Les prisons : ça va finir par exploser

Publié le par sceptix

 

Communiqué 08/04/09
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Paris, le 8 avril 2009

Centre pénitentiaire de Lannemezan : détention inhumaine d'un homme traité en chimiothérapie

La section française de l'OIP informe des faits suivants : 

Un condamné de la centrale de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) atteint d'un cancer du poumon demeure incarcéré en dépit d'entraves à l'accès aux soins d'urgence et de mesures sécuritaires attentatoires à sa dignité. Le Tribunal administratif vient d'ordonner en référé à la ministre de la Justice de réexaminer sans délais son inscription au répertoire des Détenus particulièrement signalés (DPS).

Âgé de 45 ans, E.A. a subi, le 8 janvier 2009, une ablation du lobe du poumon, pour soigner un cancer diagnostiqué le 3 décembre 2008 alors que la maladie était suspectée depuis le 4 août. Il est actuellement traité en chimiothérapie, ce qui implique, toutes les trois semaines, une extraction à l'Unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) de Toulouse pour trois jours. Les deux experts désignés par le juge de l'application des peines ont considéré que son état médical n'était pas, à ce stade et sous réserve du bilan programmé en mai 2009, incompatible avec la détention. Mais leurs rapports font manifestement abstraction de la réalité carcérale. Le premier expert a subordonné son avis à la condition que E.A. puisse impérativement bénéficier d'une prise en charge immédiate en cas de complications. Le second, se fondant sur les modalités de traitement anticancéreux à domicile, a estimé « probablement possible » de subir une chimiothérapie en milieu carcéral. Le médecin de la prison a pourtant estimé, le 27 mars 2009, que « la pénitentaire de Lannemezan n'est pas adaptée à cet état clinique et aux risques de complications de ce type de traitement ». De fait, les effets secondaires du traitement se font de plus en plus durement ressentir et les incidents dans la prise en charge de l'intéressé se multiplient.

Une réunion s'est tenue le 18 février 2009 à la préfecture de Tarbes, avec pour but de « préciser les règles en matière d'extraction du détenu DPS E.A. qui bénéficie d'un traitement de chimiothérapie (...) dont les effets secondaires pourraient s'avérer dangereux pour l'intéressé si une réponse médicale n'était pas apportée dans les meilleurs délais. » Le médecin de la centrale en charge de E.A. a souligné que « le traitement va devenir particulièrement agressif dans les prochaines semaines et qu'il risque à ce moment là de subir des effets secondaires et d'avoir de réels problèmes de santé. Il est à craindre le choc sceptique difficile à prévoir (...) Il ne serait alors pas transportable ». Le commandant du groupement de gendarmerie a quant à lui pointé « la qualité de DPS de E.A., statut qui ne permet aucune souplesse au dispositif (...) Compte-tenu du moment de l'intervention (en journée ou pendant la nuit) et des impératifs du service, un délai situé entre 20 mn à 1 heure sera nécessaire pour mettre en place l'escorte. » Contactée par l'OIP, la gendarmerie a précisé que les délais étaient davantage compris entre 0h45 et 1h15, expliquant que le statut du détenu nécessitait de faire appel à des militaires des pelotons de surveillance et d'intervention.

Un premier dysfonctionnement s'est produit dans la nuit du 1er au 2 mars 2009, alors que E.A. était pris de colique néphrétique. A 1h24, les services des pompiers et la gendarmerie ont été contactés pour le prendre en charge. Une fois sur place, les pompiers ont pris des dispositions pour le transporter à l'hôpital de Lannemezan. La gendarmerie a pu constituer une escorte à 1h55 mais a interpellé le médecin régulateur du SAMU à l'hôpital de Tarbes quant à la nécessité de l'hospitalisation. E.A. a finalement été traité dans la cour de la centrale, dans le véhicule du SMUR dépêché sur les lieux, selon un protocole fixé par la préfecture, modifié depuis. Il a ensuite réintégré sa cellule dans la nuit, après avoir crû qu'il serait hospitalisé. Selon la préfecture, lors de cette première alerte, « rien n'a fonctionné, les consignes n'ayant pas été convenablement diffusées ».

