Les Corses ne pouvaient imaginer un pouvoir politique sans le consentement de la population. La primauté de l'être humain était la règle première du régime constitutionnel ». (Jacques Denis,Historien) Personne ne peut nier que l'identité corse est en danger, que sa défense mérite mieux que des luttes fratricides et de pouvoir, ce qui est enfin apparu clairement à la compréhension de quatre partis nationalistes : Corsica Nazione Indipendente, l'ANC, Strada Dritta, U Rinovu. Tous ensemble, ils ont fait un gros travail sur eux-mêmes, sur leurs engagements, se sont élevés audessus de leurs contradictions, de leurs inimitiés même, considérant que l'amour de leur pays et sa sauvegarde, valait bien une entente sérieuse et sincère.
Le sort des prisonniers politiques : 1er souci de Corsica Libera
« O mà, chì vulia ditti, Troppu spessu stemu zitti, Tù in un scornu, eu in quill'altru ». Dans le cadre de la constitution de Corsica Libera, la fusion des différentes associations concernant les prisonniers paraît incontournable. Il est important d'assurer les moyens financiers de soutien aux prisonniers politiques, qui ont sacrifié leur liberté ( mandats, frais collectif avocats, voyages des familles ...). Jusque-là les comités et associations ont fait un travail remarquable.
Les atouts de la Corse dans les flux financiers
Tout d'abord, une épargne forte (10 milliards d'euros) actuellement détournée, par le système bancaire, des besoins économiques de l'île.
Mais aussi, une diaspora importante souvent aisée et pourvue de compétences multiples à mettre au service de la Corse. A cela, s'ajoute un environnement exceptionnel préservé (grâce à la lutte nationale) avec notamment une grande richesse en eau. Enfin, notre culture, forte et originale, représentant aussi une richesse économique.
Des pistes de développement
Au plan agricole : un accroissement de notre production dans le respect de la qualité des produits et une recherche de la typicité des produits afin qu'ils puissent échapper à la concurrence extérieure. Il est également nécessaire de prendre des accords avec la grande distribution pour qu'elle privilégie les intérêts des producteurs et consommateurs corses. En matière touristique : privilégier la qualité par rapport à des activités de masse destructrices de l'environnement. Promouvoir l'économie du savoir, qui grâce aux nouvelles technologies s'affranchit des contraintes liées aux transports.
Valoriser notre patrimoine naturel, notre langue et notre culture nationale à travers une démarche d'ouverture à l'égard de notre environnement européen et méditerranéen. Vaste programme. De plus, les critères de nationalité dits de la Cunsulta Naziunale démontrent que nous sommes une communauté historique et culturelle vivante, comme tous les autres peuples.
La citoyenneté Corse est proposée à toute personne qui totalise 10 ans de résidence continue en Corse et qui déclare faire sienne la langue et les valeurs historiques du peuple corse. De nombreuses motions ont été discutées, votées, acceptées. L'immigration fut au coeur du débat : démographie et ses conséquences. Comme tous les peuples du monde, le peuple corse doit avoir la maîtrise de sa politique migratoire. Il n'est ni raciste, ni xénophobe.

Représentation des sensibilités politiques
Corsica Libera est la matérialisation structurelle de la refondation, elle regroupe des patriotes au sein d'un mouvement unifié, rénové, pluraliste qui doit organiser et structurer les débats en son sein.
Le débat est instauré dans toutes les instance du mouvement, y compris à l'exécutif qui veillera à enrayer tout mécanisme déviant. Le principe du non- cumul des fonctions entre élus territoriaux ou syndicaux et porte-parole du mouvement, doit être atteint à terme. Corsica Libera, un parti ? Non, un grand mouvement pour une Corse enfin adulte, libre, épanouie, un mouvement pluriel, aux décisions collégiales, discutées, prises toujours dans l'intérêt du peuple corse. Ainsi soit-il. De nombreux sujets ont été encore débattus. A 15h30 on comptait 635 présents (chiffre exact car chaque arrivant s'inscrivait à l'entrée). D'autres sont arrivés, encore et encore.
Simple curiosité ou attente d'un avenir, d'une autre forme de société pour la Corse, plus moderne mais adaptée à notre terre ? Quatre partis politiques capables de fusionner, dont les travaux vont dans le même sens, avec un soutien populaire de plus en plus important, cela inquiète bien sûr l'Etat français qui se pose des questions. Cette démarche gêne. Pour cette raison cette solidarité doit se fortifier, durer pour développer un projet de souveraineté pleine et entière, et viser plus tard, une indépendance, dont l'organisation demandera un travail considérable et beaucoup de temps. Considérons l'urgence : reconnaissance du peuple corse par l'Etat français, arrêt des achats de notre terre, priorité de l'apprentissage de la langue corse.
Simple logique pour un peuple qui ne veut pas mourir.
Anne Xavier Albertini