Brevet : moi, prof d'histoire-géographie, j'ai été choquée par le sujet proposé
Cartables au placard, trousses rangées, le brevet 2012 s'est achevé vendredi matin. Dernière édition, pour le diplôme national du brevet qui sera réformé en 2013. Mais faut-il conserver cet examen aux apparences désuètes ? Véronique Servat, professeur d'histoire-géographie, donne son avis pour Le Plus.
Édité et parrainé par Louise Auvitu
Les élèves de 3e passaient leur brevet des collèges le 28 et 29 juin (VALINCO/SIPA)
Dans le microcosme de l'histoire-géographie, plusieurs choses posent problème. Je suis enseignante depuis vingt ans, et en poste au collège Paul Éluard de Montreuil depuis cinq ans.
Ce matin, j’ai surveillé le brevet. Les élèves de troisième passaient l’épreuve d’histoire-géographie et d’éducation civique et sociale de deux heures pour leur dernière journée.
Cet examen est composé d’une partie consacrée au choix à l’histoire ou à la géographie ; un repérage spatial et temporel, une étude de documents avec des questions et un paragraphe argumenté à rédiger ; et d’une partie consacrée à l’éducation civique.
L’épreuve de cette année est un outil d’instrumentalisation politique
Pourtant, ce matin, l’examen ne ressemblait à rien. Dans l’épreuve d’histoire, on ne demandait pas d’"argumenter" - comme cela doit se faire – mais de "raconter" "la vie des Français au front et à l'arrière pendant la Première Guerre mondiale".
Le programme, qui a été renouvelé en 2008, porte sur l’intégralité du XXe siècle pourtant dans 70% des cas, les élèves tombent sur l’une des deux Grandes Guerres ou sur de Gaulle et la Ve République.
En éducation civique, il fallait parler des pouvoirs du président de la République française. J’ai été particulièrement choquée par l’illustration montrant Nicolas Sarkozy "prêchant la bonne parole" aux soldats en Afghanistan.
Je suis effondrée par ces choix. Je pense que cette épreuve est, sur bien des points, un outil d’instrumentalisation politique. Ce matin, les élèves devaient aussi plancher en géographie sur "la puissance économique et commerciale de l'Union européenne", accompagnée de documents ventant exclusivement les aspects positifs de l’Europe.
Comme si l’euro attirait tout le monde ? Comme si la crise n’existait pas ? On ne propose pas aux élèves de réagir, mais de soutenir l’énoncé proposé. On n’essaye pas de former un citoyen doté d’un regard critique, mais de former un citoyen français européen.
Je suis bien consciente que les élèves de troisième n’ont pas forcément une réflexion sur ce sujet, mais ici on ne leur laisse aucune chance de formuler des réserves.
Mais alors le brevet sert-il encore à quelque chose ?
Je pense qu’on peut facilement relativiser son importance. Le brevet ne conditionne pas votre passage en classe supérieure, fonctionne grâce à un contrôle continu, et seules trois disciplines sont à l’écrit en contrôle final (français, mathématiques, histoire/géographie/éducation civique).
D’un autre côté, c’est un examen exigeant et de longue haleine pour un grand nombre d’élèves. Il nécessite un travail régulier et une bonne méthodologie. Ça peut paraître effrayant, mais c’est nécessaire.
Le corps enseignant a observé que, lors de leur entrée au lycée, les seconde décrochaient moins en histoire-géographie. Preuve que cette épreuve est formatrice.
Le brevet est la première expérience d’examen pour les élèves. La plupart le prennent au sérieux. En tant qu’enseignante de collège, je sais que l’année de troisième est une classe spéciale.
C’est une initiation aux examens futurs, l’occasion de gérer une épreuve sur toute l’année. Il symbolise la fin d’un cycle : les élèves ont fini leur collège, ils se testent, en sortent, pour finalement intégrer le lycée.
Première épreuve avant le bac
Dès le mois de février, je donne des outils d’apprentissage à mes élèves, puis ils viennent vers moi dans l’année pour que je corrige leurs fiches de révision. Ils leur arrivent de se mettre en équipe pour réviser.
La passation de l’examen est la suite logique du cheminement de la scolarité. Le brevet est une première épreuve avant le baccalauréat.
Je pense que la tension est beaucoup plus forte pour le bac. C’est un vrai souci pour le collège, qui est le maillon faible du système éducatif. On y teste beaucoup d’aménagements, de réformes, d’expérimentation. À la longue, le collège se transforme en un ventre mou qui se délite sur ses propres bases.
Les collégiens ne deviennent pas systématiquement lycéens et il est donc important que ce test existe. Je trouverais ça dommage que le brevet soit supprimé, mais je crois que je préfère qu’il n’y ait plus rien, plutôt que d'avoir le brevet réformé de 2013.
Vers une nouvelle formule du diplôme national du brevet
L’actuelle formule du brevet, incluant l’épreuve d’histoire-géographie, remonte à 1998, mais depuis le changement du programme de troisième en 2008, le diplôme national du brevet n’a pas changé. Les modalités sont restées les mêmes. L’année prochaine, le brevet sera réformé et j’appréhende beaucoup cette nouvelle formule.
Le ministère de Luc Chatel a imposé cette réforme, sans aucune concertation entre les professeurs, ni refondation intellectuelle. C’est comme si cette mesure avait été faite sur le coin d’une table sans y réfléchir. Pour le moment, les détails de cette nouvelle épreuve restent flous.
Quelques "sujets 0" ont fuité, et l’ensemble paraissait très simple (restituer des définitions, des dates, sans raisonner ou rédiger)… un peu comme un simple cahier de vacances. Le tout ne me dit rien qui vaille.