Pendant longtemps encore, la stratégie de la peur ? 60 ans, ça suffit !
http://www.csotan.org/ao/article.php?ao_id=33&art_id=431&Mois=mars&Year=2009
En 1990, peu après le 40e anniversaire de l’Otan, Giulio Andreotti révélait publiquement l’existence des réseaux militaires secrets de l’Otan « Stay Behind » mis en place dès sa création. L’implication du réseau Gladio dans bon nombre des attentats terroristes des « années de plomb » commis en Italie est désormais un fait connu, et l’accès aux archives soigneusement classifiées de l’Otan permettrait certainement d’en savoir d’avantage sur la stratégie de la tension des années 70-80 dans l’ensemble des pays de l’Europe occidentale.
Episode regrettable, appartenant à l’ère révolue de la guerre froide et de la lutte contre la menace communiste ? Comment en être sûr alors que l’Otan est toujours bien là et continue à affirmer sa nécessité post-mortem bien après la disparition de sa raison d’être officielle pendant 40 ans ? Comment en être sûr, alors que les discours actuels sur le terrorisme mondialisé sont directement calqués sur ceux de jadis de la menace communiste ? Comment même l’espérer alors que la stratégie de la peur s’est montrée tellement profitable, littéralement ? Les industries d’armement qui font des bénéfices colossaux sur la peur, peuvent-ils se permettre d’avoir face à eux une humanité qui n’a plus peur de l’autre érigé en ennemi ? Ce sont des intérêts difficilement concevables qui sont en jeu.
Lors d’un récent discours en France, promue nouvelle fille aînée de l'Otan, Jaap de Hoop Scheffer, vient de réaffirmer que « pour la Communauté Internationale, il est important que l’Otan continue d'être un instrument qui apporte cette contribution [au renforcement de la paix et de la sécurité internationales] pendant longtemps encore »
Cette déclaration nous paraît très ironique au regard de l’histoire passée et actuelle de l’Otan.
Il y a tout juste dix ans, l’Otan fêtait son cinquantenaire en se payant le droit International. L’agression de la Yougoslavie menant à sa destruction finale était emballée dans un droit d'ingérence humanitaire sur mesure, sur allégation de massacres et d’horreurs fabriqués médiatiquement.
Aujourd'hui, le leitmotif de la lutte globale contre la terreur maquille son rôle de sécurisation des sources et des voies d’acheminement des richesses énergétiques en Asie centrale, que l'Occident estime lui revenir de droit.
L'Otan n'est pas du tout un facteur de paix et de sécurité internationales, mais bien un instrument au service des intérêts de puissances impérialistes aux abois face au renversement des rapport de forces dans le monde, prêtes à utiliser tous les moyens, de déstabilisation, de guerre, de terreur, pour maintenir leur main-mise parasitaire sur la planète.
« Pendant longtemps encore », rêve le Secrétaire Général de l’Otan : Pour nous cela suffit amplement comme ça. Rendez-vous en masse à Strasbourg et Kehl en avril pour dire: Non a l'Otan ! 60 ans d'Otan = 60 ans de trop !
Strasbourg, du 2 au 5 avril
Contre Sommet de l'Otan
Les activités du contre sommet se dérouleront autour de 4 axes :
- Des actions de désobéissance civile non-violentes
- Un village autogéré avec de nombreuses activités du mercredi 1er au dimanche 5
- Le 4 avril à 13 heures, une grande manifestation qui partira du pont entre Kehl et Strasbourg
- Une conférence internationale avec de nombreux ateliers le vendredi 3 et le dimanche 5
La conférence internationale sera l'occasion d'analyser les politiques et stratégies de l'OTAN et de discuter de solutions de rechange à l'Otan. Elle offrira également un espace pour le mouvement pour la paix afin de préparer les actions à long terme.
Programme de la conférence
Vendredi 3 avril de 10 à 13 h: « 60 ans d'Otan, 60 ans de menaces contre la paix mondiale »
Avec la participation de Phyllis Bennis, Tariq Ali, Jan Tamas, Noam Chomsky, Sophie Zafari3 avril après-midi : Trois séries d'ateliers, qui couvriront de manière complète l'ensemble des thématiques sur l'Otan.
