TOUTE LA VÉRITÉ SUR FATIMA ; LE TROISIÈME SECRET
FRÈRE MICHEL DE LA SAINTE TRINITÉ DES PETITS
FRÈRES DU SACRÉ-COEUR
FRÈRES DU SACRÉ-COEUR
TOUTE LA VÉRITÉ SUR FATIMA
TOME 3 : LE TROISIÈME SECRET (1942-1960)
CHAPITRE VI : L'HEURE DU COMBAT DÉCISIF ENTRE
LA VIERGE ET LE DÉMON
deux thèmes essentiels de l'ultime Secret de Fatima.
Quoique avec une moindre certitude, nous pouvons entrevoir un troisième thème du redoutable Secret : de nombreux
indices, étonnamment convergents, nous amènent à penser que cette terrible crise de l'Eglise et cette défaillance de
ses Chefs suprêmes, sans aucun précédent comparable dans son histoire bimillénaire, sont situées par le Secret dans
un contexte plus vaste, celui du suprême affrontement entre la Cité de Dieu et la Synagogue de Satan, celui du «combat
décisif entre la Vierge et le démon», pour reprendre l'expression de soeur Lucie.
1. LES CONFIDENCES DE SOEUR LUCIE AU P. FUENTES
Certes, puisque c'est à la hiérarchie qu'il revient de dévoiler le grand Secret, et non à elle directement, nous pouvons
être sûrs que soeur Lucie a été fidèle aux ordres de silence qui lui étaient donnés par ses supérieurs. Elle n'a révélé à
personne le texte même du Secret.
Cependant, comme elle l'avait fait déjà dans ses deux premiers Mémoires, pour les premières parties du Secret, et
avant même qu'il lui fût permis officiellement de les dévoiler1, rien ne l'empêche de mentionner discrètement, comme une
réflexion personnelle, telle ou
503
telle révélation importante et grandement salutaire pour les âmes, qui appartient en réalité au Secret non encore
divulgué. Ainsi, dans son entretien avec le P. Fuentes, aborde-t-elle plusieurs thèmes nouveaux qui sont sans doute
autant d'allusions voilées aux divers éléments du troisième Secret.
«La Très Sainte Vierge, explique Lucie, m'a fait comprendre que nous sommes dans les derniers temps du monde»,
ceux du grand combat apocalyptique entre la Vierge et le démon :
«Elle m'a dit que le démon est en train de livrer une bataille décisive avec la Vierge, et une bataille décisive est une
bataille finale où l'on saura de quel côté est la victoire, de quel côté la défaite. Aussi, dès à présent, ou nous sommes à
Dieu ou nous sommes au démon ; il n'y a pas de moyen terme» (cf. supra, p. 336-341).
Et, fait plus notable encore, elle démasque le plan satanique qui consiste à s'attaquer d'abord aux Pasteurs, à tous
ceux qui, en quelque manière, ont charge d'âmes :
«Le démon est en train de livrer une bataille décisive avec la Vierge, et comme il sait ce qui offense le plus Dieu et qui
en peu de temps lui fera gagner le plus grand nombre d'âmes, il fait tout pour gagner les âmes consacrées à Dieu, car de
cette manière il laisse le champ des âmes désemparé, et ainsi il s'en emparera plus facilement». (ibid)
«Gagner les âmes consacrées à Dieu». Pouvait-on prévoir avec plus de précision le drame des années postérieures à
1960 durant lesquelles, par centaines, par milliers et dizaines de milliers, des prêtres, des religieux, des religieuses, et
même des évêques et des cardinaux, - pour ne rien dire ici des papes eux-mêmes -, trahirent la cause de Dieu et de son
unique et véritable Église. Ou bien en la quittant avec scandale ; ou en s'y incrustant aux plus hauts postes d'où ils
continuèrent à ruiner la vraie foi, soit en refusant criminellement d'en défendre les dogmes contre un pullulement
encore jamais vu d'erreurs de toutes sortes, soit en prônant ouvertement l'hérésie. Là, ils travaillèrent à faire mourir la
vraie charité dans les âmes et à éteindre leur espérance surnaturelle au profit de leurs substituts maçonniques et
diaboliques : la promotion des droits de l'Homme, la foi en l'Homme et le culte de l'Homme.
