Charité business

Publié le par sceptix

 

Charité business

Par Guy Sorman - Mis en ligne le 17.08.2010 à 11:18

Les catastrophes  naturelles font des victimes dont il faut parler et des bénéficiaires dont on ne parle jamais.

 

Chacune de ces catastrophes mobilise tout l’appareil marketing des organisations humanitaires : nous sommes invités à donner tour à tour, pour les victimes du tsunami en Thaïlande, du tremblement de terre en Haïti et ce jour, des inondations au Pakistan. Hélas, les fonds parviennent rarement à leurs destinataires. En Haïti, où pas une maison n’a été reconstruite, la Croix Rouge internationale admet qu’elle n’a dépensé sur place que 10% des fonds recueillis auprès du public, « faute de bons projets ». Dans l’attente, les sommes destinées aux Haïtiens payent les salaires du personnel de la croix Rouge, ou sont placées et rapportent à la Croix Rouge (Je sais, j’ai agi de même lorsque je présidais ACF, mais je publiais tous nos comptes en fin d’année, dans la presse).

 

Apres le tsunami qui avait ravagé les cotes de l’Océan indien, il n’a été possible de retrouver la trace que de 50% des fonds recueillis : combien de ce qui a été dépensé sur place a servi à payer les employés des ONG et à engraisser les bureaucrates locaux ?  Ce type d’évaluation n’est jamais mené à terme. Au Pakistan, après le tremblement de terre de 2005, il semble que 100% des fonds humanitaires ont abouti dans les poches des politiciens et fonctionnaires locaux.

 

Cette fois-ci, la solidarité internationale semble en panne : l’expérience précédente est bonne conseillère et l’on se demande à quoi serviraient des fonds pour accéder aux montagnes du Nord Pakistan ? L’armée pakistanaise serait en fait la mieux placée pour intervenir : elle dispose du matériel adéquat. Et l’argent privé au Pakistan ne manque pas : l’aristocratie foncière et industrielle est immensément riche . Que ne manifeste-elle  sa solidarité ? Il est vrai que les riches sont souvent Pendjabi ou Sindhîs et que les victimes appartiennent à d’autres peuples. L' état-major est Pendjabi. Le Pakistan est une fédération de peuples peu solidaires.

 

 Nous, en occident, que devrions nous faire ? Apporter une aide d’Etat symbolique, ce qui est accompli, est juste. Les Etats- Unis qui ne peuvent distinguer leur pacification militaire de leur aide à l’Etat pakistanais, vont aussi intervenir pour des raisons stratégiques autant qu’humanitaires. Les ONG ? En dehors de celles qui peuvent agir directement sur place, comme Médecins sans frontières, elles ne pourront pas accéder aux régions inondées : il n’y a donc aucune raison déterminante de leur envoyer des fonds si elles ne peuvent justifier par avance de leur destination.

 

Deux leçons d’ordre général : les catastrophes naturelles sont d’autant plus dramatiques qu’elles atteignent des zones surpeuplées qui devraient n’être pas peuplées du tout, vallées inondables,  rivages submersibles, zones déboisées, terrains sismiques. La récente inondation au Gansu en Chine a révélé que les barrages qui ont cédé avaient été construits en sable plutôt qu'en béton : la corruption des dirigeants locaux , comme pour le tremblement de terre du Sichuan en 2008, est la cause  véritable du drame. Ces catastrophes ne sont que partiellement naturelles et pour beaucoup la conséquence de comportements humains à risque.

 

Les ONG et autres fonds publics d’aide humanitaire : comment les contraindre à la transparence ? Je m’y étais employé naguère, avec des résultats mitigés. Pour l’Europe, où le Parlement européen et le principal bailleur de fonds aux ONG, les contrôles d’utilisation de ces fonds sont tardifs et insuffisants. Devrait –on créer une Haute autorité humanitaire qui publierait le résultat de ses investigations et mettrait en garde le public contre les escrocs ? Ce serait un début. Il ne nuirait pas non plus que les journalistes soient un peu plus curieux : ils sont trop souvent les ôtages des ONG qui les « promènent ».

Source : l'Hebdo.ch

Publié dans Humanitaires

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