21 ateliers sont prévus. Citons "L'agression de 1999 contre la Yougoslavie", "Israël et l'Otan", "La stratégie nucléaire de l'Otan", "L'élargissement vers l'Est", "L'Otan, l'UE et le Traité de Lisbonne", "L'impact de la guerre sur l'environnement", "Globalisation , la crise et l'Otan", "Le bouclier anti-missiles", "Le lobbying de l'Otan dans la recherche et les universités", "Sécurité collective vs l'Otan", ...Le CSO animera l'atelier "L'Otan, garant de la sécurité d'approvisionnement énergétique des pays membres" (de 18h à 20h)
Programme complet de la conférence et des ateliers
Dimanche 5 avril, de 10h à 12h : « 60 ans d'Otan sont plus qu'assez »
Un débat sur les différentes approches pour un monde sans Otan, avec Jean Ziegler, Maj Britt Theorin, Lidia Menapace, Joseph GersonDimanche 5 de 12h30 à 14h : « Venir à bout de l'Otan »
Rencontre entre mouvements de la paix et personnalités politiques de gaucheDimanche 5 de 14h30 à 16h : Assemblée anti-guerre
Tous les militants sont invités à partager leurs expériences, à présenter les résultats de leur atelier, à se consulter mutuellement sur les activités futures et à planifier des campagnes pour un monde juste sans l'Otan
Infos pratiques
- Il est demandé de s'inscrire après de registration@ialana.de
- La conférence se tiendra au Centre Sportif Lixenbuhl
24, Rue Lixenbuhl
67400 Illkirch-Graffenstaden (à environ 5km du centre de Strasbourg)
Pour la Belgique, deux formules de voyage sont proposées :
I. Manifestation du samedi 4 avril seulement
- Départ de Gand à 5h45 précises, à la gare de Gand St Pierre
- Départ de Bruxelles à 6h45 précises, à la gare du Nord
- Arrivée à Strasbourg vers 12h
- Arrivée à Bruxelles vers 0h
Contacter Pieter@vrede.be
Prix par personne : 31€II. Camp d'action à Strasbourg du 1er au 5 avril
- Départ le 31 mars de Antwerpen-Berchem à 13h
Contacter Inez@vredesactie.be / +32-(0)3 281 68 39
Prix par personne : 30€
Kosovo, 10 ans après les bombardements de l'Otan : Fruits amers d’une intervention "humanitaire"
Le 24 mars 1999, les bombardiers de l’OTAN entamaient 78 jours de raids sanglants sur la République fédérale de Yougoslavie (RFY), y compris la province serbe du Kosovo en proie à des violences séparatistes depuis trois années. Si les bombes occidentales n’eurent que peu d’effet sur la capacité militaire de l’armée serbo-monténégrine – 13 tanks détruits, notamment -, elles s’avérèrent dévastatrices pour la population civile : ponts, écoles, usines, marchés, trains, convois de réfugiés, stations et émetteurs de radio-télévision, et même l’ambassade chinoise, furent particulièrement visés.
Révoltés par ces attaques brutales qu’encensaient des médias intoxiqués par une vision manichéenne des conflits dans les Balkans, quelques militants décidèrent de briser le silence complice d’une majorité de pacifistes. Ils proposèrent à la signature de la population l’appel d’un groupe de juristes belges dénonçant, au nom du droit international, cette agression. Ces militants, de diverses sensibilités de gauche, continuèrent à se réunir après la guerre et donnèrent bientôt naissance au Comité de surveillance OTAN.
C’est donc ce conflit, il y a dix ans, qui est directement à l’origine du CSO. Une décennie plus tard, il est donc légitime de se demander ce que sont devenues les entités qui constituaient alors la RFY, et en particulier le Kosovo, au cœur du conflit.
Découpage balkanique
Le Monténégro a totalement rompu les amarres avec la RFY en proclamant son indépendance en 2006, et entraînant la dissolution de la fédération et l’indépendance – non souhaitée – de la Serbie. Le pouvoir reste – depuis près de 20 ans ! – sous la coupe de l’inamovible Djukanovic, dont un éventuel retrait du pouvoir signifierait la fin de l’immunité et un possible mandat d’arrêt de la justice italienne qui le suspecte d’être un des principaux alliés étrangers de la Sacra Corona Unita et d’autres mafias locales. Vendue aux milliardaires russes, les dirigeants de la petite république – 300.000 habitants – promettent d’en faire le Monaco de la côte adriatique.
