Les agences de notation : responsables ou victimes de la crise ?

Publié le par sceptix



 Le 02/04/2010 à 12h15 par david galland


Depuis peu, les hommes politiques et l’opinion publique prennent un malin plaisir à « taper » sur les agences de notation ! Mais est-ce vraiment justifié ? Ne sont-elles pas de simples victimes de la crise ? Autant de questions auxquelles nous allons nous efforcer de répondre dans ce dossier.

 

Qu’est-ce qu’une agence de notation?


Il existe trois agences de notation financières globales (rating agency en anglais) : Moody’s, Standard & Poor's et Fitch Ratings. Toutes les trois sont des agences américaines. Cependant, il existe de nombreuses autres agences de notation, plus petites et plus spécialisées.

Une agence de notation financière donne son appréciation, du risque de solvabilité financière :

  • d’une entreprise
  • d’un État ("notation souveraine") ou d’une autre collectivité publique, nationale ou locale
  • d’une opération (emprunt, emprunt obligataire, opération de financement structurée, titrisation,…)

 

Ensuite, elle attribue une note correspondant aux perspectives de remboursement de ses engagements envers ses créanciers (fournisseurs, banques, détenteurs d’obligations…). La notation financière constitue, pour les investisseurs, un critère clé dans l’estimation du risque qu’un investissement comporte, particulièrement dans le cadre de marchés financiers de plus en plus globaux qui rendent difficile la maitrise de l’information et donc de tous les paramètres de risque.

Les notations des instruments de financement à moyen (plus d’un an) ou long terme (10 ans ou plus) vont de AAA (triple A), qualité de crédit la plus élevée, à D, défaut de paiement constaté ou imminent. La notation à court terme juge de la capacité du débiteur à remplir ses engagements à un an au plus. La notation à long terme estime la capacité du débiteur à remplir ses obligations à plus d’un an. Plus la note est bonne, moins l’émetteur de l’emprunt paiera cher.

 

Les critères sur lesquels les agences se basent, même si chacune a ses propres méthodes, dépendent de la mission qui est confiée :

  • entreprises: critères comptables, de gestion, d’examen des risques, de perspectives économiques,…
  • état : situation économique, stabilité, politique monétaire et budgétaire,…
  • opération : modélisation de l’opération et de ses flux financiers permettant une évaluation du risque de défaut et de la perte possible.

Une agence de notation est censée être indépendante, même si elle est employée par l’acteur qu’elle note…

 

Les conséquences de la notation :

 

Comme nous l’avons dit, l’évolution des notes est très suivie, particulièrement depuis la crise. En effet, la notation donne une bonne indication sur les perspectives futures.

Cependant, le changement d’une note peut avoir des conséquences dramatiques sur les marchés. En effet, on l’a vu récemment avec la note de la Grèce qui a été dégradée, les marchés réagissent assez mal à ce genre de nouvelles et les investisseurs sont souvent pris de panique (aidés en cela par quelques spéculateurs…). Les notations financières sont devenues un élément tellement essentiel des marchés financiers que l’annonce par une agence de la baisse d’une notation a un impact immédiat sur le coût de financement de l’entreprise (ou de l’Etat).

 

Certains parlent alors d’un cercle vicieux : le renchérissement du crédit pouvant rendre encore plus difficile la résolution des problèmes de l’entreprise, mais cette critique perd de vue l’objectif central d’une agence de notation, à savoir la dissémination d’une information financière objective qui, en permettant aux investisseurs de mesurer leur risque facilite la circulation des capitaux pour les entreprises saines.

 

Le rôle de la notation dans la crise

 

Les agences de notation financière insistent sur le fait que leur notation est une opinion.                          Outre que ceci leur assure une certaine protection légale du fait du premier amendement de la constitution américaine (liberté de parole), les agences ne garantissent rien à personne et ne sont pas responsables des conséquences de décisions prises d'après cette opinion.

 

Or, dans les faits, les investisseurs se décident d'après cette notation. La question de la validité de cette opinion, de son sérieux, de son indépendance peut donc effectivement se poser… surtout après que les agences de notation aient maintenu une bonne notation pour Enron jusque quatre jours avant la faillite. L'importance de l'événement avait amené le Congrès américain à enquêter sur la question de savoir si les agences devraient ou non être réglementées.

Cependant, alors que la Securities and Exchange Commission (SEC) semblait jusque là opposée à des mesures de contrôle sur les agences, la crise des subprimes va remettre en cause plus fondamentalement le rôle des agences et leur indépendance.

En effet, des produits structurés complexes utilisant les concepts de titrisation et de dérivés de crédit ont joué un rôle central dans l'accélération des effets de la crise, et les agences sont critiquées pour avoir joué un rôle trop actif dans le développement du marché, à un point tel que les banques utilisaient des modèles développés par les agences pour faire leurs montages. Pire, début 2008, on apprend que Moody's a donné, par erreur, la notation la plus haute à des produits structurés. Les investisseurs, qui avaient pardonné Enron, critiquent alors durement les agences et leurs pratiques, et exigent des changements fondamentaux, dont en tout cas l'abandon de la grille de notation "entreprise" pour les instruments structurés, ce que les agences annoncent être prêtes à envisager.

 

Devant l'ampleur du problème, la SEC ainsi que d'autres régulateurs, dont la Commission européenne, jugent à présent qu'ils doivent agir sur les agences.

De plus, ces dernier temps c’est la notation des Etats qui est remise en question. En effet, le changement de note est tellement important pour un Etat que l’on se demande si les critères utilisés par les agences sont vraiment objectifs. Si on ne prend en considération que la dette par exemple, on ne comprend pas pourquoi un pays comme le Japon, qui a une dette largement supérieure à celle de l’Espagne, se retrouve noté AA (la deuxième meilleure note chez Standard and Poor’s) alors que l’Espagne est noté BBB (une note moyenne mais jugée très faible pour les Etats) !

 

Il est difficile de comprendre comment des gens qui, même s’ils n’ont pas provoqué la crise financière, ont contribué à la création et à la diffusion de produits toxiques peuvent se permettre de juger un Etat alors que celui-ci s’évertue simplement à réparer les erreurs commises par les banques et le marché en général. Enfin, il faudrait qu’une fois pour toute, les agences fassent la distinction entre ce qui est structurel (donc durable) et ce qui est conjoncturel (donc  temporaire). Le déficit actuel de l’Espagne par exemple est dut essentiellement à la crise que traverse le pays entrainant une baisse des recettes et une hausse des dépenses (plan de relance…).

 

Conclusion : accusé levez vous !

 

En conclusion on peut dire que les agences de notation doivent continuer à exister. En effet, il est indéniable que la note d’une entreprise donne de très bons indicateurs quand à sa santé financière.

Cependant, il reste deux gros points noirs, à savoir :

  • les notations des Etats qui mettent en péril une économie et une monnaie
  • l’indépendance des agences par rapport aux acteurs qu’elles notent. En effet, la crise a montré que les agences de notations étaient loin d’être efficientes (elles ne sont même pas efficaces…) surtout lorsqu’elles ont plébiscité les produit structurés toxiques

 

Il est donc urgent que les politiques prennent en compte les risques et qu’ils changent enfin les « règles du jeu » pour rendre les agences de notation plus fiables et moins nocives. La solution serait peut être de nationaliser les agences de notation et éviter ainsi les conflits d’intérêts.

Cependant, une telle éventualité ne semble pas être à l’ordre du jour…

 

 

Source : DogFinance

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