Dans cette lutte dramatique qui s'annonce, il est stupéfiant que soeur Lucie n'indique pas, comme premier remède, de
suivre en tout docilement les recommandations des chefs de l'Église. Non, au contraire, elle nous avertit que, pour
l'essentiel, ils ne parleront pas :
504
«N'attendons pas que vienne de Rome un appel à la pénitence de la part du Saint-Père pour le monde entier;
n'attendons pas non plus qu'il vienne de nos évêques dans leur diocèse, ni non plus des congrégations
religieuses. Non... »
Cet avis se comprendrait-il dans le cas d'une hiérarchie fervente et fidèle, pleinement docile aux inspirations du Ciel ?
Et surtout dans le contexte de 1957, où les catholiques, avec une confiance sans borne avaient encore les yeux tournés
vers Rome pour en recevoir, avec empressement, des ordres, des directives et des exhortations en tous domaines ? Il
semble au contraire que Lucie s'adresse à un troupeau livré à lui-même et comme abandonné de ses Pasteurs :
«Maintenant, il faut que chacun de nous commence lui-même sa propre réforme spirituelle. Chacun doit sauver
non seulement son âme, mais aussi toutes les âmes que Dieu a placées sur son chemin». (Cf. supra, p. 336-341).
Puisqu'il faut l'entreprendre seul, autant dire qu'un temps viendrait où les Pasteurs, en très grand nombre, ne
1 Cf. la minutieuse analyse du P. Freire, qui conclut: «II n'y a pas de doute que Lucie mentionne des éléments du Secret avant sa
révélation officielle, parce qu'elle juge que la référence est assez voilée pour que personne ne la mette en relation avec son Secret».
(p. 88)
1
prêcheraient plus «la vraie réforme du peuple et du clergé» exigée par le Ciel pour détourner les esprits et les
coeurs des erreurs et des pièges du monde et les tourner vers Dieu par la douce et puissante médiation du Coeur
Immaculé de Marie (Cf. le message de Lucie aux évêques d'Espagne, supra, p. 11, sq). Non, les Pasteurs de l'Église ne
feraient pas cas du message de l'Immaculée, ils ne prêcheraient pas au peuple, - ou si peu que rien -, les demandes si
faciles et les promesses merveilleuses de la Vierge de Fatima, proposées par le Ciel comme les seuls moyens efficaces
pour conjurer les terribles châtiments divins qui menacent notre monde apostat.
«SOEUR LUCIE L'INVISIBLE»
Ces paroles étaient si fortes, si percutantes, qu'elles suscitèrent la réaction violente de la curie diocésaine de Coimbra
qui publia, le 2 juillet 1959, la " note officielle" que nous avons citée (Cf. supra, p. 367-368). Nous ne reviendrons pas sur
cette regrettable affaire. Mais soeur Lucie, comme le P. Fuentes, en subit les conséquences. Désormais, elle se trouva
astreinte à un silence beaucoup plus rigoureux sur tout ce qui concernait Fatima, et spécialement les grands thèmes du
Secret. Ce fut alors aussi que l'on commença à émettre publiquement des doutes sur la valeur de ses déclarations. Sans
doute fut-ce vers cette époque que la mère prieure du carmel de Coimbra écrivit au P. Messias Dias Coelho :
505
«La mission de soeur Marie-Lucie du Coeur Immaculé a été de transmettre le message de la Vierge. Ce qu'elle a fait,
et avec exubérance [sic !]. Mais ne lui demandez pas qu'elle interprète ce qu'elle a écrit ou dit. Cela revient aux
théologiens, à la hiérarchie, aux apôtres de Fatima que le Saint-Esprit suscite quand et où il lui plaît. "Ubi vult"»1.
