Procès Colonna - Les membres du commando innocentent fermement Colonna

Publié le par sceptix

Trois des six hommes condamnés pour l’assassinat du préfet Erignac ont dit et répété, hier, qu’Yvan Colonna ne faisait pas partie de leur groupe. Pour la première fois, ils l’ont clairement innocenté.


La salle est archicomble, au point que les gendarmes s’affolent pour la sécurité de ses occupants. Guy Bedos se faufile parmi la foule, pour voir les hommes du commando et celui qu’ils ont accusé. Joseph Versini, en liberté conditionnelle, a déjà compris, jeudi soir, que l’interrogatoire serait plus poussé qu’à la fin 2007, qui marqua leur passage désastreux au premier procès du berger de Cargèse. A l’époque, tous avaient évoqué, du bout des lèvres, l’innocence d’Yvan Colonna.

Hier, ils l’ont dédouané avec fermeté, précision, explication. Versini, le premier, a expliqué que, lors des gardes à vue en mai 1999, le nom de l’éleveur avait été « imposé » en vertu d’une « stratégie pour protéger d’autres gens » qui n’ont pas été arrêtés (lire ci-dessous). Lui succède à la barre, vers midi, Didier Maranelli. Cet ancien comptable purge une peine de 25 ans de réclusion ; il en a 45. Trapu, il croise ses avant-bras musclés sur son torse, se campe solidement sur ses pieds écartés.

« Si vous permettez, je vais relater à la cour dans quelles conditions j’ai été contraint d’accuser un innocent, j’ai nommé Yvan Colonna. » Le ton, ferme, laisse augurer une suite favorable à la défense. M. Maranelli dit avoir été « saisi d’une peur incommensurable de voir (sa) compagne maltraitée. Les enquêteurs m’ont dit qu’ils la sortiraient du dossier si je livrais des noms ».

« D’accord pour la reconstitution »

Le détenu, qui le jour du crime donna le « top départ » à ses complices, jure que son ami Yvan n’était pas à Ajaccio : « C’est clair et net. En tant que cofondateur du groupe, je sais qui en faisait partie ! » Combien étaient-ils, finalement ?

« Je ne donnerai aucun détail structurel, aucun élément opérationnel et aucun nom. » Grâce au questionnement serré de la défense, on apprend que, s’il refuse de les nommer, Didier Maranelli confirme la version de Versini : « d’autres gens » ont échappé à la Division nationale antiterroriste (DNAT). « Il s’agit d’un groupe de personnes qui a conçu et participé aux deux opérations (Pietrosella et Ajaccio). Stop ! » Comme à Joseph Versini, les avocats de M. Colonna lui demandent s’il se prêterait, aujourd’hui, à la reconstitution qu’il a toujours refusée.

« Oui. Elle blanchirait inévitablement Yvan Colonna ! » Reste à découvrir l’essentiel : pourquoi ont-ils choisi de mettre en cause le chevrier nationaliste et non Pierre, Paul ou Jacques ? Pas de réponse, juste un début d’hypothèse : « Ça arrangeait tout le monde de fixer le dossier à sept. La DNAT et nous. » Me Maisonneuve développe : « Les policiers voulaient Colonna et le groupe, lui, ne souhaitait pas que les investigations se poursuivent dans d’autres directions. »

« J’ai agi en conscience »

Maranelli roule déjà vers la centrale de Saint-Maur, dans l’Indre, lorsque Alain Ferrandi lui succède. Il est 17 h 20. Mince, tout en noir, il accroche son blouson à la barre. Le chef du commando doit beaucoup pratiquer le sport en détention. Il a pris perpétuité. Sa déposition dite spontanée, imposée par la procédure pénale, se cantonne à un discours politique : « J’ai agi en conscience », conclut-il. Parce que le président lui rappelle la raison de son extraction pénitentiaire, Ferrandi se recentre. Sincèrement. Pas comme au procès de 2007, qu’il avait fait basculer en défaveur du berger à l’aide d’un cruel syllogisme : « Je te connais Yvan, tu es un homme d’honneur. Si tu avais participé (au crime), tu le dirais. Par conséquent, tu n’y étais pas. » Cette fois, Alain Ferrandi, le chef qui n’a jamais impliqué ses amis, qui a tout assumé, est parfaitement clair : « Yvan Colonna n’a jamais fait partie du groupe. Sa proximité avec les villageois (de Cargèse) ne fait pas de lui un coupable. Je connais Yvan Colonna et j’ai de l’estime pour ceux qui relèvent le défi pastoraliste. Je répète : il n’a jamais fait partie de notre groupe. »

 


“Une stratégie collective pour protéger d’autres gens”, Joseph Versini

Gêné aux entournures par une défense qui veut en découdre, y compris avec les membres du commando, Joseph Versini a révélé, hier, qu’ils ont accusé le berger « par stratégie » pour protéger « ceux qui n’ont pas été arrêtés ».