Après le renversement de Milosevic en 2000, la Serbie s’est fortement rapprochée de l’Union européenne et même des Etats-Unis, tout en intensifiant ses relations avec la Russie. Si l’adhésion à l’OTAN continue à être rejetée par la population et n’est officiellement pas à l’ordre du jour, celle à l’UE est l’objectif prioritaire du gouvernement de Belgrade, avec – bien sûr – la défense de l’intégrité territoriale du pays. La fin de l’année 2008 a connu une double victoire diplomatique de la Serbie, des succès qui semblent mettre fin à une très longue période d’ostracisme. D’une part, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution demandant l’avis de la Cour internationale de justice sur la légalité de la proclamation d’indépendance du Kosovo. D’autre part, la mission européenne EULEX, qui entendait se substituer à la mission de l’ONU en place depuis 1999, a dû se soumettre aux conditions de Belgrade pour obtenir un minimum de légitimité et se faire adouber par le Conseil de sécurité, où la position ferme de la Russie a été décisive.
Ainsi, EULEX n’aura pas pour mandat de bâtir un Etat indépendant au Kosovo, mais d’y assurer « la loi et l’ordre », en coordination avec le KFOR, force de l’OTAN dont le mandat n’a guère changé depuis la fin des bombardements et dont le niveau actuel s’élève à quelque 16.000 hommes. Bien que, un an après la proclamation d’indépendance, le nombre d’incidents graves reste assez limité, le Kosovo demeure un baril de poudre, dont la mèche semble localisée dans la ville divisée de Mitrovica. Le nord de la région continue à vivre au rythme de la Serbie, bien qu’EULEX tente timidement d’y établir sa présence. Le reste de l’entité, où la majorité albanaise est plus écrasante que jamais, connaît le taux de chômage le plus élevé d’Europe et est totalement dépendante de l’aide extérieure, Etats-Unis et Allemagne en tête, ainsi que des contributions de l’importante diaspora albano-kosovare. Les enclaves, serbes ou d’autres minorités, sont de véritables ghettos qui n’ont guère changé depuis la mission d’enquête organisée par le CSO durant l’été 2004. La sécurité, l’emploi, la liberté de mouvement, et même l’accès au courant électrique, continuent d’être des notions de plus en plus abstraites pour les habitants de ces enclaves.
Sordides trafics
Par ailleurs, des faits monstrueux, commis essentiellement il y a dix ans, mais relégués alors parmi les rumeurs les plus fantaisistes, trouvent aujourd’hui leur confirmation et rendent encore plus abject le soutien apporté par les bombardiers et les fantassins de l’OTAN aux indépendantistes de l’Armée de libération du Kosovo, aujourd’hui au pouvoir à Pristina. Une enquête sur les trafics d’organes de prisonniers serbes et peut-être de prostituées « usagées » de divers pays de la région a été lancée par le Procureur pour crimes de guerre de Belgrade après les révélations de Carla Del Ponte, son homologue au Tribunal de La Haye, dans son livre « La Caccia », toujours non traduit en français plus d’un an après la sortie de son édition italienne. Des victimes sont maintenant identifiées, de même que des exécutants et divers lieux dans le nord de l’Albanie où se pratiquaient ces morbides prélèvements, jusqu’à ce que mort s’en suive pour les « donneurs ». Une enquête a également été commandée par le Conseil de l’Europe à Dick Marty, le sénateur suisse qui s’était illustré en mettant à jour les fameux « vols secrets » de la CIA. Par ailleurs, fin 2008 à Pristina, une clinique pratiquant illégalement des prélèvements et des greffes d’organes – sur base « commerciale » ici – a été démantelée et on s’est vite aperçu qu’un des médecins arrêtés avait déjà été cité par des témoins impliqués dans les trafics des années 1999-2000.
Il apparaît aussi que la Mission de l’ONU au Kosovo a bel et bien enquêté sur cette affaire en 2003, ce qu’elle niait il y a quelques mois encore, et que le Tribunal de La Haye a détruit des preuves (matériel chirurgical…) trouvées en Albanie lors de cette enquête. Il est significatif que Del Ponte ait révélé ces crimes juste après son départ du Tribunal et que ce dernier a déjà avancé diverses justifications pour ne pas s’y intéresser, car ils n’auraient pas été commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie ou pendant une période de guerre. La complicité d’officiels de l’ONU en poste au Kosovo, qui auraient couvert ce trafic ou empêché toute enquête sérieuse, est de plus en plus souvent avancée.