Dans la nuit du 22 mars, E. A. a de nouveau été pris de violentes douleurs aux reins et a alerté les surveillants vers 2h40. Les pompiers, sollicités dans un premier temps, ont dû faire appel au SAMU à 3h37. Le SAMU a tenté d'adresser le patient à l'hôpital de Lannemezan mais s'est heurté au refus de la direction de la prison. Celle-ci a fait appel à la préfecture à 4h30, pour imposer l'intervention du SMUR sur place. Arrivé à 4h 40, ce dernier a pris en charge E.A. jusqu'à 6h en cellule. A 16h45, ce dernier a de nouveau eu une crise. Selon la direction, le médecin du SAMU a accepté « après moult négociations d'envoyer le SMUR qui a décidé d'extraire E.A. » à l'hôpital de Lannemezan. Celui-ci est revenu à la centrale à 21h30, après qu'un transfert à l'hôpital de Tarbes ait été envisagé. La direction de la prison a adressé le lendemain un courrier au préfet pour se plaindre du médecin du SAMU, qui « n'avait en aucun cas voulu entendre les consignes » et qui « avait tenu des propos incohérents et irrespectueux ». Elle a estimé « nécessaire qu'un personnel soignant puisse rendre visite à ce détenu le dimanche afin de vérifier son état de santé ». Les autorités de santé ont quant à elles indiqué que les consignes avaient été modifiées et que E.A. devait être pris en charge selon les modalités communes à l'ensemble des détenus. 

Les conditions d'extraction et d'hospitalisation imposées à E.A. sont également très éprouvantes. Du 8 au 11 janvier, E.A. est resté menotté à son lit au sein du service de soins intensifs de l'hôpital Larrey, alors même qu'il venait de subir une lobectomie. La Sécurité publique de Toulouse a expliqué à l'OIP que les policiers avaient suivi les consignes concernant la garde des détenus dangereux. Vendredi 3 avril, E.A. a été escorté par pas moins de 18 personnels de police et pénitentiaire dont une partie cagoulés et armés pour bénéficier d’un électromyogramme après une séance de chimiothérapie. Il a conservé les entraves de pieds pendant l'examen. Le juge des référés du Tribunal administratif de Pau avait pourtant enjoint, le 30 mars, au ministre de la Justice de réexaminer la demande de radiation du répertoire DPS, considérant que « les raisons qui avaient justifiées son inscription (...) avaient disparu ou, à tout le moins, que l'urgence justifie une radiation de l'intéressé de ce répertoire ». Interrogé par l'OIP, l'État-Major de Sécurité pénitentiaire à déclaré que « pour l'instant, pour l'administration, E.A. est toujours DPS » et rétorqué, au sujet de l'examen sous entrave, que « le médecin n'a rien objecté ; il n'y a donc pas de problème ». Le juge de l'application des peines du TGI a indiqué à l'avocat de E.A. qu'il examinerait avant l'été les demandes d'aménagement présentée par celui-ci.

 

L'OIP rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France pour traitement inhumain à raison du maintien en détention d'un prisonnier atteint d'un cancer et de l'utilisation de menottes et d'entraves pendant ses extractions vers l'hôpital (CEDH, Mouisel c. France, 14 novembre 2002). Dans cette affaire, qui concernait une personne également détenue à Lannemezan, la Cour a retenu « l'état de santé du requérant, le fait qu'il s'agit d'une hospitalisation, l'inconfort du déroulement d'une séance de chimiothérapie et la faiblesse physique de l'intéressé pour penser que le port des menottes était disproportionné au regard des nécessités de la sécurité ». Elle a jugé que le « maintien en détention [de l'intéressé] (...) a porté atteinte à sa dignité. Il a constitué une épreuve particulièrement pénible et causé une souffrance allant au-delà de celle que comportent inévitablement une peine d'emprisonnement et un traitement anticancéreux ». 

 

Communiqué 22/04/09
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Lille, le 23 avril 2009

Centre de détention de Bapaume (Pas-de-Calais) : faute d'escorte, un détenu est empêché d'assister aux obsèques de son père

La section française de l’OIP informe des faits suivants :

Bien qu'ayant obtenu du Juge de l'application des peines (JAP) une autorisation de sortie sous escorte pour se rendre aux obsèques de son père, un condamné du centre de détention de Bapaume a été empêché d'y assister, la gendarmerie ayant estimé ne pas pouvoir assurer sa garde lors des funérailles. L'intéressé a découvert l'annulation de la mesure moins d'une heure avant la cérémonie.

