Le Vatican est-il toujours un paradis fiscal pour mafieux ?

Publié le par sceptix



Des boules de neige dans un magasin de souvenirs au Vatican (gruntzooki/Flickr)

IOR : l'acronyme de l'Institut pour les œuvres de religion refait surface, 27 ans après le premier scandale du Banco Ambrosiano impliquant la banque du Vatican. La police financière italienne est sur les dents pour savoir si cet établissement continue de blanchir l'argent de la mafia.

Les fidèles catholiques pouvaient penser que la Curie avait mis un peu d'ordre dans les tuyaux financiers du Saint-Siège. L'annonce d'une nouvelle enquête menée par la Guardia di Finanzia permet d'en douter. La police financière cherche à savoir pourquoi 180 millions d'euros ont transité sur un compte d'une succursale de la Banca di Roma, rachetée par Unicredit, sans que leur origine ne soit identifiée.

En clair, les magistrats romains soupçonnent des opérations de blanchiment. Faux, rétorquent les responsables de l'IOR, parlant dans le Figaro de « un ou plusieurs chèques signés probablement par un prélat ». Problème : ni l'agence bancaire, située tout près du Vatican, ni la banque centrale italienne ne sont en mesure de fournir les précisions demandées.

Une banque dans la banque

Dans un ouvrage paru en mai dernier en Italie (pas encore traduit en Français), « Vatican SpA3 », le journaliste Gianluigi Nuzzi décortique le système créé par les dirigeants de l'IOR dans les années 80, pour assurer l'opacité du fonctionnement de l'établissement. Nuzzi a eu accès aux archives personnelles de Mgr Renato Dardozzi (4000 documents), chancelier de l'Académie pontificale des Sciences, qui fut chargé d'un audit interne sur la banque.

Le principe est simplissime. Monseigneur Donato de Bonis, ancien secrétaire de Mgr Paul Marcinkus (patron américain de l'IOR) et à l'époque numéro 2 de la banque, met en place une sorte de banque parallèle, où il gère 17 comptes principaux sur lesquels vont passer plus de 300 millions d'euros entre 1989 et 1993. Ces comptes numérotés sont au nom de fondations bidons (fondation pour les enfants pauvres, lutte contre la leucémie…) et actifs sur la signature de leurs bénéficiaires.

A l'IOR, il n'existe pas de chéquier. Toutes les transactions se font en liquide, en lingots d'or ou par virement. Nul n'a accès aux livres de compte de la banque, pas même les magistrats de Mani Pulite qui se heurtent à l'opacité entretenue par le Saint-Siège. En somme, le Vatican est l'un des paradis fiscaux les plus efficaces au monde.

Une liste de clients prestigieux et… engagés

Pour ceux qui auraient des doutes sur la qualité des services financiers de l'IOR, la liste de ses meilleurs clients est éloquente :

En fait, l'IOR a longtemps joué le rôle de paravent pour des opérations de la CIA qui, pendant la Guerre froide, finançait les forces anti-communistes de l'autre côté du rideau de fer. Les « affaires » ont surgi au début des années 80, lorsque deux clans se sont opposés :

  • d'un côté, une poignée d'homme affiliés à la franc-maçonnerie et à la mafia : Michele Sindona, nommé conseiller financier de l'IOR en 1968 et Roberto Calvi, patron de la Banco Ambrosiano, tout deux membres de la loge Propaganda Due (P2). Calvi finira pendu à un pont de Londres…
  • de l'autre, un groupe de prélats proches de l'Opus Déi qui décident d'accepter ces clients douteux, pourvus que les profits de l'établissements aillent, comme le prévoit ses statuts, aux oeuvres religieuses nécessiteuses.

Aujourd'hui, les responsables de l'IOR s'appuient sur un conseil de cinq cardinaux pour contrôler l'activité de la banque. Ils pourront toujours méditer le bon mot de Mgr Paul Marcinkus, qui avait coutume de dire :

« Est-il possible de vivre dans ce monde sans se soucier d'argent ? Il n'est pas possible de diriger l'Eglise avec des “ Ave Maria ”. »

Photo : des boules de neige dans un magasin de souvenirs au Vatican (gruntzooki/Flickr)

Eco89

 

Vatican SA  http://photos3.meetupstatic.com/photos/event/a/e/a/3/highres_9044707.jpeg
Publié le 01 juin 2009 par Jean-Marie Le Ray
En Italie vient d'être publié un livre intitulé Vaticano SpA, où SpA signifie Società per Azioni, qui est la forme statutaire équivalente de la SA, la Société anonyme en France.

