Courroye nie toute partialité de l'enquête sur Bettencourt
PARIS (Reuters) - Le procureur de Nanterre (Hauts-de-Seine), Philippe Courroye, nie toute partialité de l'enquête visant l'héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt, et le ministre du Travail, Eric Woerth.
Il estime qu'en conséquence il n'y a pas lieu de saisir un juge d'instruction, comme le réclame l'opposition.
Il répond dans le journal Le Monde de mardi aux syndicats de magistrats et au Parti socialiste, qui disent douter de l'honnêteté de sa procédure, en raison des liens fonctionnels entre procureurs et pouvoir politique et du fait des liens personnels du magistrat avec Nicolas Sarkozy.
"L'enquête sera menée comme d'habitude, dans un souci de rigueur procédurale, de respect des droits et pour faire jaillir la vérité. Tous les éléments seront soigneusement vérifiés. Le parquet est guidé par cette seule logique", dit-il.
Les critiques visent notamment le fait que le parquet est statutairement dans l'obligation d'informer de son enquête le ministère de la Justice, ce qui est fait, confirme la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, dans Le Figaro lundi.
Philippe Courroye dit n'avoir aucune arrière-pensée dans cette affaire. "Il ne s'agit pas de protéger quiconque ni de prouver son indépendance. D'ailleurs, un magistrat n'a rien à prouver, sauf la volonté de faire respecter la loi".
Il refuse d'ouvrir une information judiciaire et de confier l'enquête à un juge d'instruction indépendant, qui n'a pas l'obligation de rendre compte et aurait des pouvoirs d'enquête plus importants.
"En l'état, il n'y aucune raison technique, juridique ou procédurale pour ouvrir une information judiciaire. Cette décision relève du parquet et non de commentateurs extérieurs."
Il estime que les critiques contre son enquête n'ont aucun sens. "Voudrait-on dire que lorsque des enquêteurs travaillent sous l'autorité du procureur, ils font du tri sélectif lors des perquisitions, qu'ils sont frappés de surdité et de cécité lors des auditions qu'ils conduisent ?".
Il assure qu'il n'y a eu "aucune instruction et aucune intervention" concernant le classement sans suite de la plainte de la fille de Liliane Bettencourt concernant les dons au photographe François-Marie Banier, origine de l'affaire.
Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse
Le procureur de la République n'est pas une autorité judiciaire en France puisqu'il n'est pas indépendant du pouvoir exécutif, juge la Cour européenne des droits de l'homme. Une décision qui va à l'encontre des volontés de réforme du gouvernement.
Le procureur de la République n'est pas une autorité judiciaire en France puisqu'il n'est pas indépendant du pouvoir exécutif, a jugé lundi 29 mars la Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt Medvedyev, très attendu par les milieux politiques et judiciaires.
Ce jugement est de nature à contrecarrer la volonté du gouvernement français de supprimer le juge d'instruction dont les missions seraient assumées par le parquet, sauf à réformer celui-ci pour lui conférer l'indépendance requise par la Cour.
L'arrêt relatif au Winner, un cargo arraisonné par la Marine française au large des îles Canaries en juin 2002, alors qu'il transportait de la cocaïne, émane de la grande chambre, la formation la plus solennelle de la Cour.
Il confirme un jugement de première instance rendu le 10 juillet 2008 et n'est pas susceptible d'appel.
Les procureurs sont actuellement nommés en conseil des ministres, révocables par le pouvoir. Ils peuvent par ailleurs recevoir des instructions du ministère de la Justice.
Dans son arrêt, la juridiction du Conseil de l'Europe confirme la condamnation de la France pour "détention arbitraire" du capitaine et des marins du Winner.
L'équipage s'était retrouvé en situation de garde à vue à bord durant 13 jours, le temps pour le navire battant pavillon cambodgien de rallier le port de Brest où les onze hommes avaient été présentés à un juge.
La Cour de Strasbourg estime que la détention des marins, supervisée à distance par le seul procureur de la République de Brest, aurait dû être contrôlée par une autorité judiciaire indépendante.
"Ainsi la privation de liberté subie par les requérants (...) n'était pas 'régulière' faute de base légale ayant les qualités requises pour satisfaire au principe général de sécurité juridique", peut-on lire dans l'arrêt.
La suppression du juge d'instruction est contestée par la gauche, les organisations de magistrats et certaines associations de victimes qui craignent notamment qu'elle aboutisse à un étouffement des affaires sensibles par le pouvoir politique.
Proposé en janvier 2009 par Nicolas Sarkozy, ce volet du projet de réforme de la procédure pénale ne doit pas être soumis au parlement avant début 2011.
(Nouvelobs.com avec Reuters)