R.F., qui avait obtenu le 27 mars 2009 du JAP du TGI d'Arras une autorisation de sortie sous escorte, n'a finalement pas pu assister aux obsèques de son père, le 31 mars 2009.La veille, en effet, la gendarmerie a fait connaître au magistrat « son impossibilité d'assurer cette escorte dans les conditions de sécurité requises ». Un refus dont R.F. a été informé environ quarante minutes avant le début de la cérémonie. Le matin du 31 mars, il a été réveillé à 7h30 pour être placé dans une cellule d'attente, où il a patienté plus d'une heure, avant de se voir annoncer que son extraction était annulée.

Pourtant, le JAP avait, dans son ordonnance du 27 mars, requis le groupement de gendarmerie du Pas-de-Calais afin de prendre en charge la conduite et la garde de R.F. Le juge avait toutefois exclu que l'intéressé assiste à l'incinération prévue dans l'après-midi du 31 mars, limitant l'autorisation de sortie à la seule cérémonie religieuse organisée le matin, « vu l'impossibilité pour les services de gendarmerie de se rendre à la cathédrale Notre-Dame de Saint-Omer puis au crématorium de Vendin-le-Vieil, compte-tenu des horaires et ce, pour des raisons de sécurité ». La mesure avait recueilli l'avis favorable de la direction du centre de détention de Bapaume et du service d'insertion et de probation (SPIP), comme du Procureur de la République d'Arras.

En dépit de la brièveté de l'extraction, le Colonel commandant le groupement de gendarmerie a, le 30 mars 2009, adressé une télécopie au JAP l'informant qu'il ne lui était « pas possible d'assurer cette escorte dans les conditions de sécurité requises ». Il précisait que « des contacts pris par [ses] services auprès de la brigade territoriale de Saint-Omer, il s'avère que la famille de Monsieur R.F., notamment ses deux frères, est très défavorablement connue pour violences avec arme, coups et blessures volontaires, destruction volontaire par incendie ».

Interrogé par l'OIP, le JAP a indiqué que « ses réquisitions étaient obligatoires mais qu'il n'avait pas les moyens d'organiser lui-même l'escorte si la gendarmerie refusait de le faire ». En l'espèce, la gendarmerie aurait précisé qu'elle n'avait à disposition « que trois gendarmes alors qu'elle estimait qu'il en aurait fallu 5 ou 6 ». S'agissant de la possibilité d'accorder une mesure alternative, le JAP a indiqué « que l'escorte était nécessaire en raison de l'existence d'une peine de 12 ans assortie d'une période de sûreté et qu'il n'était donc pas possible d'accorder une simple permission de sortir ». Quant à la possibilité que l'escorte soit assurée par le SPIP ou des personnels de surveillance « cela ne se fait pas du tout à Bapaume ».

De son côté, la gendarmerie a affirmé à l'OIP avoir été confrontée à un « un problème de moyens car au vu des charges, il avait été estimé qu'il fallait gonfler l'escorte ». Elle précise qu' « il ne s'agissait pas d'un refus car l'on ne peut refuser une réquisition: le courrier envoyé le 30 mars 2009 au juge visait à donner à ce dernier des éléments d'appréciation au regard de l'ordre public. Si le juge avait tout de même estimé que cette escorte était indispensable et avait maintenu sa réquisition, d'autres moyens auraient été trouvés, éventuellement auprès de la gendarmerie du Nord ». 

La direction de la prison a expliqué le retard avec lequel R.F. avait été informé de l'annulation de sa sortie par le fait que le greffe de l'établissement s'attendait à ce que le juge rende à nouveau une décision.

La famille de R.F. témoigne que ce dernier a été très affecté par l'impossibilité de se rendre aux obsèques de son père et a observé une grève de la faim. Elle indique que les faits invoqués par la gendarmerie pour refuser l'escorte remontent à une vingtaine d'années et que le frère de R.F., condamné dans la même affaire à 8 ans d'emprisonnement sans période de sûreté, a pu, quant à lui, assister à l'intégralité des obsèques pour lesquelles il avait obtenu une permission de sortir sans aucun accompagnement.