Joseph Versini est un homme tout en angles, sec et long. Arrêté en mai 1999 et condamné à quinze ans de réclusion criminelle en juillet 2003, il a été libéré l’an dernier. Il faisait partie du commando, mais il n’a pas participé à l’assassinat du préfet Erignac.

En garde à vue à la DNAT, il a balancé Yvan Colonna, à l’instar de trois autres membres du groupe dit des « anonymes » – seuls Alain Ferrandi et Marcel Istria ont tenu tête aux enquêteurs. A la barre de la cour d’assises, où il a comparu jeudi soir et hier matin, il dit regretter d’avoir accusé l’éleveur de chèvres : « J’ai manqué de courage. Je n’imaginais pas les conséquences pour lui… »

Qu’il ait craqué se comprend. Inconcevable, en revanche, que cet homme instruit n’ait pas mesuré les répercussions de ses propos. Aujourd’hui, parce qu’il s’est rétracté, il explique son revirement tardif par les pressions subies durant les interrogatoires : « J’ai accepté la thèse que les policiers m’ont présentée, pour en finir. Bêtement. » Au cours des 96 heures de rétention, il voit son avocat, qui lui conseille « d’aller dans le même sens que les autres. On m’a montré les PV…

« C’est le dernier round »

Versini donne donc à Colonna, le maintient dans le commando pendant trois ans. Me Simeoni le presse de justifier son long silence. Joseph Versini évoque alors, pour la première fois, « le choix d’une défense solidaire ». Une stratégie « qui permettait de protéger d’autres personnes ». « Qui ? » bondit Me Maisonneuve.

« Il y avait d’autres gens sur l’action, répond-il. Nous étions plus de six. » Me Garbarini refuse d’en rester là : « Aujourd’hui, on est à la croisée des chemins. C’est le dernier round. Il y a la perpétuité au bout. Vous avez accusé Colonna, vous vous êtes rétracté. Ça ne suffit plus de dire : il n’y était pas. Il s’agit d’être crédible ! Pourquoi l’avez-vous mis en cause ? Par calcul, méthode ? » Versini concède un « oui » à peine audible. « José ! » entend-on du côté du box. Yvan Colonna l’interpelle en Corse, s’excuse, attaque en français : « On m’accuse à tort, tu vois ton avocat et tu ne lui dis pas que j’y suis pour rien ?
– Je l’ai dit plus tard…
– Que tu aies subi des pressions, je veux bien l’entendre. Mais tu restes des mois, des années sans rien dire alors que je suis recherché, que Marion (chef de la DNAT) me veut mort ou vif ! Pourquoi ?
– T’étais en cavale. Il y avait d’autres gens. C’était peut-être pour les protéger…
– Peut-être ?
– … »

Le président Wacogne interrompt le face-à-face. On n’en saura pas plus. Joseph Versini quitte la salle, le poids du monde sur les épaules. Le regard noir d’Yvan Colonna l’accompagne.

Edition France Soir du samedi 7 mars 2009 page 12

Sur France-Soir.fr

Publié dans justice & police

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L
Tu vois Charlotte , j'aimerais que ce billet soit encore présenté dans les jours qui suivent , parce que le procès n'est pas fini et ce billet est extrêmement important - beaucoup n'irons pas le chercher trop loin dans le grand nombre de posts publiés sur un seul jour et pourtant c'est maintenant que ça se passe !  Est-ce possible de le remettre en ligne dans la semaine qui arrive ? tout va si vite ! j'espère une réponse de toi - amicalement :-)
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S
<br /> Oh pardon ma belle, j'ai oublié de te répondre, je mettrai le lien vers cet article, sur le prochain concernant ce procès.<br /> Bises<br /> <br /> <br />