Il était une fois, le H1N1

Publié le par sceptix

 
lundi 15 juin 2009
par
Rédaction
En février, le Centre pour le contrôle des maladies (CDC) découvre quatre cas de grippe porcine parmi des recrues militaires, dans le New Jersey. Aussitôt, revient le terrible souvenir de la grippe « espagnole » qui a tué 450 000 Américains en 1918-1919.

On consulte les experts, et on écoute avec attention les plus alarmistes. Début mars, les scientifiques concluent à la nature pandémique du phénomène. Comme il reste assez de temps d’ici à l’hiver pour préparer un vaccin pour toute la population, c’est l’occasion pour le CDC de démontrer son utilité.

Question :

Introduire une substance dans le corps de millions de personnes ne présenterait pas un risque de dimension inconnue ? Certains suggèrent de fabriquer le vaccin, de le stocker et de ne le distribuer qu’en cas de nécessité.

Réponse : Non

Leurs objections ne sont pas retenues, on vaccinera tout le monde. Le secrétaire d’État à la Santé pense que c’est de bonne politique. Éviter de voir « un million d’Américains » mourir dans les rues est du devoir du gouvernement. Par ailleurs, les nouvelles militaires ne sont pas bonnes.

A l’unanimité

Le Président des USA convoque les sommités de la médecine à la Maison-Blanche, les interroge une à une sur les mérites d’une vaccination générale. Tous sont favorables. Il invite ceux qui auraient un avis contraire à lui parler en tête-à-tête. Aucun ne se présente. Fort de cette unanimité, le président annonce qu’il demandera les fonds nécessaires au Congrès pour inoculer chaque homme, femme et enfant des États-Unis.

Vaccination générale

La logistique est d’une ampleur phénoménale. Elle implique un programme national réunissant tous les acteurs : chercheurs, industrie pharmaceutique, municipalités, associations, etc. Mille problèmes sont à résoudre : il faut des coqs pour produire le vaccin avec des œufs de poule fécondés, y en a-t-il assez ? Les assureurs refusent d’assurer les fabricants, c’est trop incertain. Les juristes inventent une couverture des producteurs en obligeant chaque personne à signer une attestation de consentement, etc.

Virus... porté disparu !

Pendant que les difficultés s’amoncellent, l’été arrive et le virus A-H1N1 cesse de donner de ses nouvelles. Plus de grippe porcine nulle part ? On pense à tout arrêter lorsque survient, en août, une grippe bizarre qui tue trois personnes à Philadelphie lors d’une convention militaire. Des bataillons de chercheurs sont expédiés sur place pour voir ce que c’est. Ils l’appellent « la maladie du légionnaire ». Elle n’a rien à voir avec la grippe porcine mais elle prend la vie de près de 35 personnes et relance l’urgence d’une prévention. Le programme de vaccination contre le virus A-H1N1 peut reprendre.

"Remonte tes manches, Amérique !"

Les injections commencent le 1er octobre sous le slogan : « Zéro grippe, remonte tes manches, Amérique ». En dix jours, un million d’Américains reçoivent le vaccin. Le 11 octobre, trois personnes âgées décèdent peu après l’inoculation. On ne tarde pas à comprendre qu’il n’y a pas de rapport mais le doute s’installe. Le président se fait lui-même vacciner devant les caméras. En dix semaines, 50 millions d’Américains le suivent.

Complications

On note des complications chez deux milliers de personnes, dont 181 décèdent. Des chiffres considérés comme normaux. En revanche, l’apparition, suite à la vaccination, de plusieurs cas de syndrome de Guillain-Barré, une polynévrite aiguë, allume l’alerte orange. Le 13 décembre, le CDC décide de ne pas stopper le programme.

On arrête tout

Le 16 décembre cependant, après de nouveaux calculs d’épidémiologie fondés sur trois douzaines de cas, il découvre qu’une personne vaccinée a sept fois plus de risques de contracter le syndrome qu’une personne non vaccinée. Ce risque-là mis au jour, l’administration ne peut le prendre. Le programme de vaccination cesse aussitôt. Entre-temps, le virus A-H1N1 s’est complètement éclipsé. Une pandémie ? Quelque 25 personnes vaccinées seraient mortes dans l’année de complications pulmonaires liées au syndrome Guillain-Barré.

ÉPILOGUE

Il ne s’agit pas de politique fiction. Tout ceci est rigoureusement authentique. C’est l’histoire de la pandémie de grippe porcine de 1976, dont parlent les scientifiques pour tenter d’éclairer les évènements actuels. On en parle également dans les médias américains et suisses, mais pas dans les médias français.
http://www.decapactu.com/spip/article.php3?id_article=465

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A
Je réitère : l'article d'Isabelle Stengers que j'ai publié ce matin sur la création d'intelligence collective met en question l'expertise. "Les scientifiques autruches" quant à lui, stigmatise la déresponsabilisation des scientifiques quand aux conséquences de leurs découvertes. Je me permets de les signaler, je crois que ce sont deux textes éclairants concernant les abus et manipulations tant de l'opinion publique que des scientifiques eux-mêmes. Et qui ouvrent des pistes de réflexion intéressante quant à la manière de résister.Anne
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