Certes, treize mois après sa proclamation, 56 pays ont reconnu l’indépendance kosovare, mais il s’agit essentiellement de membres de l’OTAN et de micro-Etats. C’est sans surprise qu’on apprend que certaines reconnaissances ont été achetées : ainsi, le pot-de-vin au ministre des Affaires étrangères des Maldives, le dernier pays à reconnaître le Kosovo, se serait élevé à 2 millions de dollars. Mais il reste 138 Etats qui n’ont pas reconnu le Kosovo et parmi eux pratiquement tous les poids lourds d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine.
Transformer le trou noir de l’Europe en un Etat crédible, telle est l’improbable mission que UE et OTAN se sont arrogée. Le moins que l’on puisse dire est que dix ans de présence occidentale n’ont guère amélioré le sort de la population albanaise, à l’exception du crime organisé, infiltré jusqu’à la tête du gouvernement. Quant aux Serbes et autres minorités, ceux qui sont restés – une petite moitié de la population d’avant les bombardements – doivent souvent vivre dans des conditions infrahumaines, difficilement imaginables à deux heures de vol de Bruxelles. Non seulement illégale et meurtrière, la glorieuse « intervention humanitaire » de l’Occident a permis un nettoyage ethnique sans doute irréversible et plongé le Kosovo dans une absence totale de perspective de développement.
Georges Berghezan
18 ans après la fin du «péril rouge», pourquoi encore l'Otan ?
La création de l'Alliance Atlantique, en contradiction avec la Charte des Nations Unies.
Beaucoup estiment que l’Otan aurait logiquement dû disparaître lors de la dissolution du Pacte de Varsovie. Le fait qu’il n’en a rien été, et qu’au contraire un rôle plus ouvertement agressif lui a été confié (agression de la Yougoslavie, déploiement hors zone, soutien direct à la ‘guerre à la Terreur’), devrait plutôt amener à se questionner sur la validité même des justifications de son existence avant 1991. De fait ces 40 premières années sont rarement mises en question, la menace que représentait le Pacte de Varsovie étant en quelque sorte passivement admise comme fait acquis.
Ainsi dans son récent document consacré à l'Otan1, la CNAPD pose la question de la légitimité, aujourd'hui, de l'Alliance atlantique en ces termes : « L'existence même d'une alliance comme l'Otan aujourd'hui ne sape-t-elle pas la tentative d'un ordre mondial réellement multilatéral sous égide de l'ONU ? ». En fait c'est dès sa création en 1949 que l'existence de l’Otan sapait cet ordre multilatéral onusien.
Un premier élément qui est généralement oublié, est que le dit Pacte de Varsovie a été créé plus de cinq ans après l’Otan, le 14 mai 1955 ; ce seul fait donne un éclairage singulier à l’argument usuel, selon lequel l’Otan était une réaction face à la menace du Pacte de Varsovie. De façon factuelle, la situation est juste inverse : le Pacte de Varsovie est une réaction à l'intégration dans l’Otan de l’Allemagne de l’Ouest ; la perspective du réarmement de ce pays à l’origine de la seconde guerre mondiale, au sein d’une alliance qui reprenait exactement le discours fasciste sur le péril communiste, était, de fait, une menace réelle.
La Charte des Nations-Unies, ratifiée en novembre 1945, énonce de façon précise les obligations qui incombent aux Nations membres pour écarter la guerre, et explicite en particulier l’obligation qu’ils ont d’unir les forces pour maintenir la paix et de prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix. Le Nations-Unies ont pour but de « .…réaliser, par des moyens pacifiques (…) le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ; développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes… »
Quel pouvait bien être le sens d’une alliance militaire isolant 12 pays si l’ensemble des pays sont sincèrement résolus à unir leurs forces pour maintenir la paix ?
Moins de trois ans après la signature de la Charte des Nations-Unies, les principaux empires coloniaux (France, Grande-Bretagne, Pays-Bas) plus la Belgique et le Luxembourg concluaient le Pacte de Bruxelles, qui allait être le noyau de l’Otan un an plus tard. La création d’un pacte militaire entre quelques superpuissances vidait de leur sens.les principes et obligations exprimés dans Charte. La prétendue nécessité de se protéger (et avec les armes offensives que l’on sait) dans un club de pays surarmés, revenait à affirmer que ces principes étaient pour eux lettre morte.
