SERGEI ALEYNIKOV, FABRICANT D’OURAGANS BOURSIERS POUR ENCORE PLUS DE PROFITS
Ce qui est intéressant dans cette nouvelle, ce n’est pas le cas du lampiste Aleynikov, c’est d’apprendre qu’une gigantesque banque d’investissements comme Goldman-Sachs développe des logiciels capables de manipuler les marchés et provoquer des tourmentes boursières… tiens, tiens.
Le capitalisme vorace dans sa plus pure expression… au diable le long terme, c’est le profit de ce soir qui compte !
Heureusement qu’il y a toujours le brave contribuable pour payer les pots cassés… mais pour combien de temps encore ? En 2010, la dette U.S. aura atteint 100% de son revenu…
[Philippe Béchade - Chronique Agora - 7/7/2009]
Avez-vous entendu parler de l’arrestation, vendredi dernier, d’un dénommé Sergei Aleynikov, citoyen immigré russe aux Etats-Unis ? Il a été intercepté par des agents du FBI à l’aéroport de Newark, alors qu’il rentrait de Chicago. C’est un petit génie (ou même grand, pourquoi pas ?) de l’informatique vivant aux Etats-Unis depuis 19 ans.
Le motif de l’inculpation ne manque pas d’originalité mais l’affaire reste en apparence banale : “vol de secret de logiciel de trading”. L’anonymat du plaignant n’a pas été préservé plus de quelques heures — il s’agirait de Goldman Sachs… qui n’est autre que son ex-employeur !
M. Sergei Aleynikov n’est apparemment pas un vulgaire pirate informatique de seconde zone, payé quelques dizaines de milliers de dollars par an… plus un abonnement à Pizza Hut. Goldman Sachs lui versait un salaire annuel de 400 000 $ ; cela peut apparaître confortable mais ne représenterait que le tiers de ce qu’une firme concurrente de Chicago — la capitale mondiale de la spéculation sur les matières premières — lui verserait aujourd’hui !
Il est assez rare de voir le FBI déployer un zèle aussi singulier concernant le vol de codes open source (c’est-à-dire théoriquement accessibles au grand public) d’un simple logiciel de trading : il en existe des milliers sur le marché.
M. Aleynikov n’est pas un escroc. Il n’est pas question d’arnaque pyramidale à la Madoff, ni de piratage de comptes, ni d’une subtile méthode de détournement de sommes d’argent appartenant à Goldman Sachs — qui aurait pu porter discrètement plainte un fois un tel forfait découvert.
** Non, l’affaire, vu les moyens déployés pour neutraliser l’informaticien est beaucoup plus sérieuse. Goldman Sachs se serait fait dérober tout ou partie des composants d’un logiciel très particulier… du type de ceux qui peuvent rapporter des centaines de millions de dollars en quelques heures.
Il s’agirait d’un système de trading automatique reposant sur des algorithmes mathématiques. Il serait redoutablement efficaces lors des phases d’hyper-volatilité des marchés (appelons-les par leur vrai nom : “vagues de panique” ou “phases maniaques”), qu’il s’agisse d’un panier d’actions ou d’un sous-jacent spéculatif comme le pétrole par exemple.
Le logiciel serait capable de générer des milliers d’ordres en tous sens avec un nombre impressionnant d’écarts gagnants… tandis que la majorité des opérateurs sont totalement déboussolés, les systèmes classiques et la simple intelligence humaine étant complètement dépassés par la tournure (volontairement ?) insaisissable des évènements.
Un logiciel qui serait comme un poisson dans l’eau dans un océan spéculatif déchaîné, alors que la peur d’être victime d’une baisse ou au contraire de manquer un rebond entraîne des variations de cours abyssales puis des retournements de situation dont personne ne comprend fondamentalement les origines.
Nous savions que de telles machines à générer un maximum de cash en climat de krach (ou de pré-krach) existaient. Cependant, il était difficile de prouver que certains opérateurs influents avaient les moyens d’en tirer de substantiels profits… lorsque tant d’autres se font hacher menu par le marché en multipliant les décisions inappropriées.
Avec l’affaire Sergei Aleynikov, nous découvrons en partie le dessous des cartes et subodorons la taille réelle des enjeux.
Il a fallu 20 ans pour actionner la justice face à une escroquerie aussi élémentaire que celle de Bernie Madoff (les dizaines de milliers de victimes ne sont qu’au fond que de simples particuliers) ; il n’aura fallu que quelques semaines pour faire procéder à l’arrestation d’un informaticien dont la malhonnêteté ne repose pour l’heure que sur les preuves avancées par un seul plaignant… mais quel plaignant !
Il pèse plusieurs dizaines de Madoff sur les marchés… et Henry Paulson (l’ex-secrétaire d’Etat au Trésor, qui signa l’arrêt de mort de son concurrent Lehman), en était encore le président lorsque M. Aleynikov fut recruté !
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