La Route vers le Nouveau Désordre Mondial

Après la critique extrêmement élogieuse du livre de Peter Dale Scott écrite par le général d'armée aérienne Bernard Norlain, à lire ci-dessous (parue dans le numéro 738, du mois de mars 2011 de la revue Défense Nationale), voici une recension encore plus enthousiaste parue dans la revue trimestrielle Afrique Contemporaine (#236), éditée par l'Agence Française du Développement, sous la plume de M. Jean-Loup Feltz.
Critique du livre dans Afrique Contemporaine
« Tant que vous n’aurez pas lu ce livre, votre persistante naïveté vous empêchera de comprendre comment évolue le monde. À travers un fourmillement continu de documents, de points d’appui historiques, d’illustrations et de messages assénés avec une vigueur répétitive, ce très brillant ouvrage de référence achève de nous convaincre que le destin du monde n’est pas façonné par la démocratie mais par l’ambition des dominants. Banal ? Non, car de révélations en découvertes, Peter Dale Scott nous tient par la main pour nous faire prendre conscience de la profondeur secrète des fourrés qui constituent la jungle du « nouveau désordre mondial » engendré depuis 1945 par une politique américaine fondée sur une paranoïa bijective de protection et d’impérialisme. Et on tombe à chaque page de Charybde en Scylla face à cette analyse ciselée du mélange irrésolu de la raison du meilleur avec celle du plus fort.
Idée principale : le monde d’aujourd’hui avec sa dominance néolibérale, ses rapports de force ethniques et religieux, sa prégnance militaro-industrielle et financière est l’œuvre à moitié consciente du « supramonde » américain, c’est-à-dire de la partie cachée (hors démocratie) des décideurs « états-uniens » depuis plus d’un demi-siècle. Le pointilleux démontage du complexe mécano de la vraie puissance américaine est en soi un hymne au fabuleux travail réalisé par Peter Dale Scott que l’on suit en toute confiance dans un dédale géopolitique qui rend lumineuse l’histoire récente du monde entier. Récupérant les débris de la Deuxième Guerre mondiale, palliant la relative incapacité de l’ONU, agissant comme un rigoureux autocrate jaloux de son autorité sur le monde, l’« État secret » américain gère la fin du XXe siècle comme un jeu d’échecs, mêlant manipulations, calculs, alliances opportunistes et procès d’intention pour tenter de maîtriser l’expansion de systèmes socio-économiques « non conformes ». Des guerres de Corée et du Vietnam en passant par l’Indonésie, le Guatemala ou l’Iran, l’appareil « états-unien », nanti de ses pouvoirs secrets et de sa philanthropie libérale, accentue notamment dans la décennie 1980 les inégalités intérieures au profit du « unpourcentile » qui s’auto-rétribue.
Quelle motivation réelle a poussé cet auteur à un tel réquisitoire contre sa propre histoire nationale ? La vengeance ? La déception ? Non, et c’est ce qui rend passionnante la lecture de ce livre : c’est la simple recherche de la vérité et d’une transparence dont est incapable de rendre compte la démocratie unitaire la plus emblématique du monde.
Le lecteur est ainsi interpellé en permanence par les questions subliminales instillées au fil des pages : qui mène le monde ? Au nom de quel idéal ? Vers une fin indiscernable semblant pourtant justifier tous les moyens ? La démocratie peut-elle s’accommoder de la dominance sans partage de l’État qui la pratique ? Où est l’intérêt général de l’humanité cher à Montesquieu ? Plus pragmatiquement, le 11 septembre 2001, identifié par l’auteur comme un simple avatar (souhaité ?) du processus impérialiste, n’en est pas moins une sérieuse alerte à l’adresse des dirigeants américains sur le choix à faire entre « paix » ou « conflits » comme outil de gestion du monde d’aujourd’hui. Mais Peter Dale Scott semble craindre que le pouvoir du « supramonde », déjà hors de contrôle, ne s’emballe encore plus face à cette alternative : la profonde division, non encore assumée, de la société civile américaine post-sécessionniste favorise en effet l’accroissement exponentiel du pouvoir caché des « faucons » et des « factions ».
