L'étrange montage qui doit sauver l'euro
Dans quel monde vivons-nous ! Voilà que pour pouvoir aider l’Italie à payer un taux d’intérêt sur sa dette qui ne l’étrangle pas complètement, l’Europe imagine un montage digne des subprime.
Pour soutenir l’Italie efficacement, le Fonds européen de stabilité financière, le FESF, doit doper sa force de frappe. Il pourrait pour cela s’appuyer sur la Banque centrale européenne. Mais les Allemands refusent cette idée, qui nuirait à l’indépendance de la BCE ou pourrait la conduire, un jour, à faire tourner la planche à billets. Le patron allemand du FESF a donc imaginé un autre montage. Il se veut plus orthodoxe, conforme aux traités européens et à la nécessité de préserver la stabilité des prix dans la zone euro. En réalité, il paraît plutôt baroque.
L’idée est de créer un Special Purpose Vehicle (1). Qu’est ce que c’est ? C’est un véhicule financier ad hoc, bien connu des banquiers qui regroupaient les crédits immobiliers consentis aux ménages américains insolvables, les fameux subprime, pour les revendre à des investisseurs naïfs.
Avec un Special Purpose Vehicle, on peut regrouper des actifs jugés risqués et répartir différemment les risques selon les investisseurs que l’on veut séduire, en l'occurence des investisseurs privés ou des fonds souverains - qui gèrent l’argent de grands Etats pétroliers (Norvège) ou excédentaires en devises (Chine). Le capital du FESF servirait à minimiser ou garantir les risques. Le montage s'inspirerait d'un mécanisme déjà utilisé par le FMI pour financer les pays les plus pauvres.
C’est Klaus Regling, le patron du FESF, qui est la manœuvre pour finaliser ce montage. Cet ancien fonctionnaire du Trésor allemand n’a pas froid aux yeux. Il connaît le monde de la finance. Il a travaillé quelques années pour le célèbre hedge fund (fonds spéculatif) Moore Capital, avant de rejoindre la Commission européenne.
Il est lui-même conseillé par Paul Achtleiner, le patron de la grande - et très respectée- compagnie d'assurance allemande. Avant d'être assureur, Paul Achtleiner a été pendant une dizaine d'années banquier d'affaires chez Goldman Sachs, dont il a notamment dirigé les opérations à Francfort.
Le montage est sans doute astucieux et permet de faire revenir en Europe de l'épargne qui en serait partie. il permet aussi de faire financer par des non Européens la solidarité européenne. Dommage que de tels subterfuges financiers dignes des subprimes soit nécessaires pour sauver l’euro ? Comment les hommes politiques vont-ils « vendre » ce montage aux citoyens ? N’y a –t-il vraiment pas une solution plus claire, plus politique, plus engageante ?
S.F.
(1) le FESF lui-même a été créé avec le statut de Special purpose vehicle, en attendant la mise sur pied du Mécanisme européen de stabilité, qui doit prendre le relais à partir de mi 2013.
Lire aussi :