Dans sa note du 2 juillet 1959, nous l'avons vu, la curie épiscopale déclarait, d'autorité, que «soeur Lucie n'a plus rien
à dire sur Fatima» ! Aussi, devint-il de plus en plus difficile de la rencontrer et l'on ne publia plus, pendant des années,
aucun écrit de sa plume. Son témoignage devenait gênant. En 1962, Maria de Freitas remarque que «de plus en plus les
visites à soeur Lucie sont interdites ; de plus en plus, elle devient invisible» ("Soeur Lucie... l'invisible", L'appel de Notre-
Dame, n° 29).
II. «UNE VAGUE DIABOLIQUE BALAYE LE MONDE»
Toutefois, nous avons une série de précieux documents qui nous permettent d'entrevoir la pensée de la voyante sur
la crise actuelle de l'Eglise : le 13 mai 1971, Mgr Venancio a donné l'imprimatur à quelques lettres de soeur Lucie
écrites de 1969 à 1971. Elles ont été publiées en 1973 par le P. Martins dos Reis dans "Uma Vida ao serviço de Fatima"
(p. 371-384). Malheureusement, l'auteur ne nous en donne que des extraits, et les trois qui sont reproduites in extenso
n'ont pu l'être que parce qu'elles traitent uniquement d'une question bien précise: la récitation du chapelet. Le P. Martins
dos Reis les présente sous le titre : "Petit traité sur la nature et la récitation du chapelet". Quelques théologiens
progressistes avaient mené une campagne contre le chapelet, rabâchant toujours les mêmes griefs éculés : la récitation
monotone de formules toutes faites ne convient plus à la mentalité moderne ; après le Concile, le chapelet est dépassé,
etc. Plusieurs revues et journaux réagirent vigoureusement, organisant une contre campagne pour exalter la beauté et
l'utilité du rosaire, et même pour demander que les évêques portugais réclament à Rome sa «reconnaissance comme
prière officielle de l'Église» ( p. 385-386). C'est dans ce contexte qu'il faut situer les extraits des lettres de soeur Lucie.
Réservant pour notre prochain tome le très bel et riche enseignement de la voyante sur le rosaire, nous ne relevons ici
que les passages, -d'ailleurs relativement nombreux, ce qui manifeste une préoccupation constante-, qui ont trait à la
crise de l'Eglise.
506
«CETTE DÉSORIENTATION EST DIABOLIQUE»
Soeur Lucie a trois neveux prêtres : le P. José Valinho, salésien, le P. Manuel Pereira, jésuite, et le P. Thomé dos
Santos Pereira, clarétain. Elle s'adresse à l'un d'eux, le 29 décembre 1969 :
«[...] Ce que quelques désorientés ont répandu contre la récitation du chapelet est faux. La lumière du soleil est plus
ancienne que la récitation du chapelet, et ils ne veulent pas cesser de bénéficier de son éclat; plus anciens sont les
psaumes et, eux aussi, comme les prières qui constituent le chapelet, font partie de la liturgie sacrée.
«La répétition des Ave Maria, Pater noster et Gloria Patri est la chaîne qui nous élève jusqu'à Dieu et nous attache à
lui, nous donnant une participation à sa vie divine, comme la répétition des bouchées de pain dont nous nous nourrissons
entretient en nous la vie naturelle ; et nous n'appelons pas cela une chose surannée!
«Cette désorientation est diabolique ! Ne vous laissez pas tromper». ( Uma Vida, p. 380).
NOTRE-DAME A VOULU «NOUS PRÉMUNIR CONTRE CETTE PÉRIODE DE CAMPAGNE DIABOLIQUE...»
À un autre de ses neveux prêtres, soeur Lucie écrit, le 4 avril 1970 :
«[...] Que votre apostolat, comme celui de tous nos frères et soeurs missionnaires, soit pour les âmes la lumière de la
Foi qui les guide sur le chemin de la Vérité, de l'Espérance et de l'Amour ! Cette lumière dont nous parle le Seigneur dans
son Évangile : "Vous êtes la lumière du monde et le sel de la terre."
