A Paris, Michel Barnier esquisse sa vision du marché unique

veut « mutualiser » et travailler avec les autres commissaires pour améliorer la cohérence du marché intérieur. « Barroso m'a donné son accord pour un travail à l'intérieur de la maison notamment pour trouver les chaînons manquants du marché intérieur », a-t-il précisé.
Remettre de l'humain au coeur du marché intérieur est l'une des préoccupations du nouveau commissaire. Michel Barnier a déclaré vouloir « refaire la preuve de l’Europe » afin de « réconcilier l’individu avec le grand marché ». « Le marché doit être au service d’un projet de société », a-t-il également affirmé à plusieurs reprises.
Mais quid du projet concret? Un mois après son investiture, le commissaire français semble en phase de consultations. La nouvelle stratégie de croissance de l'UE pour les 10 ans à venir, UE 2020 n'a été mentionnée que deux fois. Interrogé par le fondateur d’EurActiv, Christophe Leclercq sur la façon dont il comptait rendre ce projet plus « mobilisateur » que la stratégie de Lisbonne qui s'achève, Michel Barnier a simplement indiqué qu'UE 2020 constituait l'un des outils de sortie de crise parmi d'autres et en a répété les principaux objectifs: mettre en place «une croissance différente, plus qualitative et plus verte».
Libérer les entraves du marché
Pour relancer la croissance en Europe, Michel Barnier a surtout insisté sur la nécessité de «libérer les entraves» au sein du marché intérieur, en faisant notamment référence à la directive services et au marché électronique. L'espace unique de paiement en euro (SEPA), qui a pris du retard, a également fait l'objet de débat. De son côté, le directeur général adjoint de Visa Europe Philippe Menier a rappelé que « le coût des moyens de paiements non électroniques représentait 2 à 3% du PIB européen ». Il a également interrogé le commissaire sur sa volonté de mettre en place une date butoir pour accélérer le processus de mise en oeuvre du SEPA.
Michel Barnier a affirmé qu’il laisserait encore un peu de temps au système bancaire pour procéder aux transformations nécessaires à ce nouvel espace. Il a toutefois indiqué qu’il allait « consulter pour choisir une date butoir », sans donner plus de précisions.
Le commissaire français s'est également dit favorable à la création d'une carte bancaire européenne. Elle permettrait de donner davantage de choix au consommateur européen et viendrait concurrencer Visa et Mastercard.
«Qu’en est-il du surcharging, pratique interdite en France, qui consiste à imposer des frais supplémentaires lors de l’utilisation des moyens de paiement?», a quant à lui demandé le délégué général de l’association de consommateurs et d’usagers CLCV, Thierry Saniez. Sans répondre précisément à la question, Michel Barnier a simplement déclaré qu'il était favorable « au principe de transparence et à l’harmonisation la plus large possible », tout en précisant qu’il fallait vérifier que cela bénéficie au consommateur.
« Désamour »
La question du « désamour » des citoyens pour le marché intérieur, soulevée notamment par Yann Algan, professeur d’économie à Sciences-Po, a constitué l’un des autres thèmes forts du débat. Pour inverser la tendance, Michel Barnier a insisté sur la nécessité d’écoute et de consultation de toutes les parties prenantes.
Pour rapprocher les citoyens, en particulier les Français, l'UE devrait prendre à bras le corps la question des services publics, selon la présidente du think-tank Confrontations Europe, Claude Fischer. Elle a suggéré que les services d’intérêt général et les services d’intérêt économique général constituaient l’outil adéquat pour « créer de l’amour » dans l’espace de vie commun qu’est le marché. «Rien n’interdit les services publics dans les traités et au contraire, l’article 14 du traité de Lisbonne garantit désormais les missions des services publics », a répondu le Commissaire. Sans se positionner sur la possible création de directive par secteur, comme le demandent par exemple les députés socialistes européens.
Le secrétaire général adjoint de la CFDT, Marcel Grignard, a, quant à lui, soulevé la question de la capacité des entreprises à penser les enjeux sociaux et environnementaux. A ce sujet, le commissaire a rappelé qu’il avait lancé un Social Business Act pour équilibrer la recherche du profit et l’inclusion sociale. Il a néanmoins précisé qu’il ne fallait pas sous-estimer les différentes réalités sociales des 27 Etats membres.
Si l’approfondissement du marché unique est bel et bien une nécessité, de nombreux salariés perçoivent le marché unique comme l'un des facteurs responsables de la perte de leurs emplois, a rappelé Marcel Grignard. Selon lui, un « marché unique de l’emploi » est la seule façon de faire accepter le départ « d’un emploi français à Strasbourg à quelques kilomètres en Allemagne ».
Harmoniser l'assiette fiscale de l’impôt sur les sociétés constitue l'une des réponses à ce problème, a estimé Michel Barnier, la fiscalité étant, selon lui, l’une des causes majeures de départ ou de création d’entreprises. Car, si la crise grecque a démontré la nécessité de davantage de coordination budgétaire, la « mutualisation » est nécessaire dans d’autres domaines pour « qu’une puissance européenne participe à la formation d’un nouvel ordre mondial plus juste et plus sûr ».
*Ce débat a été réalisé en coopération avec la Représentation en France de la Commission européenne, avec le soutien de The Depository Trust & Clearing Corporation (DTCC) et Visa Europe et avec le concours d'APCO worldwide, Sciences Po, Terra Nova, la Fondation Robert Schuman, Confrontations Europe et l'Institut Montaigne.
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