Une juge française ouvre une enquête sur trois chefs d'Etat africains
La doyenne des juges du pôle financier de Paris a jugé recevable, mardi 5 mai, une plainte visant trois chefs d'Etat africains soupçonnés de posséder en France des biens immobiliers financés par de l'argent public détourné. Dans une ordonnance de recevabilité partielle, la juge Françoise Desset a estimé que la plainte avec constitution de partie civile déposée par l'association Transparency International, spécialisée dans la lutte contre la corruption, était recevable, l'association ayant, selon son analyse, juridiquement un intérêt à agir
Déposée le 2 décembre, cette plainte avec constitution de partie civile concerne les chefs de recel de détournement de fonds publics, blanchiment, abus de bien social, abus de confiance et complicités. Elle vise "les conditions dans lesquelles un très important patrimoine immobilier et mobilier a été acquis en France par Denis Sassou Nguesso (Congo), Omar Bongo Ondimba (Gabon) et Teodoro Obiang (Guinée-Equatoriale) ainsi que des membres de leur entourage". La magistrate a par contre rejeté la constitution de partie civile d'un ressortissant gabonais qui avait également porté plainte dans ce même dossier.
AFP/JOSE CENDON
Le président du Gabon, Omar Bongo, le 1er février 2008.
L'ordonnance rendue par la magistrate ouvre la voie à une enquête judiciaire. Le parquet de Paris, qui s'était prononcé contre l'ouverture d'une information judiciaire, dispose désormais de cinq jours pour faire appel. Dans ses réquisitions prises courant avril, le procureur avait demandé à Françoise Desset de constater l'irrecevabilité de la plainte. Mais la magistrate à qui il revenait de prendre la décision finale n'était pas tenue de suivre l'avis du parquet. Le parquet de Paris avait auparavant classé sans suite à deux reprises, en novembre 2007 et septembre 2008, des plaintes simples visant les trois chefs d'Etat africains.
APPARTEMENTS ET VOITURES DE LUXE
Les deux principales cibles de la plainte sont M. Bongo, au pouvoir depuis quarante ans, et M. Sassou Nguesso, ainsi que leurs familles, propriétaires de nombreux biens immobiliers de luxe, selon les plaignants. Concernant M. Bongo et sa famille, la plainte évoque la propriété d'un hôtel particulier et de quatre appartements, tous situés dans le 16e arrondissement de Paris. M. Sassou Nguesso posséderait un hôtel particulier de 700 m2, estimé entre 5 et 10 millions d'euros, dans les Yvelines, et un appartement dans le 7e arrondissement de Paris. Plusieurs biens en région parisienne sont attribués à ses proches. Leur entourage respectif disposerait également de nombreuses voitures de luxe.
"Il n'y a aucun doute sur le fait que ce patrimoine n'a pu être constitué grâce aux seuls salaires et émoluments de ces chefs d'Etat au sujet desquels il existe de sérieuses présomptions de détournements de fonds publics", explique Transparency International.
Le président Bongo "conteste absolument les détournements qu'il aurait faits au préjudice de son pays", affirme pour sa part l'un de ses avocats, Me Patrick Maisonneuve.
Le parquet de Monaco a de son côté ordonné le 30 mars l'ouverture d'une enquête sur des comptes qui auraient été ouverts dans la principauté monégasque au nom d'Edith Bongo, l'épouse défunte du chef d'Etat gabonais.
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