«Il est nécessaire pour cela de ne pas se laisser entraîner par les doctrines des contestataires désorientés
[...]. La campagne est diabolique. Nous devons lui faire front, sans nous mettre en conflit. Nous devons dire aux âmes
que, maintenant plus que jamais, il faut prier pour nous et pour ceux qui sont contre nous ! Nous devons réciter le
chapelet tous les jours. C'est la prière que Notre-Dame a le plus recommandée, comme pour nous prémunir, en
prévision de ces jours de campagne diabolique ! Le démon sait que nous nous sauverons par la prière. Aussi est-ce
1 Père Messias Dias Coelho, "O que faite para a conversée da Rûssia", p. 91. Cité par Alonso, HLF, p. 52.
2
contre elle qu'il mène sa campagne pour nous perdre. Maintenant que le mois de mai va commencer, récitez le chapelettous les jours. Ne craignez pas d'exposer le Très Saint-Sacrement et de dire le chapelet en sa présence.
«Il est faux de dire que cela n'est pas liturgique, car les prières du chapelet font toutes partie de la sainte liturgie; et si
elles ne déplaisent pas à Dieu lorsque nous les récitons en célébrant le Saint Sacrifice, de même, elles ne Lui déplaisent
pas si nous les récitons en Sa présence, lorsqu'il est
507
exposé à notre adoration. Au contraire, c'est la prière qui Lui est la plus agréable, car c'est par elle que nous Le
louons le mieux [...].
«Pourquoi la prière que Dieu nous a enseignée et tant recommandée serait-elle dépassée ? Il est facile de reconnaître
ici la ruse du démon et de ses sectateurs qui veulent éloigner les âmes de Dieu en les éloignant de la prière [...]. Ne vous
laissez pas tromper. Éclairez les âmes qui vous sont confiées et récitez avec elles le chapelet tous les jours. Dites-le à
l'église, dans les rues, sur les chemins et les places. Si cela vous est possible, parcourez les rues en priant et en
chantant le chapelet avec le peuple ; et finissez dans l'église en donnant la bénédiction avec le Très Saint-Sacrement.
Cela en esprit de prière et de pénitence pour demander la paix pour l'Église, pour nos provinces d'outre-mer et pour le
monde.
«Je suis certaine que si vous faisiez ainsi un appel dans ce sens, les âmes le suivraient de bon coeur, parce que les
brebis suivent leur Pasteur lorsqu'il sait les guider et les conduire sur le bon chemin». (Uma Vida, p. 380-382).
Il semble difficile de faire, en si peu de mots, autant de remarques et de demandes aussi contraires à l'esprit de la
nouvelle religion !
«LA VAGUE DIABOLIQUE QUI BALAYE LE MONDE...»
Le 13 avril 1971, soeur Lucie écrit à son neveu salésien, le P. José Valinho :
«Je vois par votre lettre que vous êtes préoccupé par la désorientation de notre temps. Il est triste en effet que tant de
personnes se laissent dominer par la vague diabolique qui balaye le monde et qu'elles soient aveuglées au point d'être
incapables de voir l'erreur ! Leur faute principale est qu'elles ont abandonné la prière ; elles se sont ainsi éloignées de
Dieu, et sans Dieu, tout leur fait défaut : "Sans moi, vous ne pouvez rien faire [...]".
«Le diable est très rusé et cherche nos points faibles afin de nous attaquer. Si nous ne sommes pas appliqués et
attentifs à obtenir de Dieu la force, nous tomberons, car notre temps est très mauvais et nous sommes faibles. Seule la
force de Dieu peut nous tenir debout». (Cité par la "Voice of Fatima", 15 avril 1972).
