Sept ans de réflexion

Publié le par sceptix

Le 17 janvier 2001, dans un édito légendaire, Philippe Val, directeur de l’hebdomadaire comique Charlie Hebdo, donne son avis sur Internet, « Kommandantur libérale » [1] (et sur les internautes).

Il écrit : « À part ceux qui ne l’utilisent que pour bander, gagner en bourse et échanger du courrier électronique, qui est prêt à dépenser de l’argent à fonds perdus pour avoir son petit site personnel ? Des tarés, des maniaques, des fanatiques, des mégalomanes, des paranoïaques, des nazis, des délateurs, qui trouvent là un moyen de diffuser mondialement leurs délires, leurs haines, ou leurs obsessions. Internet, c’est la Kommandantur du monde ultra-libéral. C’est là où, sans preuve, anonymement, sous pseudonyme, on diffame, on fait naître des rumeurs, on dénonce sans aucun contrôle et en toute impunité. Vivre sous l’Occupation devait être un cauchemar. On pouvait se faire arrêter à tout moment sur dénonciation d’un voisin qui avait envoyé une lettre anonyme à la Gestapo. Internet offre à tous les collabos de la planète la jouissance impunie de faire payer aux autres leur impuissance et leur médiocrité. C’est la réalité inespérée d’un rêve pour toutes les dictatures de l’avenir ».

Puis, le temps passe.
Et passe.
Et passe.
Un an...
Deux ans...
Trois ans...
Quatre ans...
Cinq ans...

(C’est chiant, hein ?)
Six ans...
Sept ans...
Et là ?
Tout d’un coup ?

Un homme se lève, à qui son Parti a confié notamment la rude (mais juste) mission de faire gober Hadopi à la plèbe sarkozée : il s’agit du klaxon de la formation régimaire, Frédéric Lefèbvre - dont le coiffeur a lu tous les bouquins de Luc Ferry, et dont le monde nous envie la sophistication.

Cet homme se lève, disais-je, et (de cette voix qui fait dire à plus d’un mélomane que ce mec-là est venu au monde pour chanter Der Ring des Nibelungen), demande : « Faudra-t-il attendre qu’il y ait des dégâts irréparables pour que le monde se décide à réguler Internet ? Combien faudra-t-il de jeunes filles violées pour que les autorités réagissent ? Combien faudra-t-il de morts suite à l’absorption de faux médicaments ? Combien faudra-t-il d’adolescents manipulés ? Combien faudra-t-il de bombes artisanales explosant aux quatre coins du monde ? Combien faudra-t-il de créateurs ruinés par le pillage de leurs oeuvres ? »

Exactement comme s’il avait mis sept ans à bien assimiler, dans ses moindres sous-entendus, l’édito légendaire de janvier 2001.

D’où que les Grands Esprits se rencontrent - et que la valeur attend parfois le nombre des années.

Merci.
Bonsoir.

Par Sébastien Fontenelle 
politis.fr

http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article10379

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