AZF: alarme système

Publié le par sceptix

Hier le tribunal a entendu David Znatty, et Jean Donio, informaticiens, experts judiciaires qui avaient pour mission l’analyse des systèmes informatiques de l’usine. Ces informations, collectées par les systèmes informatiques qui gèrent en temps réel toutes les activités de l’usine, qui en gardent la mémoire, sont capitales pour le travail du collège des autres experts. En lisant ci dessous le verbatim de leur audition on constatera que les deux hommes ont tenu à faire part des difficultés qu’ils ont rencontré pour remplir leur mission alors même qu’ils étaient mandatés par la justice. Cité par le procureur, un courrier de la défense au juge d’instruction estimait que ces experts « ont travaillé uniquement à charge et que leurs investigations ont été subverties par l’accusation ». Total, victime des experts judiciaires, soumis à la thèse officielle, comme les serfs à la taille, une habitude qui n’étonnera plus personne.
Maître Soulez Larivière estimait mercredi que, dans le système pénal français, marqué par l’inégalité entre l’accusation et la défense, «l’instruction était un pré jugement », c’est à dire, au fond, une condamnation d’avance. En tout début de procès, au moment du débat de la citation directe déposé contre Total et Thierry Desmarest, Maître Veil, leur défenseur, a utilisé l’instruction mais pour en tirer la conclusion inverse. Se prévalant du fait que ni Total, ni Thierry Desmarest ne figurent dans l’ordonnance de renvoi qui clôt l’instruction, l’avocat a estimé que cela valait un « non lieu implicite ».
Comme quoi, l’instruction peut être bonne fille. Pour en revenir aux informaticiens, et à leurs désagréments, maître Bisseuil, avocate de l’association des familles AZF, a rappelé que les faits dénoncés par les deux experts avaient été visés dans la plainte pour entrave à la justice qu’elle a déposé en septembre 2004. Mais ils n’ont fait l’objet d’aucunes investigations, et la plainte n’a pas été jugée fondée. On se souviendra à la lecture de ce verbatim de mots prononcés par les dirigeants de Total, les prévenus, ceux de Jerôme Berthes, ex président de la commission d’enquête interne, vérité, toute la vérité, toute la transparence, on se souviendra de ces serments.

Verbatim

Nous avons été voir plusieurs fois le juge d’instruction pour obtenir des informations.
On nous a mis mr Palluel (cadre d’AZF) dans les pattes au lieu de nous donner des informations, il nous donnait un cours sur l’automatisation. On lui demandait des documents écrits, pas de nous expliquer les choses oralement. On ne nous a jamais dit que les documents que nous réclamions avaient été détruits. Chez le juge mr Palluel avait un classeur sur les genoux et il sélectionnait les informations qu’il voulait bien nous donner.
Jean Donio : un jour à mon bureau, je reçois trois caisses de documents non enregistrées par le tribunal. Je suis expert judiciaire depuis plus de vingt ans je connais la procédure. J’ai donc refusé d’ouvrir ces caisses et j’ai demandé au juge d’instruction de les enregistrer et après seulement, je les ai ouvertes. Elles contenaient 1500 documents qui répondaient à des tas de choses, sauf à ce que nous demandions.
La GTC, la gestion technique centralisée, un outil informatique très important, avait disparu. Il a fallu qu’elle soit saisie par la police le 22 avril 2004, deux ans après, pour que nous l’obtenions alors que nous la demandions depuis le début. Nous avons aussi découvert un système informatique de sécurité dont on ne nous avait jamais parlé.
Nous avons déposé notre rapport sans avoir toutes l’information que nous avions demandée. Nous n’avons jamais pu obtenir l’emplacement des capteurs. Il y en avait 12 000 dans l’usine. Nous avons demandé la description de ces points, nous avons eu une toute petite partie de cette documentation, le reste nous ne l’avons jamais obtenu.
Il y a trois niveaux d’alarmes sur les systèmes. Low , High et emergency, dans ce cas c’est précisé par Honeywell, le constructeur, on doit intervenir le plus rapidement possible. Mr Palluel soutenait qu’emergency n’était pas une alerte, que si un capteur tombait en panne , ce n’était pas grave alors que le stade émergency est associé à de très fortes alarmes. Il nous a fallu trois réunions chez le juge pour connaître le sens et la topologie qu’ils donnaient aux alarmes. Il a fallu qu’on amène mr Palluel chez le juge pour qu’il nous explique.

Les horloges des ordinateurs n’étaient pas alignées sur l’horloge atomique, et celle des alarmes n’étaient pas réglées. Les informatiques n’étaient pas coordonnées en temps universel, ce qui n’est pas grave, mais elles n’étaient pas coordonnées entre elles ce qui l’est. On a trouvé des inversions de temps, des évènements enregistrés quelques secondes après celui qui les conditionnait.
L’ordinateur de gestion des entrées sorties de l’usine datait de 1991. il n’y avait aucune sauvegarde.

