Les coulisses du RSA
Bonsoir à toutes et à tous,
Je travaille dans le social depuis de nombreuses années et j'ai vécu cet après-midi une expérience que je tiens à partager sur le site d'Actu chômage.
Il s'agissait d'une réunion organisée par le Conseil Général afin que tous les opérateurs agissant sur le RSA puissent se rencontrer et être informés des derniers changements administratifs.
Dans un premier temps, nous nous sommes présentés, ce qui en soi ne paraît pas aberrant vu l'objet de la réunion, néanmoins, cela devient un peu long quand l'assemblée comprend dans les 40 personnes.
Ensuite, un homme est venu présenter le résultat d'une enquête réalisée en septembre lors d'une précédente rencontre, concernant le développement durable et l'écoresponsabilité des structures : mode de chauffage des locaux, bonne ou mauvaise isolation des locaux, achats écoresponsables ou pas, moyens de déplacement (transports en commun, covoiturage…), et une question portait sur notre attitude informative envers les allocataires du RSA sur le développement durable. Si cet homme a été nominativement présenté, rien n'a été dit sur son "pedigree" : est-il employé par le Conseil Général, travaille-t-il pour une boîte privée qui a réalisé cette enquête pour le CG? Le tout est que ce questionnaire a été élaboré, analysé et qu'il venait nous rendre compte des résultats.
En dehors du fait que le Conseil Général n'a aucune légitimité à savoir comment nous nous chauffons ou nous transportons, le rendu de l'enquête était un rien orienté. Cet homme nous expliquait, en effet, que 45% (les chiffres sont faux, je ne me souviens plus des vrais chiffres) des structures interrogées ne se souciaient pas de la question du développement durable dans leurs achats, que 75% avaient un chauffage qui allait à l'encontre de la logique écologique, et que seuls 15% se souciaient de préserver la planète lors de leurs déplacement, quoique sur ce sujet, il reconnaissait que les horaires des transports en commun pouvaient être inadaptés ou leur trajets incommodes. Circonstances atténuantes, donc, sur les trajets, mais un brin de critique sur le manque d'écoresponsabilité de la majorité. Il a distribué les bons et mauvais points.
A la remarque que changer de chauffage a un coût que les associations travaillant par marché public avec le Conseil Général ne pouvaient pas se permettre, cet homme répond qu'en réalisant des économies importantes sur les factures en changeant de chauffage, on peut récupérer la somme investie. Rien n'est dit sur le moyen de sortir l'argent avant de l'avoir économisé!
Quant à rendre écoresponsable une personne qui ne touche même pas de quoi vivre correctement, quelqu'un a fait remarquer que le travail se bornait à leur faire économiser quatre ronds, ce qui œuvre indirectement pour l'écologie mais que le projet premier est d'aider les gens à survivre, parce que quand on a du mal à survivre, les questions plus vastes comme le respect de l'environnement ne sont que philosophie. Hum, hum dans la salle.
Personnellement, je n'ai pas compris ce que venait faire le compte rendu de cette analyse sur l'écoresponsabilité lors d'une rencontre entre opérateurs venus à la pêche aux informations. Compte rendu qui a duré, précisons-le, près de trois quart d'heure.
A suivi la présentation d'une action départementale et de sa procédure : un outil de préparation à l'emploi des allocataires du RSA. Comme un sous entendu qu'ils ne sont pas prêts à l'emploi. Hum, hum dans ma tête.
Sont ensuite venues des informations administratives concernant les document à renvoyer au service RSA, à l'assistante sociale, les délais… Les modalités changent, c'était le moment d'en informer tout le monde. Et d'informer surtout que les supports administratifs sont appelés à changer, qu'il faut régulièrement aller sur le site du Département pour télécharger les nouveaux.
Où j'ai appris que la fiche d'orientation que nous appelions jusqu'à présent la fiche de liaison (entre les associations, l'assistante sociale et le service RSA) est désormais un bon de commande! Après que le conventionnement soit devenu un marché public, nous travaillons sur des bons de commande! Déjà que Pôle Emploi gère des stocks, les opérateurs traiteraient-ils donc de la marchandise?
