Européennes : Sarkozy se considère comme le meilleur agent électoral de la droite
Nicolas Sarkozy donne le coup d'envoi de la campagne pour les élections européennes, mardi soir à Nîmes, en exposant sa vision de l'Europe. Arnaud Leparmentier, du service France du "Monde", explique pourquoi le président de la République s'expose.
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Nicolas Sarkozy veut "changer l'Europe"
Il a eu droit à des tonnerres d'applaudissements. C'était la partie "UMP" d'un discours qui se voulait "républicain" sur l'Europe. Nicolas Sarkozy a affirmé, mardi 5 mai à Nîmes, que la Turquie "n'a pas vocation à devenir membre de l'Union européenne". "Nous serons mieux inspirés d'engager dès maintenant avec la Turquie des négociations pour créer un espace économique et de sécurité commun", a proposé le chef de l'Etat, estimant que "ce n'est pas respecter ses amis que de leur faire des promesses dont on sait parfaitement qu'on ne les tiendra jamais".
Ankara, qui a engagé des négociations d'adhésion avec l'UE, se voit reléguée au niveau de la Russie, à laquelle M. Sarkozy propose la même alliance. Objectif, créer "un grand espace de plus de 800 millions d'habitants qui partageraient la même prospérité et la même sécurité", ce qui permettrait à l'Europe de cesser "de se diluer dans un élargissement sans fin".
Le président de la République a ainsi donné le départ de la campagne pour les élections européennes du 7 juin. M. Sarkozy a une revanche à prendre sur les élections de 1999, où il était arrivé en troisième position derrière le PS et la liste souverainiste Pasqua-Villiers. Il prend peu de risques après le scrutin de 2004, qui avait marqué un nouvel échec pour l'UMP (16,6 % des voix) et un triomphe pour le PS (28,9 %).
Pour la première fois sans doute, la droite, traditionnellement divisée entre gaullistes et chrétiens démocrates, est unie sur l'Europe. Pour achever de réconcilier les partisans du oui et du non, M. Sarkozy veut "changer l'Europe". "Est-ce que c'est possible ? Ma réponse est oui : nous l'avons fait pendant la présidence française", a t-il assuré, vantant son action dans la guerre russo-géorgienne, la crise financière et la négociation européenne sur le climat.
Le chef de l'Etat ne veut plus "se contenter d'une Europe de l'impuissance", alors que la crise financière recèle "une profonde crise intellectuelle et morale". "La réponse c'est l'Europe qui peut l'apporter", a-t-il asséné. Aussi veut-il mettre fin au dogme de la concurrence, introduisant une subtile différence entre concurrence et concurrence déloyale. Toutefois, il a plaidé pour la ratification du traité de Lisbonne, qui ne change rien aux règles économiques européennes.
"LES GRANDS PAYS DOIVENT MONTRER LE CHEMIN"
"Tout ce que Nicolas Sarkozy a proposé est interdit par les traités qu'il continue de promouvoir", a eu beau jeu de dénoncer le souverainiste Philippe de Villiers. En pleine contestation de la mise en œuvre en France de la PAC (politique agricole commune), M. Sarkozy a aussi a rejeté l'application de la loi du marché dans l'agriculture, qui donnerait selon lui les mêmes résultats que dans la finance. Il a vanté une préférence communautaire rendue caduque par les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Mais pour changer l'Europe dans le sens souhaité par M. Sarkozy, "il ne faut pas craindre d'exprimer une opinion différente". Il a notamment suggéré la création d'une "centrale européenne d'achat du gaz", pour avoir plus de poids face à la Russie, la création d'un comité des régulateurs bancaires européen "avec de vrais pouvoirs de sanctions".
Celui qui prônait au début des années 2000 un directoire des grands pays appelle désormais les Etats les plus puissants à leurs devoirs. En ligne de mire, l'Allemagne, qui n'a pas été nommée et dont l'engagement européen s'est émoussé depuis le milieu des années 1990. "Les grands pays n'ont pas plus de droits que les petits pays, mais ils ont plus de devoirs", a affirmé M. Sarkozy, fustigeant les grands pays "qui se cachent derrière les petits", attitude traditionnelle d'une Allemagne qui se veut rassembleuse. Alors que la chancelière Angela Merkel avait été lente à réagir à la crise financière, M. Sarkozy a estimé que "lorsque l'Europe est en crise, les grands pays doivent montrer le chemin" et ajouté qu'il n'était pas "raisonnable" que des pays qui partagent la même monnaie n'aient pas de politique économique commune.
Pour s'exprimer sur l'Europe, M. Sarkozy avait à dessein choisi Nïmes, ville où il avait vanté le génie français pendant sa campagne électorale. Cette France, "plus forte, plus grande, plus belle", "nous la léguerons à nos enfants avec l'Europe et pas sans l'Europe". Toutefois, le président de la République a dépassé la vieille thèse hexagonale, qui voit dans l'Europe un multiplicateur de la puissance française. "Ce n'est que pour bâtir quelque chose de grand que chacun est prêt à renoncer à ses égoïsmes", a-t-il dit, précisant que "l'Europe, ce n'est pas 'eux'. L'Europe, c'est nous".
L'Europe doit inciter la France à se remettre en mouvement. Le président de la République, qui fête mercredi les deux ans de son élection à l'Elysée, a affirmé que "l'heure n'est pas au bilan". Ce qui ne l'a pas empêché de vanter son action, de préciser que "face à la récession, augmenter les impôts aurait été une folie". Il a défendu son plan de relance par l'investissement : "on creuse les déficits, mais on prépare l'avenir". "Après la crise, on remboursera les déficits, parce que l'on aura investi davantage, parce que l'on aura fait les réformes qui rendront la France plus compétitive."