Alliot-Marie ordonne une enquête sur un juge ayant comparé la police à la Gestapo
LEMONDE.FR avec AFP | 05.11.10 | 18h42
Les propos d'un magistrat de Bobigny, en plein procès jeudi, comparant la police à la Gestapo, ont poussé
la garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie, à ordonné vendredi 5 novembre, une enquête administrative, et provoqué un tollé chez les policiers.
"La police française, ça ressemble un peu à la Gestapo dans ce dossier", avait déclaré Jean-Dominique Le Milon, vice-procureur de la République à Bobigny, lors de virulentes réquisitions au procès de sept policiers poursuivis pour avoir accusé à tort un homme afin d'expliquer une course-poursuite au cours de laquelle l'un d'eux avait été blessé.
Dès vendredi matin, la ministre de la justice, Mme Alliot-Marie, "a ordonné une enquête administrative, confiée à l'inspection générale des services judiciaires, afin d'envisager une éventuelle saisine du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) en matière disciplinaire", a annoncé son porte-parole.
Faisant écho à la colère de leurs collègues présents en nombre dans la salle d'audience, les syndicats de policiers ont donné de la voix, face à ces nouvelles frictions entre policiers et magistrats. Synergie, le second syndicat d'officiers, s'est déclaré "indigné par ces propos scandaleux, inadmissibles et injurieux à l'égard des policiers". Il s'est "interrogé sur les motivations" du magistrat.
Nathalie Orioli, secrétaire nationale d'Unité police SGP-FO (premier syndicat de gardiens de la paix), les a qualifiés de "haineux". "Comment, en 2010, un représentant du ministère public peut-il tenir des propos aussi infâmants, relevant d'ailleurs du délit d'insulte à fonctionnaire de la police nationale ?" a-t-elle demandé. Les deux syndicats de policiers ont souligné le climat "sensible" du département de la Seine-Saint-Denis et les "violences" subies par la police quotidiennement.
"UNE PREMIÈRE"
Après avoir dressé un parallèle entre la police française et la Gestapo allemande, M. Le Milon avait requis de la prison avec sursis à l'encontre des policiers et estimé que "sur les sept policiers, cinq devraient quitter la police". Quelques heures plus tard, sa supérieure hiérarchique, la procureure de la République à Bobigny, Sylvie Moisson, avait expliqué qu'elle s'attacherait "à faire toute la lumière sur les propos" de M. Le Milon. "Un tel comportement, (...) s'il était avéré serait totalement inhabituel de la part des magistrats de Bobigny", avait elle ajouté.
Pour Charles Diaz, historien et contrôleur général de police, auteur d'un récent ouvrage consacré à La Fabuleuse Histoire des grands flics de légende (Editions Jacob-Duvernet), ces propos sont une "première tant dans une audience que dans l'histoire de la police".
Du côté des magistrats, le premier syndicat, l'Union syndicale des magistrats (USM), a critiqué l'ouverture d'une enquête à l'encontre de leur collègue, déplorant "un deux poids, deux mesures permanent". "Je trouve un peu fort de café qu'on engage une procédure pré-disciplinaire contre un magistrat parce que des policiers ne sont pas contents, alors même qu'il y a deux mois, les policiers se sont livrés à des attaques scandaleuses contre les magistrats et que personne n'a rien dit", a déclaré à l'AFP Christophe Régnard, président de l'USM.