Comment un banquier de Wallstreet a privé les pays européens de leur souveraineté
L’UE d’aujourd’hui a une double histoire. L’une visible, qui se trouve dans la majeure partie des manuels d’histoire, et l’autre, invisible, dont personne ne devrait apprendre l’existence mais qui a commencé bien longtemps avant celle que nous connaissons tous. Jean Monnet a été la charnière entre ces deux versions de l’histoire.
sh/rmh/an. Dans les pays germanophones, c’est grâce à l’ouvrage d’Andreas Bracher, «Europa im amerikanischen Weltsystem. Bruchstücke zu einer ungeschriebenen Geschichte des 20. Jahrunderts» [L’Europe dans le système mondial américain. Morceaux d’une histoire inédite du XXe siècle.] (en allemand, 2001, ISBN 3-907564-50-2) qu’on a pu mettre en question la biographie officielle du soi-disant sacro-saint «père fondateur de l’Europe». Andreas Bracher a posé des questions qui font apparaître sous une autre lumière l’histoire de la construction d’un organisme supranational à la suite de la Seconde Guerre mondiale: ce n’est plus le projet d’une coopération des peuples européens pour assurer la paix, mais le projet d’une hégémonie anglo-américaine avec Jean Monnet comme «inventeur et guide d’institutions pour une coopération supranationale et comme centre d’influences anglo-saxonnes sur le continent.» Car, selon Bracher, l’Europe supranationale de l’après-guerre reposait sur «des initiatives qui souvent étaient financées par de l’argent venant des USA notamment des services secrets de la CIA.» Monnet était «l’outil d’une politique de longue haleine dont un but est apparemment l’état unitaire européen.»
Des travaux de recherches des dernières décennies à l’écart de la pensée unique comme ceux de Carroll Quigley («Katastrophe und Hoffnung. Eine Geschichte der Welt in unserer Zeit» [Tragédie et espérance. Une histoire du monde dans notre temps] en allemand, 2007, ISBN 3-907564-42-1) ou d’Antony Sutton («Wallstreet und der Aufstieg Hitlers» [Wallstreet et l’ascension d’Hitler], en allemand, 2008, ISBN 978-3-907564-69-1) ont montré comment le bloc anglo-américain et ses élites financières ont préparé pendant la première moitié du XXe siècle deux guerres mondiales. Cela correspondait à la réflexion géostratégique des élites dirigeantes anglo-américaines, vieille de plus d’un siècle, d’empêcher coûte que coûte une coopération politique et économique – avec un éventuel noyau formé par l’Allemagne et la Russie – car certains cercles américains et britanniques considéraient une telle coopération comme une menace contre leur position d’hégémonie mondiale.
De toute évidence, ce courant a été maintenu à la suite de la Seconde Guerre mondiale et se retrouve aussi dans les réflexions géostratégiques de Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller à la sécurité du gouvernement américain, que celui-ci a formulé ouvertement en 1997 dans son ouvrage «Le grand échiquier. L’Amérique et le reste du monde.», Hachette 2000, ISBN 978-2-012789-44-9.
A la question qui porte sur le but du projet anglo-américain d’après-guerre pour une Europe unie avec Monnet comme promoteur, Andreas Bracher a apporté une première réponse: «Le scénario de ces années-là suggère qu’un groupe d’hommes a fait avancer la guerre froide pour l’utiliser comme arrière-fond à d’autres projets. De l’exagération du danger soviétique est issue cette situation politico-psychologique dans laquelle les Européens se trouvèrent prêts à se rassembler sous le bouclier des USA pour assurer ainsi l’attachement à l’Ouest de l’Allemagne. Dans ses ‹Mémoires›, Monnet lui-même caractérisa la situation de la façon suivante: ‹Les hommes n’acceptent le changement que sous l’empire de la nécessité.›»
Eu égard à ce rôle de Jean Monnet, il vaut la peine de tenter de répondre à la question: «Qui était Jean Monnet?» La biographie de 1000 pages qu’Eric Roussel a présentée, fournit beaucoup d’informations et nous y obtenons aussi des informations importantes sur les personnes avec lesquelles Jean Monnet coopérait étroitement. («Jean Monnet, 1888 –1979», Fayard 1996, ISBN 978-2-213-03153-8).
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