Le libéralisme économique a-t-il enfanté Hitler?

Le « Général Social ».
Berlin, 15 décembre 1932. Alors que l'hiver est déjà bien avancé, la jeune démocratie allemande née à Weimar 13 ans plus tôt, vacille. Certes la République, soudainement apparue après la défaite, a surmonté bien des difficultés. N'a t-elle pas su renverser l'Empereur Guillaume II, héritier d'une famille qui régnait depuis plus de deux siècles sur la Prusse? N'a-t-elle pas su écarter la Révolution communiste, en écrasant dans le sang ceux qui prétendaient lui substituer l'avant-garde prolétarienne qui, ayant pris le pouvoir à Moscou, appelait à présent à la Révolution mondiale? N'avait-elle pas réussi à stabiliser le mark, qui en 23, avait atteint, à comparer de celui de 1913, une inflation de 15 437 000 000 000%? Enfin le ralliement de la droite à cette Révolution sociale démocrate, symbolisée par le loyalisme du militaire le plus réputé du pays, le chef d'Etat-Major de la Grande Guerre, le vainqueur des Russes à Tannenberg, le Maréchal Von Hindenburg, élu Président en 1925, n'était-il pas le signe d'un prestige nouveau, à l'intérieur, comme à l'étranger, pour un régime qui en manquait tant jusqu'alors?
Mais en 32, la situation se dégrade considérablement. L'Allemagne est plongée en pleine crise économique. Son PIB chute une nouvelle fois de 7%, ses exportations de 31%, son taux de chômage passe de 13% à 17%. Sur 18 millions de salariés, 6 millions sont au chômage complet, 8 millions en chômage partiel. Les caisses d'allocations chômage, taillées à la serpe par les politiques de la sainte rigueur, n'indemnisent que 1,8 millions de personnes. Les autres, livrés à eux-mêmes, luttent pour manger à leur faim, l'agriculture, organisée par les grandes propriétés des Junkers, étant entrée en crise, comme l'artisanat le commerce, les services et l'industrie. D'autre part les capitaux étrangers ont fui l'Allemagne, entraînant en partie la faillite d'un système bancaire réorganisé et partiellement nationalisé.
Cette situation a favorisé l'émergence des partis extrémistes. Le NSDAP d'Adolf Hitler, bien qu'en pleine crise interne en cette fin d'année et en forte perte de vitesse, reste le premier parti du pays et possède 196 sièges au Reichstag, c'est-à-dire le tiers du Parlement allemand. Le parti social-démocrate (SPD) en détient 121, le parti communiste (KPD),en pleine progression,100 et les chrétiens démocrate (Zentrum) 70. Ces résultats ont rendu toute majorité à l'Assemblée impossible, et après d'incessantes dissolutions, les chanceliers, nommés finalement par le Président Hindenburg, gouvernent désormais sans soutien parlementaire, sur la base de l'article 48 de la Constitution.
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