Lantus : Lorsque l’appât du gain efface toute notion d’éthique

Publié le par sceptix

Merci à Pat pour le lien en commentaire sur l'article :
DIABETE : L’INSULINE « LANTUS® »(Sanofi-Aventis) favorise-telle le RISQUE DE CANCER ?


Lantus : L'odieuse rumeur d'un professeur sans scrupule
    Jean-François Goulon
le 29 juin 2009

Lorsque l’appât du gain efface toute notion d’éthique

On savait depuis longtemps que la malhonnêteté intellectuelle et la malhonnêteté tout court caractérisaient toutes sortes de lobbyistes, que ce soit auprès du Congrès des Etats-Unis ou de la Commission Européenne. On savait aussi que les banquiers de Wall Street et leurs complices en Suisse ou au Royaume-Uni n’avaient d’yeux que pour les espèces sonnantes et trébuchantes. La quête du Veau d’Or a encore de beaux jours devant elle…

Pourtant, les manipulations grossières (et plus c'est gros, plus ça marche) ne sont pas le seul apanage de quelques intermédiaires à la recherche de juteuses commissions. Dans notre monde, certains chercheurs, pseudo-philosophes ou tout simplement personnalités des médias n’hésitent pas à dire n’importe quoi pourvu que ça leur rapporte. Nous avons chez nous, en France, des personnalités dépourvues de toute honnêteté intellectuelle, qui se gardent bien de dire qu’elles émargent auprès d’Exxon-Mobil ou de certaines officines de la CIA (voire du Mossad), qui pour soutenir que le réchauffement climatique n’a rien à voir avec l’activité humaine, qui pour soutenir qu’il faut faire la guerre à l’Irak (c’est fait) ou à l’Iran.

Dans un autre registre, qui nous touche plus directement dans notre vie quotidienne, on trouve également des personnages prêts à répandre leur fiel pour de basses entreprises. C’est le cas notamment dans le domaine de la santé et voici une histoire pas piquée des hannetons qui remonte à jeudi dernier.

Attaque en règle contre un antidiabétique de SANOFI-AVENTIS

Le 25 juin, l’action Sanofi-Aventis chuta de 4,6% à la bourse de Paris après qu’UBS-AG a déclaré que des investisseurs s’inquiétaient de la sécurité de l'antidiabétique Lantus, le produit phare du laboratoire Sanofi-Aventis, un analogue de l’insuline. Le 26 juin, cette action perd à nouveau 8,09 % pour clôturer à 40,85 euros. Alors, que s’est-il vraiment passé ?

Il y a eu de « récentes interrogations boursières sur la sécurité d’analogues de l’insuline dans des études qui n’ont pas été publiées », a écrit le 25 juin Gbola Amusa, un analyste d’UBS-AG à Londres. « Dans notre discussion avec des médecins, nous n’avons pu confirmer le moindre risque en matière de sécurité, mais l'on nous a fait part de nombreuses préoccupations en matière de sécurité, établies depuis longtemps, notamment que le Lantus pourrait accroître le risque de cancer ».

Les inquiétudes concernant le Lantus ont été alimentées par le Professeur Ralph DeFronzo, un diabétologue de l’université du Texas, lors d’une conférence le 11 juin, parrainée par Crédit Suisse.

DeFronzo a déclaré qu’il s’attendait à un « tremblement de terre » qui pourrait inciter rapidement les médecins à se « sentir très inconfortables avec la glargine » [nom chimique du Lantus]. Pressé pour donner des détails, DeFronzio a déclaré : « Je ne peux rien vous dire. Alors, gardez vos oreilles grandes ouvertes ! Cela ne prendra pas longtemps. »

Parmi les traitements concurrents du Lantus contre le diabète, se trouve le Byetta, commercialisé par Eli Lilly & Co. (un laboratoire américain dont le siège se trouve à Indianapolis) et Amylin Pharmaceuticals Inc.

DeFronzo était l’investigateur dans une étude sur le Byetta parrainée par Eli Lilly et Amylin. Celui-ci siège d’ailleurs au conseil d'administration d’Amylin, information dont il s’est bien gardé de faire part à son interlocuteur d’UBS.

DeFronzo basait ses propos sur une étude menée par EASD (l’Association Européenne d’Etudes sur le Diabète).

Détournement d’une étude

Qu’y avait-t-il donc dans cette fameuse étude d’EASD et relayée sur son site internet « diabetologia » ?

Le Professeur Edwin Gale, rédacteur en chef de Diabetologia, et le Professeur Ulf Smith, Président d’EASD, ont réalisé l’importance des découvertes lors d’études statistiques menées en Suède, en Ecosse, en Allemagne et en Angleterre, avant de les annoncer officiellement. L’étude suédoise a trouvé que comparées aux patientes prenant une autre insuline que le Lantus, les patientes sous Lantus uniquement avaient un risque doublé de développer un cancer du sein. Toutefois, l’étude menée en Ecosse n’a pas trouvé d’accroissement significatif du cancer du sein et, enfin, l’étude britannique n’a trouvé aucun lien entre l’insuline glargine (le Lantus) et le cancer.