1948 : Qui devait avoir peur de qui ?
«Savez-vous quelle est la base de notre politique ? C'est la peur. La peur de vous, la peur de votre Gouvernement, la peur de votre politique.»
En septembre 1948, Paul-Henri Spaak lance à la tribune des Nations Unies son fameux discours « nous avons peur », considéré en quelque sorte comme l’acte de foi justifiant la création de l’Otan un an plus tard. Le chef de la diplomatie belge défendait en fait le Pacte de Bruxelles conclu quelques mois plus tôt.
Dans son discours, Spaak fait inévitablement référence aux idéaux du Monde libre, aux valeurs de la civilisation occidentale et démocratique face au totalitarisme. Il est frappant de constater que, en substituant ‘terrorisme’ à ‘totalitarisme’, ce discours n’a pas trop vieilli …
En 1948, les USA étaient encore les seuls détenteurs de l’arme atomique ; ils venaient de commettre les crimes de Hiroshima et Nagasaki, et ceux de Dresde notamment, non pas pour soumettre des nations déjà sur la voie de la capitulation, mais en réalité à l’adresse directe de l’Union Soviétique : littéralement, des actes de terreur. En Corée, ils avaient remplacé l’occupant japonais ; ils allaient bientôt y mener la guerre atroce que l’on sait. L’Empire Hollandais perpétuait ses massacres en Indonésie dans sa tentative désespérée de repousser l’indépendance. La France menait depuis 1946 sa guerre contre les nationalistes en Indochine, qui devait durer jusqu’en 1954. La "pacification" à Madagascar avait fait 89 000 morts en 1947... On pourrait continuer ainsi longuement. En ce qui concerne la Belgique, les Congolais devaient également avoir une vision assez particulière des idéaux du monde libre. Dans le même ordre d’idée, il est intéressant de rappeler que le Portugal de Salazar faisait partie des membres fondateurs de cette ‘union du Monde Libre’, qui avaient tellement peur.
« Ce régime [la démocratie libérale occidentale] a d'immenses avantages : (…) Il répudie l'emploi de la force et l'emploi de la violence. Il fait confiance au bon sens et à la sagesse de l'homme » (extrait du discours de Spaak). Il n’est pas certain que le reste du monde ait la mémoire aussi courte.
Défense de la liberté ? Démocratie ? Quelle tartufferie évidente, avec le recul, pour ces Empires coloniaux occupés à tenter de préserver leurs intérêts dans le sang. Et aujourd’hui ces mêmes puissances justifient souvent leur alliance militaire par la nécessité de faire respecter les droits de l’homme dans les pays qui avaient déjà si bien bénéficié de leur sollicitude dans le passé.La Colonie avait été un élément indispensable à la prospérité de l’Europe occidentale. Et, quoi que l’on pense du ‘régime communiste’, l’Union Soviétique a été indéniablement (et dès sa création) non seulement un des plus actifs défenseurs de l’émancipation des peuples, et un acteur essentiel de la lutte anti-coloniale, mais aussi pour des millions de personnes à travers tout le Tiers Monde, un exemple concret d'un pays sortant du sous-développement en quelques décennies, et par ses propres moyens.
De ce point de vue, il y avait effectivement de quoi être effrayé.Nos valeurs, - et nos ressources.
« Nous avons à peu près 60 % de la richesse du monde mais seulement 6,3 % de sa population. Dans cette situation, nous ne pouvons éviter d'être un objet d'envie et de ressentiment. Notre véritable tâche dans la période qui vient est d'imaginer un système de relations qui nous assure de maintenir cette disparité. »
George Kennan, ex-responsable de la planification politique du département d'Etat US, février 1948« Il est indispensable que l'OTAN définisse ce qu'elle peut apporter de plus au niveau de la protection des infrastructures essentielles ou de la sécurisation des goulets d'étranglement par lesquels passent les flux d'approvisionnement. Je pense d'ailleurs que l'OTAN a d'ores et déjà des moyens qui peuvent apporter une contribution majeure dans ce domaine. »
Jaap de Hoop Scheffer, mars 2009La désintégration du camps soviétique en 1991 a permis une politique de reconquête du monde de nature coloniale. La première guerre du Golfe a marqué le coup d’envoi. Les multinationales occidentales ont bien digéré l’Europe de l’Est, et les récalcitrants tels la Yougoslavie, ont été mis au pas comme il fallait.