Ce livre, écrit par un journaliste, Gianluigi Nuzzi, se base sur les archives gardées secrètes de Monseigneur Renato Dardozzi, soit environ 4 000 documents collectés sur un quart de siècle, tous plus confidentiels les uns que les autres (relevés de compte, fiches d'ouverture de comptes chiffrés avec les signatures déposées, correspondance réservée avec le pape Jean-Paul II et les plus hauts dignitaires de l'époque, de 1974 à la fin des années 90), qu'il a voulu rendre publics après sa mort, "pour que tout le monde puisse savoir ce qui s'est passé", selon ses dispositions testamentaires.

C'est ainsi que l'on découvre, de chapitre en chapitre, les innombrables méfaits de son Excellence Révérendissime Monseigneur Donato De Bonis,
http://2.bp.blogspot.com/_8wjojx9V5P8/SmxeNPy_gcI/AAAAAAAAAbI/z6QH_z-mjOU/s400/de+bonis.jpgChapelain Grand Croix Conventuel ‘ad honorem’, Prélat de l’Ordre de Malte, décédé le 23 avril 2001, qui a fait ce qu'il a voulu au sein de la Banque du Vatican, l’IOR (l’Institut des Œuvres de Religion), en réussissant pratiquement à créer un IOR parallèle, une banque dans la banque, grâce à laquelle il a pu "gérer", de 1989 à 1993, 17 comptes principaux sur lesquels ont transité presque 300 millions d'euros...

Où l'on comprend que les enseignements de Marcinkus, dont il était le second, n'ont pas été vains, puisqu'il a pu ainsi créer un véritable "paradis fiscal", c'est le cas de dire !

Je peux pas vous raconter dans le détail toutes les opérations (il faudrait traduire le livre dans son intégralité), mais juste vous donner une idée...

La principale activité de De Bonis a constitué à mettre en place un réseau de comptes clandestins, la plupart au nom de fondations charitables inexistantes, dont la principale, intitulée à une soit-disant Fondation Cardinal Francis Spellman, n'était qu'un compte chiffré (n° 001-3-14774-C) avec deux signatures : celle de De Bonis et celle de Giulio Andreotti. De Bonis indiquant dans ses dispositions testamentaires qu'à sa mort le solde du compte devait être mis à la disposition de Giulio Andreotti ...
http://www.denistouret.net/constit/andreotti.jpg"pour des œuvres de charité et de bienfaisance, à sa discrétion", il va de soi.

C'est ainsi que sur ce compte et d'autres, établis par Carlo Sama, Sergio Cusani et Luigi Bisignani, a transité la presque totalité du plus gros pot-de-vin de tous les temps, la "maxitangente Enimont", surnommée la "madre di tutte le tangenti", ou "mère de toutes les malversations", soit un peu plus de 90 milliards de lires sur un total de 130, près de 0,5 milliard de FF de l'époque...

Dont la plupart ont fini leur course dans les poches de Bettino Craxi, Claudio Martelli, Arnaldo Forlani, Paolo Cirino Pomicino, etc.

Entre parenthèses, à noter que ce dernier,
http://www.europarl.europa.eu/mepphoto/28978.jpgqui fête ses 70 ans cette année, est encore en vogue puisque, après avoir subi une condamnation définitive, il est présent sur les listes européennes de Berlusconi pour le vote de la semaine prochaine, aux cotés de Mastella ! Autant dire entre gens de bonne compagnie...

Et comme quoi en Italie on ne recycle pas que l'argent des pots-de-vin et de la mafia :-)

Je vous passe le détail des différents mouvements, mais j'ai été intrigué par les deux seules opérations que mentionne le livre où les terminaux sont des banques françaises :
  1. un demi milliard de lires arrivent le 19 novembre 1990 de la banque Indosuez, référence "cop.ns.tlx dir. dd 6.11.91 Ad Meliora"
  2. un virement d'un million de FF destiné à Eva Sereny, sur le compte n° 751032-C ouvert par le IOR dans une agence du Crédit Lyonnais (rue du 4 septembre)
En précisant que sur le document correspondant, Monseigneur Dardozzi avait indiqué "P. Giulio", qui correspond au nom de baptême d'Andreotti.

N'ayant jamais entendu parler d'Eva Sereny
avant aujourd'hui, j'ai fait quelques recherches sur Internet : photographe britannique très connue dès les années 70, ayant vécu à Rome, où elle a photographié Romy Schneider, notamment, elle a porté à l'écran un roman de Philippe Labro, L'étudiant étranger, adaptation cinématographique distribuée par Pathé et coproduite en 1994 par Silvio Berlusconi, Tarak Ben Ammar et Peter Hoffman.

Je n'ai pas d'autres renseignements. Mystère, mystère.

Le livre se termine sur un chapitre dédié au recyclage de l'argent de la mafia, quelques pages qui feraient une excellente introduction à une histoire ... encore à écrire !
Pour celles et ceux qui comprennent l'italien



 

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