«C'EST LA DÉSORIENTATION DIABOLIQUE QUI ENVAHIT LE MONDE ET ÉGARE LES ÂMES»
Deux lettres, citées in extenso par le P. Martins dos Reis, ont été écrites à la même époque et sont destinées à une
amie, D. Maria Teresa da Cunha, engagée avec zèle dans la défense de la dévotion mariale et qui aurait sans doute
voulu se réclamer d'une approbation
508
officielle de la voyante de Fatima1. Soeur Lucie lui répond le 12 avril 1970, au nom de sa supérieure, trop occupée.
«Notre Mère ne peut pas donner la permission que vous désirez. Mais aussi n'est-elle pas nécessaire. Je ne dois ni
ne peux me mettre en évidence. Je dois demeurer dans le silence, dans la prière et dans la pénitence. C'est de cette
manière que je peux le plus et que je dois vous aider. Il est nécessaire que tout apostolat ait ce fondement comme base ;
et telle est la part que le Seigneur a choisie pour moi : prier et me sacrifier pour ceux qui luttent et travaillent dans la vigne
du Seigneur et pour l'extension de son Royaume…»
Soeur Lucie est clairement consciente de sa vocation propre : il ne lui revient pas de lutter ni de polémiquer, mais de
«prier et de se sacrifier» pour ceux qui le font. Toutefois, cette vocation toute de silence et de pénitence ne l'empêche
pas de porter un jugement précis et ferme sur l'époque que nous vivons. Elle y revient sans cesse et, à propos du
chapelet ou de la prière qui sont les thèmes dont on lui a permis de parler, elle étend largement la portée de son
jugement.
Remarquons-le, il serait très étonnant qu'une âme aussi humble tire de son propre fonds des considérations aussi
graves sur la situation actuelle de l'Eglise et du monde. De même que, lorsque après le 25 janvier 1938, elle annonçait le
péril imminent de la guerre mondiale, elle s'appuyait en fait sur la prophétie du grand Secret non encore divulgué, on peut
penser qu'aujourd'hui, lorsqu'elle parle avec tant d'insistance de «la désorientation diabolique» qui envahit le monde, elle
ne fait que reprendre, sans le dire, un thème du troisième Secret :
«Que l'on récite le chapelet tous les jours. Notre-Dame a répété cela dans toutes ses apparitions, comme pour nous
prémunir contre ces temps de désorientation diabolique, pour que nous ne nous laissions pas tromper par de
fausses doctrines et que, par le moyen de la prière, l'élévation de notre âme vers Dieu ne s'amoindrisse pas.»
Plus loin, elle exprime une autre idée maîtresse, sur laquelle elle revient souvent, la responsabilité des chefs :
«Malheureusement, en matière religieuse, le peuple, dans sa majeure partie, est ignorant et se laisse entraîner où on
le porte. De là la grande responsabilité de celui qui a la charge de le conduire (ici, curieusement, comme en plusieurs
autres endroits, sur le même sujet, brusquement, la pensée de soeur Lucie tourne court. Alors qu'elle parlait des autorités
de l'Eglise, comme craignant d'en avoir trop dit, elle étend aussitôt sa remarque à tous les fidèles) ; et nous sommes tous
les conducteurs les uns des autres, car nous avons tous le devoir de nous aider mutuellement à marcher sur le bon
1 Rappelons que D. Maria Teresa avait été, avec le P. Demoutiez, à l'origine de la "route mondiale" de Notre-Dame de Fatima en 1947
(cf. supra, p. 79-80).
3
chemin».509
Plus bas, nouvelle pointe polémique contre ceux qui, au nom du Christ seul médiateur, rejettent la prière à la Vierge
Marie. Là où le P. Martins dos Reis, dans son commentaire, ne voit que les élucubrations de «certains demi-théologiens
à bas prix» (Uma Vida, p. 385), soeur Lucie porte un jugement global :
«C'est la désorientation diabolique qui envahit le monde et trompe les âmes ! Il est nécessaire de lui faire front ; et
pour cela, vous pourrez vous servir de ce que je vous dis ici. Mais comme d'une chose venant de vous, sans dire mon
nom [...]. Et, en restant à ma place, je prie pour vous et pour tous ceux qui vont travailler avec vous...» Et de rappeler ses
trois grandes intentions qui correspondent aux trois grandes parties du Secret : le salut des âmes, la paix de la sainte
Église, et la paix du monde, spécialement du «Portugal et de ses provinces ultramarines». (Ibid., p. 371-374).