La présence de l’Otan en Asie Centrale, et son ambition de plus en plus affichée de se projeter au besoin partout dans le monde pour sécuriser les sources d’approvisionnement, sont la continuation d’une même vieille politique.La perte d’un épouvantail a nécessité la confection d’un autre ; le ‘terrorisme’ semble être un excellent choix, qui n’a pas à craindre de disparition prématurée.
L’Otan n’a pas disparu en 1991 : sa raison d’être aujourd’hui, est la même qu’en 1949.
1. « L’Otan, du bouclier à l’épée », Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD), www.cnapd.be/uploads/pdf/200901/brochure%20plaidoyer%20OTAN.pdf
L'Europe contre le bouclier antimissile
Une conférence à Londres pour donner un signal clair à Barack Obama
Samedi 31 janvier 2009, la CND (Campaign for Nuclear Disarmament) a organisé une conférence afin de montrer la forte opposition en Europe à l'installation du bouclier antimissile par les Etats Unis (US Missile Defence). Des femmes et des hommes politiques ainsi que des militants pacifistes sont venus de Grande-Bretagne, de Pologne, de République Tchèque, de France et d'Allemagne. Le président Bush a commencé la mise en place du bouclier antimissile depuis son élection en 2000, et en 2001, a dénoncé unilatéralement le traité de non prolifération signé avec la Russie. Mis en place afin d'assurer une suprématie militaire totale sur le reste du monde, ce bouclier déstabilise les relations avec la Russie et concernent en premier lieu l'Europe. Contrairement à sa dénomination, dans la vision des néo-conservateurs américains, le bouclier antimissile n'est pas un dispositif de défense. Leur rêve en passe d'être réalisé est de disposer enfin d'un système qui permette aux USA de frapper massivement la Russie et ses missiles intercontinentaux, et de détruire les quelques missiles qu'ils ne pourront frapper à l'aide des intercepteurs. Une attaque unilatérale de la Russie ne pourrait en effet pas être prévenue par ces missiles intercepteurs. Les États-Unis espèrent ainsi disposer d'un outil de supériorité militaire vis à vis de la Russie, leur cible principale [1]. Le nouveau président des Etats Unis, Barack Obama, n'a pas encore donné son plein accord à la poursuite de la mise en place de ce dispositif – cette conférence était aussi l'occasion de lui donner un signal fort aux premiers jours de sa prise de fonction.
Ouvrant la conférence, Jeremy Corbyn, travailliste, Membre du Parlement (MP) anglais a souligné les nouvelles perspectives qui s'ouvrent avec l'arrivée de Barack Obama, et ce premier geste d'apaisement de la Russie qui a annoncé le 28 janvier 2009, la suspension de l'installation de missiles "Iskander" dans l'enclave de Kaliningrad [2]. En effet, le président russe Dmitri Medvedev avait annoncé officiellement en novembre dernier qu'un système de missiles Iskander pourrait être déployé en réponse à l'aménagement de la troisième région de positionnement de défense antimissile américaine, en Pologne et en République tchèque [3]. J. Corbyn a rappelé le coût du déploiement du bouclier antimissile, indécent au regard de la crise financière et économique qui touche notamment les Etats-Unis. Toutefois, Michael Connarty, MP, Travailliste, a noté qu'Obama était entouré de gens qui raisonnent encore comme au temps de la guerre froide, ce qui amène à être très vigilant sur la politique de la nouvelle administration américaine. Jean Lambert, MP, Verte londonienne, appelle a la solidarité internationale contre le bouclier antimissile.
