L'Ukraine dans les griffes du FMI

Publié le par sceptix


Le FMI au secours de l’Ukraine

Le ministre ukrainien de l'Energie Yuri Prodan, a déclaré mercredi que la compagnie nationale Naftogaz paiera 892 millions de dollars US pour le gaz russe consommé en décembre dans le temps qui lui est imparti, c'est à dire avant le 11 janvier. Cependant, au même moment, le président Viktor Iouchtchenko a affirmé que Naftogaz n'en avait pas les moyens. Il s'en est remis à Vladimir Stelmakh, directeur de la Banque nationale, pour résoudre le problème. En fait, la clé du déblocage de ce différend commercial vient encore de Washington.

Pour la nouvelle année, le FMI a fait une fleur au gouvernement ukrainien en permettant à sa Banque nationale de débloquer 2 milliards de dollars US de ses réserves de devises étrangères pour payer les livraisons de gaz russe. Cela devrait soulager Budapest et Bratislava, qui recevront leur gaz de Russie comme prévu et sans fuites sur le territoire ukrainien pour cette fois. Mais, au vu des 5 dernières années, l'obscur conflit gazier avec la Russie discrédite l'Ukraine en tant que zone de transit énergétique privilégiée et aggrave de plus en plus sa réputation commerciale déja bien entamée.

Finie la gourmandise

L'Ukraine, qui transite 80% du gaz russe vers l'Europe, a reçu un total de 27 milliards de mètres cube en 2009, comparativement à une moyenne de 55 milliards de mètres cubes dans les années précédant la crise. Le mois dernier, l'Ukraine s'est mis d'accord avec Gazprom pour réduire encore ses approvisionnements de gaz naturel à seulement 7 milliards de mètres cubes pour le premier trimestre de 2010. Le contrat prévoyait 8,75 milliards de mètres cubes à l'origine. Kiev, qui payait 20% de moins que les consommateurs de gaz russe en Europe jusqu'à maintenant, devra payer effectivement le prix moyen européen à partir du 1er janvier.

L'Ukraine en pleine crise politique...

La plupart des commentateurs s'attendent à ce qu'il n'y ait aucun vainqueur au premier tour des présidentielles le 17 janvier prochain. Ils prévoient donc un second tour de scrutin le 7 février entre Viktor Ianoukovitch et Ioulia Tymochenko, à l'issue duquel un gouvernement d'unité nationale solide serait providentiel pour tout le monde, y compris pour le Kremlin.  Depuis la dernière élection qui a vu la "révolution" orange mettre Iouchtchenko au pouvoir, l'ex-Etat soviétique est particulièrement vulnérable à une réputation qui inspire de moins en moins les investisseurs internationaux. Le climat hostile généralisé dans la vie politique en Ukraine reflète la division de longue date du pays entre l'ouest nationaliste, qui salive devant l'UE et les États-Unis, et les russophones à l'est et au sud, qui restent respectueux à l'égard de Moscou. Les pics lancés par le président contre son ancien alliée Ioulia Tymoshenko ont largement divisé le camp "orange" et ont enlisé les gouvernements successifs dans un blocage de la gestion de la crise économique.

...monétaire...

Actuellement, la crise politique retarde l'aide du FMI de 16,4 milliards de dollars US. En 2 ans, l'Ukraine est tombée dans une profonde récession, marquée par le plongeon de ses exportations d'acier, qui a entrîné l'affaiblissement de la monnaie, qui, à son tour, a lourdement déstabilisé le secteur bancaire.

En 2009, malgré l'aide du FMI, l'économie ukrainienne s'est contractée de près de 15%. La monnaie hryvnia a amorcé sa chute au deuxième semestre 2008, et la crise a provoqué une perte de plus de 60% de sa valeur par rapport au dollar US. L'import-export du pays en a été profondément affecté. Dès lors, le hrvynia a été renforcé jusqu'à 8,0 pour un dollar US, après avoir effectué sa chute historique à près de 10,0 pour un dollar US en décembre 2008. Lorsque le hryvnia était dans sa meilleure forme par rapport au dollar US, il pointait à 4,5. La faiblesse de la monnaie a bien entendu aggravé les difficultés qu'avaient déja les Ukrainiens à rembourser une dette contractée en dollars. Le secteur bancaire a logiquement implosé. Depuis octobre 2008, la Banque nationale a dû puiser dans ses réserves et dans les fonds du FMI pour intervenir au quotidien sur le marché des devises étrangères, afin de soutenir le hryvnia.

... et financière

L'Ukraine a reçu plus de 10 milliards de dollars du FMI depuis novembre 2008. Le prêt a été accordé à la condition d'adopter une grande prudence budgétaire, de recapitaliser les banques et d'instaurer un mécanisme de taux de change libéral. Manifestement, aucune de ces conditions n'a été remplie par l'Ukraine. Au contraire,l'échéance du budget a même été repoussée à après les élections de ce mois-ci. En attendant l'issue des élections, le FMI a décidé de suspendre son programme d'aide et bloque une tranche de 3,8 milliards de dollars US. Pour compenser et trouver une issue à la crise gazière, le FMI vient de faire la bonne surprise à l'Ukraine de permettre à sa Banque centrale de débloquer 2 milliards USD de ses réserves de devises étrangères. L'Ukraine peut alors s'acquiter de ses créances  immédiates, en particulier celle de décembre envers Gazprom.

Les réserves de change ukrainiennes atteignaient leur niveau record en été 2008 (38 milliards USD). Début 2009, elles s'élevaient à 32 milliards USD, et continuaient leur chute encore en novembre dernier à hauteur de 27 milliards USD.

Les importations ukrainiennes ayant dégringolé en raison d'une demande intérieure affaiblie, et les exportations devenues plus séduisantes par la dévaluation du hryvnia, on peut espérer que les conditions d'un équilibre commercial, soutenu par une stabilité politique dès février, apparaissent prochainement. Mais, en aucun cas ces conditions arrangeront la dette extérieure de l'Ukraine, que la banque nationale estime à 20 milliards USD en 2010, dont 18 proviennent de la dette commerciale. Le gouvernement a affirmé qu'il avait réglé toutes ses dettes pour 2009, intérieures et extérieures, dans les temps et dans leur intégralité. Tout au long de l'année, les investisseurs étaient rongés par la crainte d'un défaut de paiement. Pour 2010, souhaitons aux Ukrainiens un président plus compétent et plus rassembleur pour élaborer une politique budgétaire claire et efficace, et soigner la réputation commerciale du pays.

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