La bulle Dubaï World

Publié le par sceptix

Dubai, royaume de l'extravagance. Photo Reuters.

Je n'ai jamais eu la chance de me rendre à Dubaï, cette ville-État qui fait partie des Émirats arabes unis. Mais les quelques personnes que je connais qui ont eu l'occasion de la visiter en revenaient toujours avec le même commentaire : c'est le royaume de l'extravagance.



Des dizaines de gratte-ciel en construction dont celui qui devrait être le plus haut du monde lorsque terminé, des pistes de ski sous un dôme en plein désert, un développement immobilier sur des îles artificielles reproduisant la forme de palmiers, etc.

On avait l'impression que rien ne pouvait arrêter ce petit émirat à la grande ambition : celle de devenir la capitale financière et touristique du monde arabe.


Pourtant, c'est bien beau, être riche et faire des extravagances de riches, on finit toujours par frapper un mur lorsqu'on tombe dans les excès. Inévitablement, la bête réalité économique finit par nous rattraper. Toute bulle va éventuellement éclater.

C'est ce qui vient d'arriver à Dubaï. Une société d'État, Dubai World, a demandé la semaine dernière à ses créanciers de rééchelonner sa dette de 59 milliards de dollars US. En fait, l'entreprise ne peut rembourser quelque 3,5 G$ US d'obligations qui viennent à échéance à la mi-décembre. Elle souhaite reporter le tout dans six mois.

Actionnaire du Cirque du Soleil

Dubai World est un immense conglomérat qui a surtout investi dans l'immobilier. À Dubaï mais aussi à travers le monde. C'est une de ses filiales, Nakheel, qui est le promoteur du développement immobilier en forme de palmiers, dans le golfe Persique. Plus près de nous, c'est cette même Dubai World qui a acheté 20 % des actions du Cirque du Soleil des mains de Guy Laliberté.

Mais Dubai World n'a pas échappé, comme les autres, à la crise. Ayant d'importants investissements dans l'immobilier, mais aussi dans l'aviation, les assurances, les installations portuaires, la compagnie a été frappée de diverses manières par la récession.

Surtout dans le secteur immobilier, Dubai World a dû faire face à une baisse de valeur importante de ses propriétés, tandis que les locataires ne se bousculaient pas aux portes. Difficile de rembourser ses dettes quand les loyers ne rentrent pas ou que les immeubles qu'on possède valent moins que ce qu'on doit aux banques qui ont financé les hypothèques.

Le problème avec l'affaire Dubai World, ce n'est pas tant l'ampleur de sa dette que le fait que de nombreux créanciers viennent d'apprendre que le gouvernement de l'Émirat ne garantira pas les emprunts de sa société d'État. En effet, dans les prospectus qui accompagnaient les émissions d'obligations de Dubai World, il n'y avait aucune assurance formelle que le gouvernement s'en porterait garant, contrairement à l'impression que plusieurs créanciers pouvaient avoir. Méchant réveil !

Pour le moment, il semble que ce soient surtout des banques britanniques, européennes de manière générale, qui soient le plus exposées. Dubai World a entamé des pourparlers avec ses créanciers.

Le fait que le pays voisin, Abu Dhabi, où se trouve la banque centrale des Émirats arabes unis, se soit, de son côté, porté garant des institutions financières sur son territoire a aussi contribué un peu à calmer le jeu sur les marchés boursiers. Après la chute de la semaine dernière, les Bourses étaient un peu plus stables lundi.

Si l'effet de contagion paraît somme toute limité, l'affaire Dubai World soulève néanmoins des inquiétudes pour l'avenir. En effet, plusieurs pays se sont lourdement endettés pour sortir de la crise financière de 2008. Il faudra bien un jour rembourser cette dette.

Le pétrole

Dubaï, précisons-le, n'est pas riche en raison de ses propriétés pétrolières. Ce sont ses voisins des Émirats, importants producteurs, qui le sont. Dubaï en profitait indirectement.

Mais si un gouvernement riche décide de ne pas honorer la dette d'une société qu'il contrôle, plusieurs se demandent maintenant si on ne pourrait pas trouver d'autres problèmes du même type ailleurs.

Il est déjà arrivé que des pays fassent défaut d'honorer leurs engagements. La Russie en 1998 et l'Argentine au début des années 2000. Cela leur a pris des années à s'en remettre.

Mais avec la crise financière de l'an dernier, la liste des pays considérablement endettés s'est allongée. Certains ont la capacité fiscale requise pour y faire face, d'autres, beaucoup moins. Un redémarrage lent de l'économie mondiale pourrait envenimer les choses.

Certains se demandent même si Dubai World n'est pas l'équivalent d'un Bear Stearns, ce courtier américain dont la faillite au printemps 2008 était un présage de la crise qui s'en venait. C'est sans doute excessif, mais ne prenons pas de chances : souhaitons-nous que ce ne soit pas le cas
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