En toute honnêteté, les Pr. Gale et Smith ont mis l’accent sur les limites de ces études. En effet, la principale étude incriminant le Lantus (l’étude suédoise) avait pour caractéristique que le groupe de patientes prenant uniquement le Lantus était significativement différent de celui des patientes prenant d’autres formes d’insuline : Elles étaient généralement plus âgées, avaient une tension artérielle plus élevée et leur surpoids était plus important (trois facteurs de risques dans le cancer). Ils ont donc tout naturellement déduit que toute différence dans le risque de développer un cancer pourrait être attribué aux caractéristiques présentées par les patientes avant le traitement, plutôt qu’au traitement lui-même. De plus, le nombre de cas de cancers du sein dans les études écossaises et suédoises était très faible, ce qui signifie que ces découvertes peuvent être le fait du hasard.

Les deux professeurs concluent catégoriquement que le Lantus et les autres formes d’insuline ne sont pas cancérigènes, mais que ces études montrent la possibilité que l’insuline Lantus pourrait provoquer la division plus rapide de cellules cancéreuses existantes et donc leur croissance – ce qui peut expliquer le fait que plus de cancers ont été diagnostiqués sur une période d’observation de 1 à 3 ans. Ils déclarent : « Nous pensons que les gens ont le droit de savoir que l’utilisation de l’insuline Lantus pourrait être liée à un plus grand risque, mais cela doit être relativisé avec le fait qu’il soit possible que nous provoquions une alerte inutile en soulevant ces inquiétudes. ».

Bref, les deux professeurs ont fait leur métier en relayant les données issues de quatre « registres » (bases de données statistiques et non cliniques), mais l’analyste d’UBS, lui, s’est fait complètement « enfumer » par les propos du Pr Ralph DeFronzo et n’a pas hésité à dire exactement le contraire que ce que les conclusions d’EASD stipulaient. A savoir qu’en l’état actuel des données disponibles, rien ne pouvait confirmer un risque particulier de développer un cancer du sein lors de l’utilisation du Lantus ; qu’il fallait d’autres études complémentaires pour confirmer ou infirmer cette affirmation pour l’instant non-fondée et que leur rôle consistait simplement à alerter sur un possible effet secondaire indésirable.

Des données provenant d’études cliniques, couvrant plus de 70.000 patients, ainsi que des recherches depuis la mise sur le marché du Lantus, « confirment le profil de sécurité du Lantus », a déclaré par téléphone Geoffroy Bessaud, un porte-parole de Sanofi à Paris. Le Lantus, qui a reçu l’autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis en 2000, était la première forme d’insuline administrée en injection unique quotidienne.

Le risque lié au financement de la recherche universitaire par des entreprises privées

Cette rumeur qui pourrait causer un tort considérable au laboratoire Sanofi-Avantis, met en évidence le risque de confier le financement de la recherche universitaire aux entreprises privées.

Le Professeur Ralph DeFronzo, diabétologue et chercheur à l'Université du Texas, siège par ailleurs au conseil d’administration de la société Amylin Pharmaceuticals, qui commercialise le Byetta (une insuline concurrente du Lantus) en partenariat avec le laboratoire Eli Lilly. Son titre de diabétologue et de directeur de recherche lui confère une certaine légitimité dans le monde médical et auprès de la presse, qu'elle soit spécialisée ou non. Depuis des années, il s'évertue à démontrer que le Byetta est meilleur que ses concurrents et, notamment, que le Lantus de Sanofi-Aventis. Il faut dire que le marché de l’insuline représente plusieurs milliards de dollars par an dans le monde.

D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’une telle rumeur démolit un médicament. Un médicament qui ne s’en est jamais remis... Il s’agissait déjà d’un antidiabétique, l’Avandia, l’antidiabétique vedette du britannique GlaxoSmithKline (GSK). Ses ventes s'étaient effondrées à la suite des déclarations de Steve Nissen, un chercheur américain, selon lesquelles l’Avandia augmentait les risques d’infarctus. "Deux ans plus tard, des études complémentaires ont montré que c'était faux, mais le mal était fait, explique Jean-Jacques Le Fur, analyste chez la société de Bourse Oddo. Les ventes de l'Avandia n'ont jamais retrouvé leur niveau initial."

Comble de l’ironie, Chris Viehbacher, le PDG de Sanofi-Aventis, faisait partie à l'époque de l’équipe dirigeante de GSK. Inutile de dire qu’il ne veut pas revivre le même cauchemar et qu’il prendra toutes les mesures nécessaires pour enrayer la désinformation sur le Lantus.

Ce soir, à 19 heures, le Laboratoire organisera une conférence téléphonique pour tenter de désamorcer la bombe sur le Lantus.

Affaire à suivre.


http://questionscritiques.free.fr/edito/jfg/Sanofi-Aventis_rumeur_Lantus_290609.htm


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