Entretien avec Elvia Argentina Valle, députée du Parti libéral du Honduras
Le gouvernement putschiste affirme que le président Zelaya a été remplacé constitutionnellement par le Congrès. Pouvez-vous nous expliquer comment s’est passée cette session extraordinaire ?
Le Congrès national possède 45 compétences dont celle d’approuver ou réprouver la conduite administrative du pouvoir exécutif, du pouvoir judiciaire, du tribunal suprême électoral… Cette compétence ne signifie pas que si elle désapprouve le pouvoir exécutif, elle puisse le destituer automatiquement. Lors de la session du 25 juin, les députés, comme moi, qui se sont opposés à ce décret, n’ont pas été convoqués à la session extraordinaire. Si nous y avions été, notre position aura encore été de nous y opposer car leurs arguments sont inconsistants.
Quand avez-vous commencé à dénoncer le coup d’Etat de Roberto Micheletti et des Forces armées ?
Dès que les médias nous ont informés que le président de la République avait été déposé et expulsé au Costa-Rica, nous avons tenté de faire des déclarations pour démentir le fait que 124 députés avaient voté la destitution. Aucun média national ne nous a couverts. C’est pour cela que nous nous sommes déplacés dans la capitale Tegucigalpa, le jour où est arrivé le secrétaire de l’OEA. Nous lui avons remis un document signé par une dizaine de députés dans lequel nous condamnions le coup d’Etat. Nous avons pu ensuite nous exprimer dans des médias nationaux et internationaux et démentir le fait que le Congrès avait pris sa décision à l’unanimité.
Quels éléments vous permettent de dire qu’il s’agit bien d’un coup d’Etat et non pas d’une transition constitutionnelle ?
La transition constitutionnelle ne s’opère pas dans ce cas. Elle ne peut s’opérer qu’à travers la démission, la mort, la faute absolue du président. Ils l’ont expulsé pour faute absolue pour avoir voulu réaliser une enquête d’opinion publique non contraignante, dont les résultats auraient dû de toute manière être examinés par le Congrès. La consultation du 28 juin n’a finalement pas eu lieu puisque c’est ce jour-là qu’ils ont violé les garanties constitutionnelles du président Zelaya (droit de défense, présomption d’innocence, arrivée à son domicile de l’armée avant 6h du matin...). Mais surtout, l’article 102 de notre Constitution indique qu’aucun Hondurien ne peut être expatrié ni remis par les autorités à un Etat étranger.
Quelle est la position au sein du Parti libéral, auquel appartiennent Manuel Zelaya et Roberto Micheletti ?
Les positions sont diverses, tant chez les députés que chez les militants. Certains défendent le putsch, qu’ils appellent succession présidentielle, et d’autres le condamnent.
Quel rôle peut jouer la trentaine de députés qui ont refusé le coup d’Etat ?
Notre situation est difficile car presque tous les organismes d’Etat défendent le putsch. Ce sont les secteurs sociaux, ouvriers, paysans, professeurs, syndicats, ONG de défense des Droits de l’Homme, organisations féministes, quelques médias, de nombreux maires et candidats à la présidence comme Carlos Reyes (Bloque popular) ou César Ham (Unificacion democratica) qui s’opposent au coup d’Etat.
Les élus opposés au putsch, ont-ils reçu des pressions ?
La députée Margarita Zelaya a vu sa maison investie par les militaires pour l’intimider. Le député Javier Hall a été frappé à la tête durant une manifestation. César Ham (UD) a été menacé de mort et a été obligé de quitter le pays durant plusieurs jours. Des médias ont annoncé qu’il avait un mandat d’arrêt contre lui. Carlos Reyes a dû être hospitalisé après avoir eu le bras fracturé durant une manifestation. Le fils du député Rodrigo Trochez, alors qu’il conduisait la voiture de son père, a vu son véhicule mitraillé et les passagers blessés.
Quant aux autres députés du Parti libéral, nous ne savons pas comment ils agiront contre eux.
L’élection présidentielle du 29 novembre pourrait-elle résoudre la crise ?
Si l’élection du 29 novembre a lieu, elle n’aura aucune valeur car le gouvernement putschiste n’est pas reconnu par l’ONU, l’OEA, le Groupe de Rio, l’Union européenne… Aussi, tant que le président Zelaya ne sera pas réinstallé et que l’on ne reviendra pas à la démocratie, aucune élection n’aura de valeur.
PROPOS RECUEILLIS PAR SEBASTIEN MADAU
la Marseillaise
http://www.legrandsoir.info/Notre-situation-sur-place-est-tres-difficile-La-Marseillaise.html