Billet d’humeur : La réponse d’Obama du lundi 8 août à la crise financière
Je ne peux m’empêcher de faire un bref papier sur l’allocution du Président des USA d’hier soir. Cette allocution a eu pour réponse une accentuation de la crise boursière aux USA et dans le monde entier. Ce discours ressemble plus à un discours de campagne électorale qu’à celui d’un chef d’Etat.
Le Président des USA a d’abord utilise la méthode Coué pour écarter la baisse de la note de la dette souveraine des USA « "Quoi que disent certaines agences de notation, notre pays a toujours mérité et méritera toujours la note 'AAA' ». Voilà qui était fait pour rassurer définitivement les marchés. Ils ont rappelé au Président des USA qu’un déni n’est en rien un argument recevable.
Autre moment remarquable du speech présidentiel, cette déclaration qui fleure bon l’optimisme pro domo : «la bonne nouvelle est que les problèmes économiques peuvent être résolus rapidement et nous savons ce que nous devons faire pour les résoudre ». En pleine crise financière, alors que la croissance à crédit ralentit depuis un semestre et qu’une récession redevient possible, cette affirmation laisse pantois. La logique ne semble pas animer un Obama en petite forme. Si les problème peuvent être résolus rapidement, pourquoi ne l’ont-ils pas été jusqu’alors ? Le temps n’a pas manqué. Et si le Président sait comment faire pour les résoudre, pourquoi les problèmes se posent ils encore ? La réponse de Mr Obama va de soi : l’abaissement de la note de la dette souveraine n’est pas mérité puisque tout va bien, on se surprend à douter, y-a-t-il réellement une chute des bourses ?
La logique ubuesque du Président des USA semble dire que oui et puis que non, tout cela n'étant au final que le résultat de l'incompétence de S&P.
Le Président des USA ose encore faire cette affirmation "Procéder à ces réformes ne nécessite pas des décisions radicales. Cela nécessite du bon sens et des compromis". Or dans la situation des USA, les réformes qu’il aurait fallu - et qu’il faudrait encore faire !!! - sont radicales, elles imposent des décisions politiques douloureuses et non des compromis douteux. Les USA ont besoin d’une vraie réforme de leur système de santé afin d’en allèger le coût, d’une refonte de leur stratégie et du mode de fonctionnement de leur armée pour redonner de l’air au Trésor, d’une réforme générale de leur fiscalité pour consolider leur dette souveraine. Nous sommes loin du compromis consistant à augmenter un tout petit peu les impôts des plus riches et à diminuer des programmes sociaux déjà chiches. Nous sommes aussi loin des faux-semblants qui ne trompent personne. Donnez nous 2000 Md de $ dans les 18 mois à venir et nous vous donnerons autant d’économie dans les…dix ans. Entre-temps, il y aura eu les élections de 2012…Il faut se méfier du bon sens ; puisque "chacun s'en estime suffisamment pourvu qu'il n'en demande point d'avantage", chacun peut le trouver devant sa porte.
Après ces propos lénifiants, le Président des USA a mis du baume au cœur des américains qui possèdent « les meilleures universités au monde, les travailleurs parmi les plus productifs du monde, les entreprises les plus innovantes et les entrepreneurs les plus audacieux de la planète ». On pourrait se demander pourquoi les USA sont en crise ? Pourquoi une classe entrepreneuriale d’excellence dirigeant des entreprises aussi remarquables laisse-t-elle au pays un aussi gros déficit commercial ? Comment expliquer que des travailleurs aussi productifs doivent faire appel à une épargne importée pour tirer la croissance de leur économie. Une économie hautement productive ne se reconnaît-elle pas au fait qu’elle exporte des marchandises et des capitaux qu’elle produit au-delà des besoins de son économie nationale de consommation et d’investissement de son économie nationale. Le déni du déclin des capacités de production de richesse des USA étant ainsi massivement écarté, il ne faut pas s'étonner que cette administration ait fait semblant de vouloir tout changer pour ne rien changer depuis 2008. Le résultat est à l'avenant; ne pas reformer les structures économique d'un pays, c'est en temps de crise l'exposer à des dangers majeurs. C'est la dette souveraine qui est l'expression de ce danger qui n'est plus depuis le début de cette semaine une vue de l'esprit.
Face au retour de la crise, Mr Obama a tenu des propos dignes d’un médiocre politicien d’une petite ville du Middle-West. Le rappel des sacrifices des boys en Afghanistan à épouser la rhétorique habituelle des leaders politiques aux petits pieds. Les boys ne sont décidément pas morts en vain...
Devant ce déballage de lieux communs et de contrevérités, la presse n’a pas eu le loisir de poser des questions. Les marchés ont répondu à ce qui est un discours d’une indigente médiocrité. Ils paniquent faute de direction claire affichée.
Ils paniquent mais ne pensent pas. Ne sont-ils pas encore à chercher la sécurité en achetant des bons du Trésor. Ces derniers sont pourtant en train de se transformer sous leurs yeux en bulle de titres surévalués. La vacuité du discours du Président des USA est la traduction d’une impasse politico-financière et d’une absence d’alternative à la politique engagée depuis 2009, elle aboutit à une crise financière qui menace l’économie américaine de stagnation (déjà en cours) ou de récession (éventuellement à venir). Comment ne pas voir que ces deux phénomènes impliquent que la question actuelle de la dette souveraine soulève le problème de sa couverture par le Fisc des USA, principal et intérêt compris. La valeur des bons du Trésor est donc devenue problématique, un investisseur intelligent s'en détournerait.