Dans ce tableau plutôt pessimiste de la marche du monde, Peter Dale Scott voit trois succès récents qui donnent espoir en l’avenir (le succès de Solidarnosc en Pologne, la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, la montée des droits civiques dans le sud des États-Unis) et « nous envoient un message concret : l’oppression tyrannique, aussi invincible qu’elle paraisse, est vulnérable à la résistance non violente organisée sur une base sociale assez large ».
Impossible à lire d’un seul trait, ce livre oblige le lecteur, abasourdi mais soudain intelligent, à prendre conscience de la mutation géopolitique en cours et à se demander comment agir face au combat de titans qui se dessine aujourd’hui entre les États-Unis et la Chine… sans l’Europe. Le modèle américain officiellement pétri de liberté et de bien-être a aujourd’hui une opportunité sans précédent de réviser ses excès et ses déviances qu’une absence multi-décennale de contestation a engendrés. Les offensives d’une Chine voulant montrer que développement et démocratie ne vont pas forcément de pair vont contribuer à redéfinir les contours des civilisations en lice, sachant que Peter Dale Scott appelle de ses vœux un sursaut intérieur des « États-uniens de tous bords pour s’unir afin de défendre la sphère publique de la République contre les impopulaires et indéfendables abus de l’État profond, d’un État militarisé ».
Au-delà de l’excitation intellectuelle irrépressible procurée par ce livre, la conscience d’une maîtrise totalement incertaine de la globalisation militaro-économique en cours nous rappelle l’humble lucidité de Paul Valéry: « L’Homme sait toujours ce qu’il fait mais jamais ce que fait ce qu’il fait. » Un fondement du développement durable… ».
- Jean-Loup Feltz, Conseiller à la direction générale de l’Agence Française du Développement,
dans le numéro 236 de la revue Afrique Contemporaine.
Retrouvez la recension complète ici, (accès payant, 5 EUR, pour les 9 livres recensés dans ce numéro).
Critique du livre par le général Bernard Norlain
parue dans le numéro 738, du mois de mars 2011 de la revue Défense Nationale).
« Voilà un livre passionnant, décapant, on pourrait dire terrifiant en ce qu’il dévoile au lecteur, pourtant averti, les dérives et les pratiques mafieuses d’une démocratie emblématique, miroir de nos sociétés.
La thèse de l’auteur est, en gros, que la perte progressive de contrôle sur les décisions politiques majeures aux États-Unis a fait que le pouvoir a été confisqué de façon occulte, non démocratique, par des groupes de pression et que cette situation a totalement perverti le système politique américain et a notamment conduit au drame du 11 septembre 2001.
L’immense mérite de cet ouvrage est de s’appuyer sur un appareil de notes et de références, une bibliographie — près de 150 pages au total — très complètes et variées qui viennent étayer pas à pas la démonstration de l’auteur.
Partant d’une réflexion sur les États-Unis où les inégalités sociales, la faiblesse de la société civile au niveau fédéral, la puissance des intérêts particuliers, l’auteur, qui n’est pas particulièrement un néo-conservateur, mais plutôt un libéral, tendance gauche, dresse un tableau saisissant de ce qu’il appelle l’État profond. Il décompose le processus historique où les pouvoirs secrets verticaux se sont emparés de la conduite de l’action publique, et où la prise de décision politique à huis clos accorde la priorité à la sécurité et à la préservation d’intérêts privés particulièrement ceux des exportateurs d’armements et des firmes pétrolières.
Son analyse est particulièrement pertinente et convaincante dans sa description de la politique du trio Nixon-Kissinger-Rockefeller, censée contrer les progressistes et qui a conduit à renforcer les mouvements réactionnaires islamistes, mais aussi à soutenir les intérêts des pétroliers. Il met en évidence le rôle de Nixon ou plutôt sa paranoïa dans la dégradation du processus bureaucratique et démocratique de mise en œuvre de la politique et dans l’amplification du pouvoir secret. En passant il faut noter une analyse intéressante du Watergate.