Jolanta Symanek-Deresz, MP, Socjaldemokracja Polska, a indiqué, que, si 47% seulement des Polonais – contre 39% pour – étaient opposés à l'installation de 10 missiles intercepteurs, ce projet, mal connu du public, lancé par le désormais impopulaire président Lech Kaczynski (Loi et Justice, i.e. PiS) mettait mal à l'aise le gouvernement de Donald Tusk, centre droit (PO). Elle a indiqué que ce dispositif présenté comme une protection du teritoire polonais, était de toute façon inefficace, et que les contreparties militaires et financières promises par les Américains n'étaient restées que des promesses. Elle indique que le SLD a signé un accord avec son équivalent tchèque afin d'oeuvrer contre le bouclier antimissile et de promouvoir des relations de dialogue avec les Russes, dans un monde multilatéral, et non plus unilatéral dominé par les seuls Etats Unis. Ivona Novomestska, venue au nom des Sociaux-démocrates tchèques (CSSD), a indiqué que 70% des Tchèques restent opposés à l'installation du bouclier antimissile avec en particulier la mobilisation de plus d'une soixantaine de maires de la région de Brdy, à 60 km au sud ouest de Prague, qui appellent à une mobilisation le 18 février 2009 afin d'interpeller la présidence tchèque de l'Union Européenne. De plus, vingt ans après le départ des soldats russes, la population tchèque fière de son indépendance voit d'un très mauvais oeil l'arrivée d'une base américaine.
Alors que les Sociaux-démocrates allemands (SPD) font savoir leurs attentes vis à vis de la nouvelle présidence américaine, l'Allemande Monika Knoche, MP, Die Linke, appelle à un monde sans armes nucléaires, et à ne pas se cantoner sur une position "wait and see" (regarder et attendre) mais plutôt à agir contre le bouclier antimissile. Elle précise que le Gauche Unitaire Européenne est claire sur cette question. Elle souhaite que les Européens et les Américains se saisissent de l'opportunité donnée par le geste d'apaisement russe avec le gel de leur programme à Kaliningrad pour stopper le bouclier.
Les intervenants, dont moi-même, sont tombé d'accord pour qu'aussi, le contre sommet de l'OTAN en avril 2009 à Strasbourg et à Kehl, soit une occasion de dénoncer le bouclier antimissile. La CND y enverra notamment une délégation. Afin de coordonner l'action au niveau européen et international, il s'agira dorénavant de définir des dates communes pour des initiatives et des manifestations dans plusieurs pays à la fois. Donner une dimension plus européenne, et non pas seulement la préoccupation des Anglais, des Tchèques et des Polonais, est essentiel pour faire bouger des citoyen(ne)s qui n'ont pas de lien direct avec le bouclier antimissile. Les prochaines élections européennes seront aussi une occasion pour interpeller les futurs parlementaires européens. Une visibilité pourrait être donnée avec des outils communs, tels que des sites web recensant les actions sur ce thème. D'autres idées ont été avancées comme promouvoir des fondations, et en tout cas poser la question des moyens financiers pour affréter des bus ou lancer des campagnes; ou encore d'impliquer les villes tchèques, polonaises et anglaises jumelées avec d'autres villes partout en Europe, afin d'avoir une approche commune.
[1] "Non au bouclier antimissile", Planète Paix, No 529, février 2008 pp 20-21
[2] "La Russie suspend le projet de déploiement de missiles à Kaliningrad", dépêche AFP, 28 janvier 2009
[3] "Le marchandage russo-américain sur les Iskander et l'ABM", Dépêche RIA Novosti, 30 janvier 2009Patrice Salzenstein (Mouvement de la Paix, France)
Taliban du 3e type
Le nouveau vice-président états-unien Joe Biden, de passage au siège de l'Otan début mars, s'est livré à des statistiques assez édifiantes : « 5 % des taliban sont des irréductibles ; on ne peut rien faire d'autre que les vaincre » a-t-il "expliqué", « 25% ne sont pas sûrs de l'intensité de leur engagement auprès des insurgés, et enfin 70% sont avec les taliban pour l'argent. » C'est donc ce dernier groupe corruptible que les USA trouvent si 'modéré', et avec lequel ils espèrent pouvoir s'entendre : il suffira de payer plus, pour qu'ils acceptent l'occupation.
Il n'a pas précisé comment avaient été calculés de tels chiffres.
Le gouvernement belge a eu droit parait-il à son briefing. L'embarras de De Gucht lorsque la journaliste de la RTBF lui a demandé ce qu'était un taliban modéré, était assez drôle à voir. La journaliste n'a sans doute pas eu le coeur de lui poser la question que tout le monde finit par se poser : « Mais qu'est-ce qu'on fout en Afghanistan ? »