Plutôt que se poser ce problème, et de faire la grève de l’achat des bons ou de demander des rendements commensurés au risque souverain, les marchés continuent à cette heure à acheter de la dette souveraine Etats-Unienne. Il ne faut pas penser pour acheter des titres réputés surs alors que la croissance de la dette qu’ils entraînent en augmente régulièrement la dangerosité. C’est en effet prendre la voie la plus certaine pour former une bulle d’insécurité de 14 300 Md de $.
Les marchés ne pensent pas ils cherche de la sécurité ; ils ne pensent pas, ils s’aveuglent en pleine lumière, ils ne pensent pas, ils croient à la dette souveraine des USA. Voilà qui est absurde. Un nouveau chapitre du « Credo quia absurdum » s’ouvre, il a pour objet la dette souveraine ; dette bifide qui se métamorphose de problème en solution et de solution en problème. C’est toute la dialectique folle qui a suivi l’abaissement de la note de la dette américaine par S&P dont il est question ici. Et cette dialectique est le moteur de la panique présente à laquelle le discours d’Obama fait semblant d’apporter des réponses.
Ce n'est pas la meilleure façon d'enrayer la panique.
Wait and See.
Onubre Einz
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Les évênements de cette semaine (notamment de mercredi) n’indiquent-ils pas que les investisseurs anglo-saxons (voire certains de la zone Euro qui ne veulent pas mettre la main à la patte pour financer la dette) vont continuer à tout faire pour faire tomber la zone Euro (comme l’indique les fausses rumeurs de nationalisation et de difficultés de SG et sur le AAA français), réglant ainsi partiellement le pb de financement de leur dette à court-moyen terme ?
- Rédigé par : rryv | le 11 août 2011 à 11:27
lire aussi :
« Face au retour de la crise, Mr Obama a tenu des propos dignes d’un médiocre politicien d’une petite ville du Middle-West. »
Il a fait exactement ce que tout homme politique sans pouvoir doit faire dans ces circonstances: cacher la vérité, tenter rassurer le bon peuple par de belles paroles démagogiques et persuasives. Un homme politique qui aurait expliqué la vérité aurait provoqué la panique: il serait devenu le chantre de la chute qu’il voulait éviter. Tant que l’illusion persiste, il y a une chance de s’en sortir. Si l’illusion disparait, c’est la panique. Considérez que son discours est un énorme pieu mensonge…
Vos articles le montrent clairement: les USA ont intérêt à continuer à attirer les capitaux, ils ont intérêt à ce que leur propre peuple continue d’acheter la dette pour subvenir aux immenses besoins « court terme ». Sans cette confiance, tout est fini.
Quant à prendre les mesures nécessaire, j’ai bien peur qu’Obama n’ait les mains liées. Le spectre du communisme est encore trop installé dans les mentalités américaines, l’ultra-libéralisme économique est encore trop une religion. Quoi qu’il tente les républicains ou les financiers le stopperont. Les républicains rallient le peuple par la peur, mais les démocrates ne peuvent pas le rallier par la solidarité… c’est culturellement un tabou. Solidarité = communisme, dans leur esprit.
« Les marchés ne pensent pas »
Non, les marchés ne pensent pas: cela peut s’expliquer sociologiquement et humainement. Les humains adoptent en groupe (et en masse) le comportement des moutons de Panurge. Si une partie va dans une direction alors que le reste est indécis ou a peur, alors tous les autres suivent le mouvement. Les bulles spéculatives fonctionnent ainsi. Les crash boursiers aussi. La fuite d’un immeuble en feu aussi. Les achats de bons du trésor américain n’y font pas exception…
Vous mentionniez dans un autre article que les marchés étaient « aveugles ». Le sont-ils vraiment, au fond? Quand tout part en vrille, l’Etat est le dernier recours. Les USA sont encore le pays le plus riche, le plus prospère. Ils ont des ressources naturelles et un tissu économique développé. Leur monnaie est encore monnaie de réserve internationale. Ils ont la plus grande armée au monde. Si on ne peut plus compter sur les bons du trésor en dernier recours, où investir?
- La bourse? Trop risquée, trop d’aléas.
- L’or? Trop rare, bulle spéculative déjà formée, risque de saisie étatique…
- Les devises étrangères? Trop risquées: l’Europe est trop divisée, la Chine est une dictature, les pays émergents sont…. Émergents… et tout ce petit monde est « étranger »…
- L’immobilier? En plein marasme…
- Du cash? On perd de l’argent, mieux vaut encore des bons du trésor court terme…
En « presque » dernier recours, les moutons apeurés n’ont qu’un endroit où aller: le collectif « maison », l’Etat, les bons de dette court terme USA. Ce qui explique pourquoi ces bons ont tant de succès pour le moment.
Évidemment, il existe aussi l’Ultime recours, en cas d’effondrement économique généralisé et catastrophique. Si les moutons sentent « la fin » arriver, la catastrophe inflationniste, ils se rueront à la place sur les biens durables, les provisions. Nous n’en sommes pas encore là heureusement, mais vous avez prouvé que ce scénario « pouvait » devenir possible, la faillite complète du système étant rendue possible par la faillite complète et rapide de l’Etat (immense besoins d’argent court terme). Ce ne serait pas le cas avec des dettes « long terme », l’emballement ne pouvant pas devenir aussi rapide…
Je préfère ne pas trop penser à cet Ultime scénario…