L'AUDACE INTRÉPIDE «DES PARTISANS DU DÉMON»
Une lettre du 29 mai 1970, à la même destinataire, témoigne de la constance et de la ferveur avec lesquelles soeur
Lucie continue, comme le faisait Jacinthe, à prier pour le Pape :
«Je réponds à vos lettres le jour anniversaire de l'ordination du Saint-Père. Aujourd'hui, tout est pour Sa Sainteté. Que
Notre-Dame soit la messagère de nos pauvres et humbles prières...»
Sans doute au sujet d'articles de journaux progressistes, que son amie lui a transmis, soeur Lucie continue, prenant le
contre-pied du libéralisme et de la fausse charité moderne, selon lesquels, par principe, même les plus dangereux
novateurs sont toujours animés des intentions les plus pures et travaillent, à leur manière, au bien de l'Église :
«On voit combien les partisans du démon travaillent pour le mal et comme ils n'ont peur de rien ! Ni de rester
mal placés, ni de perdre ! Ils vont toujours de l'avant avec une audace intrépide ! Et nous seuls, nous agirions
avec couardise ? ! Dieu aurait-il moins de puissance que le démon ? Ou alors avons-nous moins de foi en Dieu
et en son pouvoir ? Il est nécessaire d'aller de l'avant sans peur et sans crainte. Dieu est avec nous, et c'est Lui
qui vaincra.
«Dieu veuille que l'entrevue avec Mgr de Mytilène se soit bien déroulée et que Son Excellence ne soit pas de ces
peureux... Je pense que le mieux serait de faire les choses après en avoir prévenu Leurs Excellences, mais qu'elles n'en
aient aucune responsabilité (comme si elles ne savaient pas), cela pour éviter l'inconvénient de la peur... Ensuite, en
voyant le succès, elles pourront alors se déclarer et y prendre part [...]. Quant à ce que vous me dites du prêtre qui est à
Fatima, je pense aussi que vous ne devez pas en avoir peur...»
510
Ainsi, pour la voyante, les camps sont bien tranchés : il y a les «partisans du démon», tout dévoués à sa cause et
qui travaillent pour le mal avec une ardeur inlassable. Il y a les peureux et les lâches qui craignent de se compromettre.
Et puis, il y a les fidèles, les courageux qui s'efforcent de tenir et de faire front. Soeur Lucie les exhorte à ne rien
craindre car, dit-elle, « Dieu est avec nous, et c'est Lui qui vaincra».
«Nous devons mettre notre confiance en Dieu et en la protection de Notre-Dame. Nous ne sommes que des
instruments très faibles dans leurs mains, dont ils se servent pour leur gloire ; mais la crainte ne doit pas no empêcher de
servir pour ce qu'ils désirent». (Uma Vida, p. 374-377).
«LE DÉMON A RÉUSSI À INFILTRER LE MAL SOUS COUVERT DE BIEN...»
Le 16 septembre 1970, soeur Lucie écrit à une religieuse amie, Mère Martius, qui avait été sa compagne à Tuy, au
noviciat des soeurs Dorothées, et qui vient d'être durement éprouvée par la maladie :
«...Par ce que vous me dites, je vois que vous avez eu beaucoup à souffrir ! C'est la pénitence que le Seigneur vous
demande maintenant ; et ces pénitences qu'Il nous envoie Lui-même sont les plus pénibles. Mais ce sont aussi celles qui
nous unissent le plus à Lui, qui fut le Martyr des douleurs.