Où j'ai aussi appris que nous devions faire, non plus trois convocations à un premier entretien, mais seulement deux! Qu'on se le dise!
Où j'ai appris que si l'organisme conventionné n'a pas rempli la fiche bilan du contrat d'engagement réciproque quand l'allocataire rencontre son assistante sociale pour le renouvellement, il n'y aura pas de renouvellement, et il peut même y avoir suspension du RSA. Qu'on se le redise!
Est ensuite venue la question DU tableau. C'est un tableau statistique qui a plusieurs fonctions : rendre compte des présences réalisées (pour les organismes afin qu'ils puissent être payés), et servir pour les statistiques du Conseil Général (tant d'allocataires de tel âge à tel âge, tant de célibataires, pour voir si les célibataires se recasent professionnellement mieux ou moins bien que les personnes mariées…). Il faut savoir que ce tableau est nominatif. Et que la dernière mouture contient des informations d'ordre personnel sur les allocataires (malade ou pas, type de maladie, propriétaire ou locataire, problème avec la justice, …).
A la question de l'éthique (rappelons qu'on ne peut travailler que sur la base d'une relation de confiance avec les personnes et donc d'un strict secret professionnel qui nous impose, de fait, de ne pas divulguer des informations non utiles à l'action menée avec la personne), il est répondu par la "créatrice" du tableau qu'elle n'est qu'une petite main et obéît à une commande, et par une de ses collègues que la question ne se pose pas puisque le service a déjà toutes ces données (sans préciser qu'elles sont sur support papier, donc à divulgation et consultation restreinte contrairement à un document informatique). La CNIL a-t-elle été consultée pour la validité de ce tableau?
Pour conclure, je dirai que l'ironie de la situation tient au fait que nous étions réunis pour échanger des informations, mais que l'idée de l'échange est allée au-delà de ce que nous pensions, avec cette nouvelle grille.
La vraie ironie serait que l'association pour laquelle je travaille voit le renouvellement de son marché public annulé parce que j'ai seulement raconté ce qui s'est passé cet après-midi…
Je travaille dans le social depuis de nombreuses années et j'ai vécu cet après-midi une expérience que je tiens à partager sur le site d'Actu chômage.
Il s'agissait d'une réunion organisée par le Conseil Général afin que tous les opérateurs agissant sur le RSA puissent se rencontrer et être informés des derniers changements administratifs.
Dans un premier temps, nous nous sommes présentés, ce qui en soi ne paraît pas aberrant vu l'objet de la réunion, néanmoins, cela devient un peu long quand l'assemblée comprend dans les 40 personnes.
Ensuite, un homme est venu présenter le résultat d'une enquête réalisée en septembre lors d'une précédente rencontre, concernant le développement durable et l'écoresponsabilité des structures : mode de chauffage des locaux, bonne ou mauvaise isolation des locaux, achats écoresponsables ou pas, moyens de déplacement (transports en commun, covoiturage…), et une question portait sur notre attitude informative envers les allocataires du RSA sur le développement durable. Si cet homme a été nominativement présenté, rien n'a été dit sur son "pedigree" : est-il employé par le Conseil Général, travaille-t-il pour une boîte privée qui a réalisé cette enquête pour le CG? Le tout est que ce questionnaire a été élaboré, analysé et qu'il venait nous rendre compte des résultats.
En dehors du fait que le Conseil Général n'a aucune légitimité à savoir comment nous nous chauffons ou nous transportons, le rendu de l'enquête était un rien orienté. Cet homme nous expliquait, en effet, que 45% (les chiffres sont faux, je ne me souviens plus des vrais chiffres) des structures interrogées ne se souciaient pas de la question du développement durable dans leurs achats, que 75% avaient un chauffage qui allait à l'encontre de la logique écologique, et que seuls 15% se souciaient de préserver la planète lors de leurs déplacement, quoique sur ce sujet, il reconnaissait que les horaires des transports en commun pouvaient être inadaptés ou leur trajets incommodes. Circonstances atténuantes, donc, sur les trajets, mais un brin de critique sur le manque d'écoresponsabilité de la majorité. Il a distribué les bons et mauvais points.
