Il était une fois, le H1N1

par Rédaction
On consulte les experts, et on écoute avec attention les plus alarmistes. Début mars, les scientifiques concluent à la nature pandémique du phénomène. Comme il reste assez de temps d’ici à l’hiver pour préparer un vaccin pour toute la population, c’est l’occasion pour le CDC de démontrer son utilité.
Introduire une substance dans le corps de millions de personnes ne présenterait pas un risque de dimension inconnue ? Certains suggèrent de fabriquer le vaccin, de le stocker et de ne le distribuer qu’en cas de nécessité.
Leurs objections ne sont pas retenues, on vaccinera tout le monde. Le secrétaire d’État à la Santé pense que c’est de bonne politique. Éviter de voir « un million d’Américains » mourir dans les rues est du devoir du gouvernement. Par ailleurs, les nouvelles militaires ne sont pas bonnes.
Le Président des USA convoque les sommités de la médecine à la Maison-Blanche, les interroge une à une sur les mérites d’une vaccination générale. Tous sont favorables. Il invite ceux qui auraient un avis contraire à lui parler en tête-à-tête. Aucun ne se présente. Fort de cette unanimité, le président annonce qu’il demandera les fonds nécessaires au Congrès pour inoculer chaque homme, femme et enfant des États-Unis.
La logistique est d’une ampleur phénoménale. Elle implique un programme national réunissant tous les acteurs : chercheurs, industrie pharmaceutique, municipalités, associations, etc. Mille problèmes sont à résoudre : il faut des coqs pour produire le vaccin avec des œufs de poule fécondés, y en a-t-il assez ? Les assureurs refusent d’assurer les fabricants, c’est trop incertain. Les juristes inventent une couverture des producteurs en obligeant chaque personne à signer une attestation de consentement, etc.
Pendant que les difficultés s’amoncellent, l’été arrive et le virus A-H1N1 cesse de donner de ses nouvelles. Plus de grippe porcine nulle part ? On pense à tout arrêter lorsque survient, en août, une grippe bizarre qui tue trois personnes à Philadelphie lors d’une convention militaire. Des bataillons de chercheurs sont expédiés sur place pour voir ce que c’est. Ils l’appellent « la maladie du légionnaire ». Elle n’a rien à voir avec la grippe porcine mais elle prend la vie de près de 35 personnes et relance l’urgence d’une prévention. Le programme de vaccination contre le virus A-H1N1 peut reprendre.
Les injections commencent le 1er octobre sous le slogan : « Zéro grippe, remonte tes manches, Amérique ». En dix jours, un million d’Américains reçoivent le vaccin. Le 11 octobre, trois personnes âgées décèdent peu après l’inoculation. On ne tarde pas à comprendre qu’il n’y a pas de rapport mais le doute s’installe. Le président se fait lui-même vacciner devant les caméras. En dix semaines, 50 millions d’Américains le suivent.
On note des complications chez deux milliers de personnes, dont 181 décèdent. Des chiffres considérés comme normaux. En revanche, l’apparition, suite à la vaccination, de plusieurs cas de syndrome de Guillain-Barré, une polynévrite aiguë, allume l’alerte orange. Le 13 décembre, le CDC décide de ne pas stopper le programme.
Le 16 décembre cependant, après de nouveaux calculs d’épidémiologie fondés sur trois douzaines de cas, il découvre qu’une personne vaccinée a sept fois plus de risques de contracter le syndrome qu’une personne non vaccinée. Ce risque-là mis au jour, l’administration ne peut le prendre. Le programme de vaccination cesse aussitôt. Entre-temps, le virus A-H1N1 s’est complètement éclipsé. Une pandémie ? Quelque 25 personnes vaccinées seraient mortes dans l’année de complications pulmonaires liées au syndrome Guillain-Barré.
Il ne s’agit pas de politique fiction. Tout ceci est rigoureusement authentique. C’est l’histoire de la pandémie de grippe porcine de 1976, dont parlent les scientifiques pour tenter d’éclairer les évènements actuels. On en parle également dans les médias américains et suisses, mais pas dans les médias français.
http://www.decapactu.com/spip/article.php3?id_article=465