Le vrai problème est que nous sommes des experts judiciaires et qu’il est utile que nous ayons des informations directement sans qu’elles aient été traitées par lui. Lorsque nous avons analysé certains calculateurs, nous avons trouvé leurs traces. Il y a toujours le risque en informatique d’avoir une information tronquée, involontairement bien sûr,
Mais il n’est pas normal que nous n’ayons pas d’informations directes, nous l’avons écrit au juge.
Il était important pour nous de faire part de ce climat au tribunal, qui nous a empêché de remplir notre mission comme nous l’aurions du.
Le président : comment analysez vous vos relations avec mr Palluel ?
Notre impression c’est qu’il faisait son travail de son côté. (…) je suis certain que tout le monde a cherché à comprendre ce qui s’est passé, mais sur le plan de la coopération l’énergie commune a manqué.

PS:
Marc Mennessier est l’auteur d’ « Un silence d’Etat », livre dans lequel il défend, à longueur de pages, la thèse selon laquelle, l’explosion de l’usine AZF est d’ origine criminelle, un attentat islamiste, pour être précis. C’est son droit le plus strict. Sur fond des attentats du 11 septembre 2001, cette thèse a été alimentée et entretenue par les Renseignements Généraux dirigés par un Yves Bertrand, dont la réputation de fiabilité est bien établie. Les nombreux courriers adressés par les avocats de Total aux juges d’instruction, notamment leurs demandes d’investigations à la suite de « scoops» de Marc Mennessier, attestent de leur grand intérêt pour une thèse bien plus favorable pour leur client que celle de l’accident industriel. Les enquêtes du SRPJ comme les analyses des experts des laboratoires de la police scientifique de Toulouse et de Paris l’ont totalement invalidée. Ces faits sont connus depuis de nombreuses années, a fortiori quand on revendique une lecture minutieuse du dossier d’instruction. Libre, à Marc Mennessier, de continuer à s’essuyer les pieds sur le cadavre prétendument carbonisé, d’une victime innocente, Hassan Jandoubi. Libre à lui, de s’agripper à la réputation professionnelle d’une défunte, Anne Marie Casteret, pour tenter d’éviter le naufrage de la sienne. Libre à nous de penser, comme nous l’avons écrit, que ces méthodes ont une odeur, celle de la manipulation, de la désinformation et de la xénophobie.

PS : S’agissant de l’état du corps et des vêtements de Hassan Jandoubi, voici les conclusions du médecin légiste : Le corps de Hassan Jandoubi a été retrouvé enseveli sous des décombres à une quarantaine de mètres du cratère. Le docteur Costagliola, médecin légiste, qui a effectué l’autopsie décrit des lésions compatibles avec les effets d’un blast-syndrome lié à l’explosion. Il ne tire aucune conséquence particulière des traces de brûlures qu’il présente en observant « qu’il s’agit d’un effet classique et observé parfois sur les victimes d’explosion consécutifs à l’élévation de chaleur provoquée par celle ci ».
Les vêtements de Hassan Jandoubi souillés par de la terre brune et grasse ne présentent aucune trace de combustion. Les analyses des prélèvements effectués sur ses vêtements n’ont « pas conduit à la mise en évidence de constituants organiques pouvant prévenir d’une substance explosive qu’elle soit à usage civil ou militaire ».
Ajoutons que, hypothèse avancée par Mennessier, si on a changé les vêtements de Hassan Jandoubi aux fins de cacher sa nature terroriste, on se demande quelle logique il y a à lui laisser ses quatre sous-vêtements qui, aux yeux du même Mennessier, en sont la preuve.
Mais surtout, si le corps est « carbonisé » comme le prétend Marc Mennessier, le médecin légiste, les officiers de police judiciaires de la division criminelle, les experts des laboratoires scientifiques de Toulouse et de Paris, les quatre juges d’instruction, les deux procureurs qui ont successivement dirigés le parquet de Toulouse, les deux magistrats qui représentent le ministère public à l’audience, sont tous menteurs et complices. Pourquoi pas. Marc Mennessier a eu une occasion en or de dénoncer haut et fort les membres de ce scandaleux complot lors de son témoignage devant le tribunal ? Il ne l’a pas fait. Pourquoi ? La défense de Total non plus. Complice elle aussi du « silence d’Etat » ? Jean-Jacques Chiquelin
http://leprocesazf.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/04/10/azf-alarme-systeme.html

La chronique du procès de l'explosion de l'usine azf par jean jacques chiquelin
http://leprocesazf.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/04/10/azf-alarme-systeme.html
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