Épidémie du profit

Publié le par sceptix

Épidémie du profit


AUTEUR:  Silvia RIBEIRO
 

Traduit par  Esteban G., révisé par Fausto Giudice


La nouvelle épidémie de grippe porcine qui jour après jour menace de s’étendre à plus de régions dans le monde, n’est pas un phénomène isolé. Elle fait partie de la crise généralisée, et prend ses racines dans le système d'élevage industriel des animaux, dominé par de grandes entreprises transnationales.

 Au Mexique, les grandes entreprises d’élevage de volailles et de porcs ont largement proliféré dans les eaux (sales) du Traité de libre échange d'Amérique du Nord. Granjas Carroll, à Veracruz, en est un exemple ; propriété de Smithfield Foods, c’est la plus grande entreprise d'élevage de porcs et de transformation de produits porcins dans le monde, avec des filiales en Amérique du Nord, en Europe et en Chine. Une épidémie virulente de maladies respiratoires a commencé il y a quelques semaines dans son site de Perote ; elle a affecté 60% de la population de La Gloria, La Jornada a donné l’information en plusieurs occasions, à partir des dénonciations des habitants des lieux. Depuis des années ils luttent durement contre la pollution de l'entreprise et à cause de leurs dénonciations ils ont également subi une répression de la part des autorités. Granjas Carroll a déclaré qu'elle pas concernée et qu’elle n’est pas à l'origine de l’épidémie actuelle, en avançant que la population avait une grippe « ordinaire ». Dans le doute, aucune analyse n’a été faite pour savoir précisément de quel virus il s’agissait.

En revanche, la Pew Commission on Industrial Farm Animal Production (Commission Pew sur la production animale industrielle), dans un rapport publié en 2008, affirme que les conditions d’élevage et de confinement de la production industrielle, surtout pour les porcs, créent un environnement propice au croisement de virus de différentes souches. Ils mentionnent même le danger de recombinaison de la grippe aviaire avec la grippe porcine et comment cette recombinaison peut se muter en virus qui affectent et se transmettent entre humains. Ils notent aussi que d’autres voies, y compris la pollution des eaux, peuvent servir de vecteurs aux virus et parvenir jusqu’à des localités éloignées, sans contact direct apparent. Un exemple qui doit nous alerter est celui de l’éclosion de la grippe aviaire. Voir par exemple le rapport du GRAIN qui illustre comment l'industrie avicole a créé la grippe aviaire (www.grain.org).

Mais les réponses officielles à la crise actuelle, en plus d'être tardives (on a attendu que les USA annoncent les premiers l’arrivée du nouveau virus, ce qui a fait perdre des jours précieux pour combattre l'épidémie), semblent ignorer les causes réelles et indiscutables.

Plutôt que d'envoyer des souches du virus pour le séquençage de son génome à des scientifiques comme Craig Venter, qui s’est enrichi avec la privatisation de la recherche et de ses résultats (séquençage qui avait déjà été fait avec certitude par des chercheurs publics du Centre de Prévention des Maladies à Atlanta, USA), ce qu’l est nécessaire de comprendre c’est que ce phénomène va se répéter tant que les producteurs de ces maladies opèreront.

Ce sont également les transnationales qui s’enrichissent le plus grâce à l’épidémie : les entreprises biotechnologiques et pharmaceutiques qui monopolisent les vaccins et les antiviraux. Le gouvernement a annoncé qu'il avait un million de dose d'antigènes pour attaquer la nouvelle souche de grippe porcine, mais il n’a jamais précisé à quel  coût.


Au terminal d'autobus d'Oriente, à Mexico, le 27 avril. Photo María Luisa Severiano/LA JORNADA

Les seuls antiviraux qui ont encore un effet contre le nouveau virus sont brevetés dans la plus grande partie du monde et ils sont la propriété de deux grandes entreprises pharmaceutiques : le zanamivir, , commercialisé sous le nom de Relenza par GlaxoSmithKline, et l’oseltamivir, dont la marque commerciale est le Tamiflu, breveté par Gilead Sciences, dont la licence exclusive est à Roche. Glaxo et Roche sont les seconde et quatrième entreprises pharmaceutiques à l'échelle mondiale et comme pour le reste de leurs médicaments, les épidémies sont les meilleures occasions pour faire leurs affaires.

Avec la grippe aviaire, elles ont fait des centaines ou des milliers de millions de dollars de bénéfices. Avec l'annonce de la nouvelle épidémie au Mexique, les actions de Gilead ont augmenté de 3%, celles de Roche de 4% et celles de Glaxo de 6%, et ceci n’est que le début.

Une autre entreprise qui ne veut pas rater cette affaire juteuse est Baxter, qui a sollicité des échantillons du nouveau virus en annonçant qu'elle pourrait avoir mis au point le vaccin dans 13 semaines. Baxter, encore une  entreprise pharmaceutique mondiale (22ème rang), a eu un « accident » en février dernier dans son usine en Autriche. Elle avait fait parvenir un produit contre la grippe en Allemagne, en Slovénie et en  République Tchèque, qui avait contaminé par le virus de la grippe aviaire. Selon l'entreprise, cela a été du à des erreurs humaines et des problèmes dans les procédures, sur lesquels elle ne peut pas donner des détails, parce qu'elle devrait révéler des procédures brevetées.

Ce n’est pas seulement à l'épidémie de grippe que nous devons faire face, mais également à celle du profit.


 

Source : Epidemia de lucro

Article original publié le 28/4/2009

Sur l’auteure

Esteban G. est rédacteur du blog http://letacle.canalblog.com/, Fausto Giudice rédacteur du blog Basta ! Journal de marche zapatiste. Tous deux sont membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteure, le traducteur, le réviseur et la source.


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Un qui remet bien les choses en place au sujet de cette "grippe porcine" :http://rue-affre.20minutes-blogs.fr/archive/2009/04/30/l-intox-virale.html
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