Occupons Wall Street pendant des années s'il le faut

Publié le par Charlotte sceptix

 

Figure de proue de la gauche américaine, Naomi Klein s'est adressée le 6 octobre aux "indignés" américains rassemblés à New York. Ce mouvement est "la chose la plus importante au monde", a-t-elle notamment affirmé. Extraits.

13.10.2011 | Naomi Klein | The Occupied Wall Street Journal

"J'occupe Wall Street parce que la banque occupe ma maison"

 


"J'occupe Wall Street parce que la banque occupe ma maison"

Je vous aime. Et je ne dis pas ça pour que vous soyez des centaines à me crier : "Je t'aime". Je dis plutôt cela car, si je sais une chose, c’est que le 1 % de la population américaine le plus riche aime les crises. Quand les gens sont paniqués, désespérés et que personne ne semble savoir quoi faire, c'est un moment idéal pour imposer des politiques libérales : privatisation de l'enseignement et des retraites, réduction des services publics, suppression de ce qui limite le pouvoir des grandes entreprises. Au moment où l'économie est en crise, c'est ce qui se produit dans le monde entier. Et il n'y a qu'une chose qui peut bloquer cette tactique et, heureusement, c'est une grande chose : les 99 % de la population. Et ces 99 % descendent dans les rues de Madison [au Wisconsin, dès le printemps, des manifestations ont été organisées dans cet Etat pour s’opposer au plan de privatisation des services publics voulu par le gouverneur], à Madrid pour dire : "Non. Nous ne paierons pas pour votre crise."

Le slogan est né en Italie en 2008. Il est passé par la Grèce et la France et l'Irlande et le voilà qui arrive là où la crise a commencé. "Pourquoi manifestent-ils ?" demandent les pontifes de la presse audiovisuelle. Dans le même temps, le reste du monde s’interroge : "Pourquoi avez-vous mis autant de temps ?" Beaucoup de gens ont dressé des parallèles entre le mouvement Occupons Wall Street [qui a démarré le 17 septembre] et les mouvements antimondialisation à Seattle en 1999. C'était la dernière fois qu'un mouvement mondial, décentralisé, mené par la jeunesse s'en prenait directement à la puissance des multinationales.

Il y a cependant des différences importantes. Par exemple, nous prenions pour cibles les grands sommets internationaux : ceux de l'Organisation mondiale du commerce, du Fonds monétaire international, du G8. Ces événements sont temporaires par nature, ils ne durent qu'une semaine. Notre mouvement ne se mobilisait donc que de manière ponctuelle. Nous faisions notre apparition, nous faisions les gros titres dans le monde entier, puis nous disparaissions. Et, dans la frénésie d'hyperpatriotisme et de militarisme qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001, il a été facile de nous balayer, du moins en Amérique du Nord. En revanche, Occupons Wall Street a choisi une cible fixe. Et vous n'avez fixé aucune date à la fin de votre occupation. C'est une bonne décision.

Mais la plus grande différence par rapport à il y a dix ans, c'est qu'en 1999 nous nous en prenions au capitalisme alors qu'on était au plus fort d'un boom économique frénétique. Le chômage était faible, les portefeuilles d'action gonflaient. Les journalistes étaient extatiques. A l'époque, les start-up occupaient l’espace aujourd’hui pris par les faillites. Nous faisions remarquer que la déréglementation qui alimentait cette frénésie avait un prix. Elle amenait une dégradation des conditions de travail. Elle était dommageable pour l'environnement. Les entreprises devenaient plus puissantes que les gouvernements et cela menaçait nos démocraties. Mais, pour être franche avec vous, quand tout allait bien il était difficile de convaincre les gens de s'attaquer à un système économique fondé sur la cupidité, du moins dans les pays riches.

Dix ans plus tard, on a l'impression qu'il n'y a plus de pays riches, juste un gros paquet de gens riches ; des gens qui se sont enrichis en s’accaparant la richesse créée et en épuisant les ressources naturelles. Le fait est qu'aujourd'hui tout le monde peut voir que le système est profondément injuste. La cupidité sans limites a ruiné l'économie mondiale et est en train de ruiner le monde naturel. Nous vidons nos océans de leurs poissons, nous polluons nos eaux avec la fracturation hydraulique pour exploiter le gaz de schiste et les forages pétroliers en eau profonde, nous nous tournons vers les formes d'énergie les plus sales, comme les sables bitumineux du Canada. Et l'atmosphère ne peut absorber la quantité de gaz carbonique que nous rejetons, ce qui provoque un réchauffement climatique dangereux. Notre quotidien a dû s’adapter à la multiplication des catastrophes, qu’elles soient économiques ou écologiques.

Les faits sont là. Ils sont si flagrants, si évidents qu'il est plus facile qu'en 1999 de rallier l'opinion et de construire rapidement le mouvement. Nous savons – ou nous sentons tous – que le monde est sens dessus dessous : nous nous comportons comme s'il n'y avait pas de fin à ce qui est en fait fini – les combustibles fossiles et l'atmosphère qui absorbe les émissions de CO2. Et nous nous comportons comme s'il y avait des limites strictes et immuables à ce qui est en fait abondant – les ressources financières pour bâtir le genre de société qu'il nous faut. La tâche à laquelle nous devons nous atteler, c'est de renverser cette situation, de remettre en question cette fausse pénurie, de souligner que nous avons parfaitement les moyens de construire une société décente, sans exclus, tout en respectant les vraies limites de ce que la Terre peut encaisser.

Le réchauffement de la planète fait que nous devons nous fixer un ultimatum. Cette fois, notre mouvement ne peut pas se laisser distraire, diviser, épuiser ou balayer par les événements. Cette fois nous devons réussir. Et je ne parle pas de mieux encadrer les banques et d'augmenter les impôts des riches, même si c'est important. Je parle de changer les valeurs qui gouvernent notre société. Pour être difficile, ce n'est pas moins urgent. Nous avons entamé un combat avec les forces économiques et politiques les plus puissantes de la planète. Ça fait peur. Et ça fera encore plus peur au fur et à mesure que ce mouvement gagnera en force. Soyez toujours conscients qu'il y aura toujours la tentation de passer à des cibles plus faciles à atteindre – par exemple, la personne qui est assise à côté de vous pendant ce meeting. Après tout, c'est une bataille plus facile à gagner.

Ne cédez pas à la tentation. Je ne dis pas qu'on ne peut pas se disputer mais, cette fois, il faut que nous nous traitions mutuellement comme si nous avions l'intention de lutter côte à côte pendant de très nombreuses années. Parce que la tâche que nous avons devant nous n'en exige pas moins. Traitons ce merveilleux mouvement comme si c'était la chose la plus importante au monde. Parce que c'est le cas. C'est vraiment le cas.

Courrier International

Publié dans Révolutions

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C
<br /> <br /> Bonjour Charlotte,<br /> <br /> <br /> je suis contente que tu ai retrouvé ta connexion<br /> <br /> <br />  j'ai trouvé des nouvelles du chevrier des Combrailles (désolée pour le Hors Sujet, mais je pensais que çà pouvait interesser les lecteurs qui ont suivi l'histoire)<br /> <br /> <br /> http://www.lamontagne.fr/editions_locales/riom/affaire_du_chevrier_de_teilhet_la_verite_se_fait_toujours_attendre@CARGNjFdJSsAFxsCARs-.html<br /> <br /> <br /> Bonne journée<br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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