«Moi non plus, je n'ai pas été très bien du coeur, des yeux, etc ; mais il est nécessaire de compléter en soi ce qui
manque à la Passion du Christ ; il est nécessaire que ses membres soient un avec Lui, par la douleur physique et par
l'angoisse morale. Pauvre Seigneur, Il nous a sauvés avec tant d'amour et Il est si peu compris ! si peu aimé ! si mal servi
! Il est douloureux de voir une si grande désorientation et en tant de personnes qui occupent des places de
responsabilité!...»
«Pour nous, nous devons, autant qu'il nous est possible, essayer de réparer par une union toujours plus intime avec le
Seigneur ; nous identifier avec Lui pour qu'Il soit en nous la Lumière du monde plongé dans les ténèbres de l'erreur, de
l'immoralité et de l'orgueil. Cela me fait de la peine de voir ce que vous me dites, que maintenant, cela se passe aussi par
ici ! ...C'est que le démon a réussi à infiltrer le mal sous couvert de bien et les aveugles se mettent à en guider
d'autres comme nous le dit le Seigneur dans son Évangile, et les âmes se laissent tromper.
«De bon coeur, je me sacrifie et offre à Dieu ma vie pour la paix de Son Église, pour les prêtres et pour toutes les
âmes consacrées, surtout pour celles qui sont tellement trompées et égarées !»
Suit un long développement sur la dévotion au saint Rosaire les grands bienfaits qu'il procure aux âmes. Puis soeur
Lucie conclut :
511
«C'est pour cela que le démon lui fait tant la guerre ! Et le pire est qu'il a réussi à induire en erreur et à tromper des
âmes ayant une lourde responsabilité par la place qu'elles occupent!... Ce sont des aveugles qui guident d'autres
4
aveugles [...]»1.L'année suivante, en décembre 1971, toujours dans une lettre à Mère Martins, soeur Lucie exprime les mêmes
pensées :
«Ainsi les petites feuilles [il s'agit d'un texte sur le chapelet composé par soeur Lucie] s'en vont auprès des âmes,
comme un écho de la voix de Notre-Dame, pour leur rappeler l'insistance avec laquelle elle nous a tant recommandé la
prière du chapelet. C'est qu'elle savait déjà que devaient venir ces temps durant lesquels le démon et ses partisans
combattraient tant cette prière pour éloigner les âmes de Dieu. Et sans Dieu, qui se sauvera ? ! A cause de cela nous
devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour rapprocher les âmes de Dieu». (Ibid., p. 390-391).
Terminons par quelques passages d'une lettre du 26 novembre 1970, adressée à don Umberto Maria Pasquale,
salésien italien dévoué depuis très longtemps à la cause de Fatima:
«[...] La décadence qui existe dans le monde est sans nul doute la conséquence du manque d'esprit de prière. Ce fut
en prévision de cette désorientation que la Vierge a recommandé, avec tant d'insistance, la récitation du chapelet. Et
comme le chapelet est, après la sainte liturgie eucharistique la prière la plus propre à conserver la foi dans les âmes, le
démon a déchaîné sa lutte contre lui. Malheureusement nous voyons les désastres qu'il a causés.
«[...] Nous devons défendre les âmes contre les erreurs qui peuvent les faire dévier du bon chemin. Je ne puis les
aider autrement que par mes pauvres et humbles prières et mes sacrifices ; mais pour vous, Père Umberto, vous avez un
champ d'action beaucoup plus étendu pour développer votre apostolat. Nous ne pouvons et nous ne devons pas nous
arrêter, ni laisser, comme dit Notre-Seigneur, les fils des Ténèbres être plus avisés que les fils de Lumière... Le rosaire
est l'arme la plus puissante pour nous défendre sur le champ de bataille»2.
