Le FMI, fossoyeur de l'Europe?

Publié le par sceptix

Par Malakine. Les pays d'Europe de l'Est sont au bord du gouffre et appellent désespérément à l'aide l'Union Européenne et le FMI. Le seule réponse à laquelle ils ont droit? Rigueur, rigueur, rigueur...


(photo : greefus groinks - Flickr - cc)
(photo : greefus groinks - Flickr - cc)
Dans la perspective du G 20, l’administration américaine insiste beaucoup sur le soutien à la demande globale. C’est pourquoi elle demande à l’Europe de renforcer ses plans de relance. A première vue, le reproche parait exagéré compte tenu du niveau des déficits budgétaires des grands pays de l’Union pour 2009. Pourtant l’attitude de l’Europe n’est pas si claire, notamment à l’égard des pays membres de l’Est.

Mais que dire alors du FMI, qui comme aux plus belles heures des plans d’ajustement structurels, conditionne ses prêts par des conditions draconiennes, exigeant baisse des dépenses publiques et des salaires dans une véritable stratégie de déflation ?

Le FMI, même dirigé par un « socialiste » reste l’étrangleur des pays pauvres et pourrait bien devenir le fossoyeur de l’économie européenne toute entière.

La crise globale frappe les pays de manière différenciée. Si les géants de la mondialisation sont confrontés à l’explosion du chômage, les pays d’Europe centrale sont carrément au bord du gouffre, dans une situation de quasi banqueroute. Le schéma est toujours le même : Un excès de confiance a entraîné un excès d’endettement extérieur en monnaie étrangère. La crise financière s'est traduit par une fuite des capitaux étrangers, les banques rechignant à renouveler leurs prêts. Il s’en est suivi une forte dépréciation de la monnaie nationale, rendant ainsi la dette extérieure insupportable et plongeant le pays dans une récession à deux chiffres.

Tous les pays situés entre l’Europe occidentale et la Russie, de la Baltique aux Balkans et à la mer noire, sont dans une situation financière explosive et appellent à l’aide internationale, principalement de l’Union européenne et du FMI. Malheureusement pour eux, les seules réponses qu’ils ont entendus jusqu’ici est de se serrer la ceinture !

L’égoïsme européen
A la veille du dernier sommet européen, les pays d’Europe centrale s’étaient réunis pour demander à l’Europe de mettre en place une enveloppe de 190 Milliards d’euros destinée à rassurer les marchés financiers sur leur solvabilité. Pour toute réponse, l’UE a décidé de nier la gravité du problème, se contentant d’affirmer qu’on traiterait les problèmes au cas par cas en cas hors tout plan de sauvetage spécifique.

Dans ce contexte d’égoïsme généralisé, l’Europe se replie sa traditionnellement ligne d’orthodoxie budgétaire et prescrit des politiques de rigueur aux pays de l’Est. Alors même que les « grands » s’efforcent de faire de la relance à grands coups de déficits publics !

L’irresponsabilité du FMI
L’attitude du FMI est de la même veine. En pire. Les prêts accordés à la Lettonie, à la Serbie et à la Hongrie ont tous été accompagnés de mesures drastiques en termes de réductions des dépenses publiques et du déficit budgétaire, allant parfois jusqu’à la baisse du salaire des fonctionnaires. Voilà comment on ajoute de la crise à la crise en comprimant encore un peu plus une demande déjà insuffisante ! Voilà comment on transforme de manière accélérée une crise économique en crise sociale et en crise politique.

Le gouvernement de la Lettonie a déjà sauté suite à des émeutes. A qui le tour ?

L’Ukraine au bord du précipice
La situation de l’Ukraine est de loin la plus préoccupante. Après une premier prêt de 4Mds versé en novembre sur un engagement de 16 Mds, le FMI a refusé de verser la deuxième tranche, car les conditions posées ont été jugées inacceptables par Kiev. Parmi celles-ci, outre la réduction du déficit budgétaire estimé à 3% pour 2009, une hausse des loyers et le relèvement de l’âge de départ à la retraite ! L’Ukraine semble d’ailleurs s’être engagée déjà dans une crise politique qui devrait avoir rapidement raison de son unité. RIA Novosti rapportait que des manifestations se sont déroulés dans l’Est du pays pour demander le rattachement à la Russie, perçue comme seule planche de salut dans la crise. Après la crise, la guerre civile ?

Contrairement à ce que certains pourraient penser, la Russie ne se réjouit pas des malheurs de son voisin. Elle vient de demander à l’Union Européenne de s’impliquer dans la stabilisation de l’Ukraine en accordant conjointement avec elle le prêt de 5 Mds demandé par Kiev. On attends la réponse de l’Europe…

Une bombe à retardement au cœur de l’Europe
On estime actuellement à 400 milliards d’Euros les besoins de financement des pays de l’Est pour rembourser ou renouveler leurs emprunts, ce qui représente la bagatelle d’un tiers de leur PIB cumulé. En cas de défaillance, de plus en plus probable, les banques ouest européennes en subiront directement les conséquences. L’ampleur de leurs engagements, notamment dans les banques autrichiennes et suédoises, est d’environ 1700 Mds, ce qui fait craindre aux analystes un deuxième choc systémique, à coté duquel les pertes liées aux crédits subprimes titrisés apparaîtront comme un gentil petit tour de chauffe.

Les pays émergents d’Europe centrale se sont développés dans la mondialisation et avec les tares de la mondialisation. Ils ont cumulés les vices des deux grands modèles économiques. L’anglo-saxon avec hyperendettement extérieur liés aux facilités de crédits (mais contrairement aux Etats-Unis dans des monnaies étrangères ce qui est moins confortable). Et l’Asiatique avec une économie hyperindustrielle, dont la compétitivité était fondée sur ses faibles coûts salariaux, ce qui ne leur a pas permis de développer une économie domestique (qui joue un rôle d’amortisseur en cas de récession) et qui les rend extrêmement dépendants aux exportations, donc au ralentissement de la demande mondiale.

Ils subissent donc les effets du crédit crunch à l’américaine et la crise de débouchés à l’asiatique en même temps !

La relance de l’économie des pays de l’Est est indispensable et urgente.  Cependant, au lieu de soutenir ces économies avant qu’elles ne s’effondrent et entrainent dans leur chute le reste de l’Europe, l’UE et le FMI, ferment le robinet à liquidités et les étranglent par des plans de rigueur insupportables.

Si ce n’était pas si grave, on pourrait ironiser en conclusion sur la situation du patron du FMI, qui rêvait en partant à New York pouvoir gagner sans peine une stature internationale avant d’affronter Sarkozy en 2012, et qui n’aura gagné dans son séjour au FMI, qu’un procès en harcèlement sexuel et la perspective de devoir endosser la responsabilité de l’effondrement économique de son propre continent. Il aurait tout intérêt à quitter le navire au plus vite. Il paraît que Sarkozy se cherche un nouveau premier ministre …

Mais on n’ironisera pas. C’est trop grave.

Retrouvez le blog de Malakine
http://www.marianne2.fr/Le-FMI,-fossoyeur-de-l-Europe_a177242.html
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