 

L'OIP rappelle :

- que l'article 723-6 du Code de procédure pénal prévoit que « Tout condamné peut, (...) obtenir à titre exceptionnel, une autorisation de sortie sous escorte » ;

- que la Cour européenne des droits de l'homme considère, s'agissant des personnes détenues, que « le refus de la permission d'assister aux funérailles d'un parent ne peut être justifié que si des raisons majeures, impérieuses s'y opposent» (arrêt Ploski c/Pologne, 12 novembre 2002) ;

- que l'escorte prévue pour accompagner un détenu auquel a été accordé une autorisation de sortie sous escorte peut être assurée par un membre du personnel éducatif de l'administration pénitentiaire (arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, 24 octobre 1989).


 

brèves
Dernière mise à jour : 15/12/2008


 Dedans Dehors, n° 67-68, avril 2009, p26

Multiples incarcérations d’un jeune homme en dépit d’un lourd handicap mental

En dépit d’un lourd handicap mental engendré par une anomalie chromosomique congénitale, S.B., un jeune homme de 22 ans, a fait l’objet en janvier 2009 d’une condamnation à un an d’emprisonnement ferme, pour avoir agressé un passant dans la rue et volé un téléphone portable. Depuis décembre 2007, c’est sa quatrième condamnation à une peine de prison ferme pour de petits délits (dégradation d’abribus, feu de poubelles, menus vols, etc.). Soit autant d’incarcérations qui se révèlent très déstructurantes. Il a d’ailleurs tenté à plusieurs reprises de se suicider durant ces périodes de détention et a également fait l’objet d’une hospitalisation d’office. Les juges ont pourtant de nouveau estimé que sa place était en prison, s’appuyant sur les expertises médicales réalisées.

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Dedans dehors, n°66, novembre 2008, p.21.

un détenu en attente d'une transplantation cardiaque réincarcéré

Le gouvernement ne cesse de clamer sa volonté d’aménager les courtes peines. Dans la pratique, l’écart reste cependant grand entre les discours et leur mise en œuvre. Un homme a par exemple été réincarcéré le 16 octobre 2008 au centre pénitentiaire de Marseille (Bouches-du-Rhône) pour effectuer un reliquat de peine de trois mois et quelques jours, et ce en dépit des risques sanitaires auxquels l'expose la détention.

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Dedans dehors, n°65, avril 2008, p.22.

les dommages médicaux et familiaux d'une détention provisoire

Placée en détention provisoire depuis près d'un an et demi, une femme, gravement malade, s'est vue refuser pour la troisième fois en février 2008 une remise en liberté pour raison médicale. Depuis son incarcération, elle a également vu ses deux filles âgées de 11 et 16 ans, être placées dans une famille d'accueil et ses droits sociaux et son logement être supprimés.

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Dedans dehors, n°63, septembre-octobre 2007, p.16.

un homme souffrant de débilité mentale profonde incarcéré depuis plus d'un an

D.P. est âgé de 55 ans, mais a un « niveau intellectuel se situant au niveau d'une débilité mentale caractérisée ». Nouveau-né, il a subi une hémorragie cérébrale. Depuis, il « présente une débilité profonde » et « de nombreuses séquelles physiques », a expliqué un expert psychiatre en avril 2003. « Son quotient intellectuel est voisin de 30 » et « il a besoin de tutelle et de surveillance » de manière à être « protégé de façon continue ». Pourtant, D.P. est en détention provisoire à la maison d'arrêt de Marseille (Bouches-du-Rhône) depuis le 17 juin 2006.
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Dedans dehors, n°62, juillet-août 2007, p.11.

3 mois de prison pour avoir inventé un accident

On ne peut pas impunément faire perdre leur temps aux services de secours et ses deniers à l’État. Un jeune homme de 20 ans l’a appris à ses dépens. Pour avoir faussement prétendu être victime d'un grave accident de la route et mobilisé pour sa recherche d'importants moyens, il a été poursuivi dans le cadre d’une comparution immédiate, puis condamné à douze mois de prison dont trois mois ferme, le 22 mai 2007, par le tribunal correctionnel de Saint-Omer (Pas-de-Calais).

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Source : Observatoire International des Prisons (OIP)

http://www.oip.org/
observatoire_international_des_prisons/

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Publié dans SOCIETE

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