Ces quelques extraits des lettres de soeur Lucie - d'autant plus significatifs qu'elle n'écrit sûrement pas tout ce qu'elle
veut et que ses écrits sont sévèrement censurés avant publication -, concordent parfaitement avec ce que nous avons dit
déjà du contenu du troisième Secret. Pour elle, le mal n'est pas seulement dans le monde, «plongé
512
dans les ténèbres de l'erreur, de l'immoralité et de l'orgueil». Il est dans l'Église où le démon a ses «sectateurs» et
ses «partisans» qui agissent avec une énergie surhumaine. Il ne s'agit pas seulement de tiédeur ou de négligences
pastorales, soeur Lucie laisse clairement entendre que c'est la foi elle-même qui est attaquée : elle parle de «fausses
doctrines», de «désorientation diabolique», d'«aveuglement»... Et cela, chez ceux-là mêmes «qui ont de grandes
responsabilités» dans l'Eglise et ont pour mission de guider les âmes des fidèles. Elle déplore que tant de Pasteurs
«se laissent dominer par la vague diabolique qui envahit le monde» et soient autant d'«aveugles qui conduisent d'autres
aveugles». Pourrait-on mieux décrire la crise de l'Eglise qui s'est ouverte à un monde... dont Satan est le Prince?
La question se pose : La voyante oserait-elle employer des expressions aussi vigoureuses si elles n'étaient un simple
écho des révélations reçues, un écho des prophéties du troisième Secret ? Pour nous, la réponse ne fait point de doute.
«LA VIERGE SAVAIT QUE DEVAIENT VENIR CES TEMPS DE DÉSORIENTATION DIABOLIQUE»
Il est visible en effet que soeur Lucie veut nous suggérer que, dès 1917, Notre-Dame avait annoncé, avait prévu la
crise de la foi, proposant son message comme la réponse anticipée, le divin remède à cette apostasie
menaçante:
«Ce fut en prévision de cette désorientation [actuelle] que la Vierge a recommandé avec tant d'insistance la récitation
du chapelet» comme «la prière la plus propre à conserver la foi dans les âmes». «C'est qu'Elle savait déjà que devaient
venir ces temps durant lesquels le Démon et ses partisans combattraient tant cette prière...» Elle a tant insisté «comme
pour nous prémunir contre ces temps de désorientation diabolique, pour que nous ne nous laissions pas tromper par de
fausses doctrines...»
Ces paroles de la voyante s'expliquent parfaitement et prennent tout leur relief si, le 13 juillet 1917, dans son troisième
Secret, la Vierge a précisément annoncé cette «désorientation diabolique» qui envahirait soudain l'Eglise si l'on
n'obéissait pas à ses demandes.
L'HEURE DE SATAN...
L'HEURE DE LA GRANDE ÉPREUVE DE PIERRE
Et si les temps que nous vivons sont ceux de "la Puissance des Ténèbres", l'heure de l'ultime offensive de Satan
contre l'Église du Christ, il n'est pas étonnant que, comme dans l'Évangile, cette heure soit aussi celle de la grande
tentation de Pierre, et peut-être aussi de sa chute.
513
«"Simon, Simon [disait Jésus à Pierre et aux autres Apôtres avant de quitter le cénacle], voici que Satan vous a
réclamés pour vous passer au crible comme le froment; mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas. Toi donc,
quand tu seras revenu, affermis tes frères". Pierre lui dit : "Seigneur, je suis prêt à aller avec toi en prison et à la mort."
Jésus reprit : "Je te le dis, le coq ne chantera pas aujourd'hui que, par trois fois, tu n'aies affirmé ne point me connaître».
(Lc XXII, 31-34).
Et, quelques versets plus bas, dans ce même chapitre vingt-deuxième de saint Luc, le récit de la triple trahison du
1 Uma Vida, p. 377-379. Nous reviendrons, dans notre t. IV, sur cette lettre importante que nous citerons et commenterons
intégralement.
2 Cité par l’''Osservatore romano" en 1984, sous le titre : "Il Rosario è l'arma potente che ci Mende nella battaglia". Sur don Umberto,
décédé récemment à Rome, cf. notre tome II, p. 433, note 1.
5
PrinceLa suite ICI