À ce stade apparaît le couple diabolique, aux yeux de l’auteur, Cheney-Rumsfeld et son implication dans la planification du projet ultrasecret de Continuité du Gouvernement (COG) qui cacherait, selon l’auteur, un programme de prise de pouvoir illégal et dont il traite longuement à propos du déroulement des événements du 11-Septembre pour expliquer certaines incohérences dans la version officielle.
Il continue sa démonstration avec Ford-Rumsfeld-Cheney, le virage vers le conservatisme et le début de l’envol des budgets de défense. On parle de la BCCI. Puis l’ère Carter-Brzezinski et l’Irangate. Enfin Reagan, Bush et le triomphe des neocons et du couple Cheney-Rumsfeld. Comment ils ont préparé le renversement de Saddam Hussein et comment ils doivent être considérés comme suspects dans le procès des responsables du 11-Septembre.
En conclusion, ce livre démêle les intrigues et l’écheveau d’imbrications et de liens, souvent occultes, entre tous les acteurs de ce théâtre d’ombres. On y parle beaucoup de la CIA, en particulier de la collusion historique entre la CIA et l’ISI pour le soutien à l’islamisme dur et aux trafiquants de drogue. Il décrit le long cheminement vers le 11/9. Plus largement ce livre critique le projet américain de domination mondiale, s’appuyant sur une machine de guerre hors de contrôle et dont la recherche d’ordre et de sécurité produit un désordre et une insécurité accrue. Il s’agit de comprendre comment nous sommes arrivés au désastre du nouveau désordre mondial.
Vous l’aurez compris ce livre est passionnant, particulièrement en ces temps de Wikileaks. Mais le lecteur armé de son sens critique ne manquera pas de relever le caractère partisan de cet ouvrage ; ce qui fait son charme, mais ce qui peut gêner surtout quand la thèse du complot émerge ici ou là.
À ces restrictions près, cet ouvrage étonne par son originalité et sa puissance d’analyse. Il devrait être un ouvrage de référence pour tous les défenseurs de l’État de droit et pour tous ceux qui s’intéressent à l’avenir de nos démocraties. »
- Général Bernard Norlain, directeur de la revue Défense Nationale.
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Il est à noter qu'un autre général de l'armée française a recommandé la lecture de l'ouvrage du professeur et ancien diplomate Peter Dale Scott, en la personne du général Alain Lamballe, dans le numéro 44 de la lettre confidentielle Les Milieux des Empires (avril 2011).
Peter Dale Scott dans Diplomatie Magazine
La rédaction de Diplomatie Magazine interviewe longuement M. Peter Dale Scott, dans un hors-série spécial intitulé: “Géopolitique des États-Unis, La fin de l’Empire américain ?” des Grands Dossiers de Diplomatie (numéro 3 de juin-juillet 2011).
Nous mettons maintenant en ligne cet entretien puisque le magazine n'est désormais plus disponible en kiosques...
Diplomatie Magazine s'inspire du titre du livre de M. Peter Dale Scott, pour la couverture de son numéro 51 (de juillet-août 2011), et publie un long article de l'auteur, dont voici un extrait, en ligne.
- L'article « Le véritable Grand Échiquier et les profiteurs de guerre », dans sa version complète, en PDF.
NOUVEAU !
Retrouvez ici les articles de Peter Dale Scott disponibles en français. Ces articles traitent de sujets de géopolitique, très actuels, et selon une perspective historique qui offre un recul nécessaire à leur meilleure compréhension. (Beaucoup d'autres articles sont disponibles sur le Net aux lecteurs anglophones).
Nous les mettrons en ligne sur cette page, par ordre chronologique, au fur et à mesure de leur parution... (Cliquez sur les titres pour accéder aux articles).
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à suivre...
La Route vers le Nouveau Désordre Mondial : €22.00
http://www.editionsdemilune.com/la-route-vers-le-nouveau-desordre-mondial-p-36.html#Recensions