A la remarque que changer de chauffage a un coût que les associations travaillant par marché public avec le Conseil Général ne pouvaient pas se permettre, cet homme répond qu'en réalisant des économies importantes sur les factures en changeant de chauffage, on peut récupérer la somme investie. Rien n'est dit sur le moyen de sortir l'argent avant de l'avoir économisé!
Quant à rendre écoresponsable une personne qui ne touche même pas de quoi vivre correctement, quelqu'un a fait remarquer que le travail se bornait à leur faire économiser quatre ronds, ce qui œuvre indirectement pour l'écologie mais que le projet premier est d'aider les gens à survivre, parce que quand on a du mal à survivre, les questions plus vastes comme le respect de l'environnement ne sont que philosophie. Hum, hum dans la salle.
Personnellement, je n'ai pas compris ce que venait faire le compte rendu de cette analyse sur l'écoresponsabilité lors d'une rencontre entre opérateurs venus à la pêche aux informations. Compte rendu qui a duré, précisons-le, près de trois quart d'heure.
A suivi la présentation d'une action départementale et de sa procédure : un outil de préparation à l'emploi des allocataires du RSA. Comme un sous entendu qu'ils ne sont pas prêts à l'emploi. Hum, hum dans ma tête.
Sont ensuite venues des informations administratives concernant les document à renvoyer au service RSA, à l'assistante sociale, les délais… Les modalités changent, c'était le moment d'en informer tout le monde. Et d'informer surtout que les supports administratifs sont appelés à changer, qu'il faut régulièrement aller sur le site du Département pour télécharger les nouveaux.
Où j'ai appris que la fiche d'orientation que nous appelions jusqu'à présent la fiche de liaison (entre les associations, l'assistante sociale et le service RSA) est désormais un bon de commande! Après que le conventionnement soit devenu un marché public, nous travaillons sur des bons de commande! Déjà que Pôle Emploi gère des stocks, les opérateurs traiteraient-ils donc de la marchandise?
Où j'ai aussi appris que nous devions faire, non plus trois convocations à un premier entretien, mais seulement deux! Qu'on se le dise!
Où j'ai appris que si l'organisme conventionné n'a pas rempli la fiche bilan du contrat d'engagement réciproque quand l'allocataire rencontre son assistante sociale pour le renouvellement, il n'y aura pas de renouvellement, et il peut même y avoir suspension du RSA. Qu'on se le redise!
Est ensuite venue la question DU tableau. C'est un tableau statistique qui a plusieurs fonctions : rendre compte des présences réalisées (pour les organismes afin qu'ils puissent être payés), et servir pour les statistiques du Conseil Général (tant d'allocataires de tel âge à tel âge, tant de célibataires, pour voir si les célibataires se recasent professionnellement mieux ou moins bien que les personnes mariées…). Il faut savoir que ce tableau est nominatif. Et que la dernière mouture contient des informations d'ordre personnel sur les allocataires (malade ou pas, type de maladie, propriétaire ou locataire, problème avec la justice, …).
A la question de l'éthique (rappelons qu'on ne peut travailler que sur la base d'une relation de confiance avec les personnes et donc d'un strict secret professionnel qui nous impose, de fait, de ne pas divulguer des informations non utiles à l'action menée avec la personne), il est répondu par la "créatrice" du tableau qu'elle n'est qu'une petite main et obéît à une commande, et par une de ses collègues que la question ne se pose pas puisque le service a déjà toutes ces données (sans préciser qu'elles sont sur support papier, donc à divulgation et consultation restreinte contrairement à un document informatique). La CNIL a-t-elle été consultée pour la validité de ce tableau?
Pour conclure, je dirai que l'ironie de la situation tient au fait que nous étions réunis pour échanger des informations, mais que l'idée de l'échange est allée au-delà de ce que nous pensions, avec cette nouvelle grille.
La vraie ironie serait que l'association pour laquelle je travaille voit le renouvellement de son marché public annulé parce que j'ai seulement raconté ce qui s'est passé cet après-midi…