Pacte budgétaire: la position des eurodéputés français (séance du 2 février 2012)
Lundi 30 janvier 2012, les chefs d'Etat et de gouvernement européens réunis à Bruxelles pour un Conseil informel, ont paraphé la version définitive du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (plus communément appelé "Pacte budgétaire").
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Cette signature cloture plusieurs semaines de débats dans lesquels le Parlement européen a été intégré, et ouvre ainsi le temps des débats nationaux nécessaires à la ratification du Traité.
Jeudi 2 février, les parlementaires européens, ont adopté une résolution sur les conclusions du Conseil européen.
Bref historique
Lors du Sommet du 9 décembre 2011, les Etats européens se sont engagés dans la négociation d'un nouveau Traité renforcant davantage la discipline budgétaire.
Le 13 décembre, soit quelques jours après le Sommet, les parlementaires européen se sont réunis en séance pléniére pour un débat prioritaire portant sur les conclusions du Sommet.
Le 18 janvier 2012, les eurodéputés se sont de nouveau réunis afin d’adopter une résolution commune sur le projet de Traité. Par cette résolution, les eurodéputés ont entendu mettre en avant leurs réserves quant au projet de Traité, le jugeant à la fois inutile et dangereux.
La semaine dernière, les eurodéputés se sont réunis une dernière fois afin de débattre de version définitive du Traité.
Deux propositions de résolutions ont été présentées:
- l'une portée communément par les groupes PPE, S&D, ALDE et Verts/ALE.
- l'autre portée notamment par Jean-Luc Mélenchon, au nom du groupe GUE/NGL.
Dénoncant un Traité antidémocratique, axé uniquement "sur la satisfaction des marchés financiers" et creusant crise de confiance entre la population et les politiques de l'Union, les eurodéputés du groupe GUE/NGL s'opposent fermement au texte.
"Ces changements constituent la réponse néolibérale la plus réactionnaire, la plus antidémocratique et la plus extrême à la crise actuelle".
Cet article est l'occasion, systématique sur ce blog, de mettre plus en avant la position des eurodéputés français.
Mercredi 1er février: le temps des débats
C'est un hémicycle quelque peu clairsemé qui s'est réuni afin d'échanger, en présence de Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso M. Barroso, sur la version définitive du Traité.
Quatre eurodéputés français ont fait connaitre leur position: Joseph Daul et Constance le Grip (au nom du groupe PPE), Catherine Trautmann (S&D) et Patrick Le Hayric (GUE/NGL).
Joseph Daul, président du groupe PPE, met en avant une prise de responsabilité des Etats, conscients que la discipline budgétaire est nécessaire afin de "renouer avec la croissance et l'emploi". Il regrette l'absence du Royaume-Uni et de la République Tchèque.
L'eurodéputé français exprime trois souhaits: "Le premier est que le traité soit ratifié au plus vite, le second est qu'il soit appliqué au plus vite et le troisième est que cet accord soit entièrement intégré au droit de l'Union, comme ce Parlement l'a demandé."
Il regrette cependant que le Traité ne fasse pas plus de place aux éléments relatifs à la croissance. Il appelle à plus de compétitivité et prie la Commission de contraindre les Etats à appliquer les textes relatifs à l'achévement du marché intérieur.
Enfin, il émets plusieurs propositions:
- réduire les charges pesant sur les entrepreneurs et "les écarts considérables de charges entre nos pays";
- optimiser "le rendement des Fonds européens non utilisés jusqu'à présent et rendus aux États": ceux-ci doivent être investis "dans des projets communs porteurs de croissance et d'emploi" (étrange, pour quelqu'un qui place comme prioritaire l'obligation de réduire les déficits nationaux);
- redéployer "vers la recherche et l'innovation, ou vers la formation, [les] fonds publics qui ne sont pas porteurs d'investissements".
Catherine Trautmann, au nom du groupe S&D, dénonce un Traité qui "nous met en situation d'échec", qui "est inefficace pour répondre au marché face à la crise car il ne restitue pas la confiance" et qui introduit "un gouvernement des juges au détriment de la souveraineté des Parlements nationaux".
Cependant, elle appelle le Parlement, au delà de la critique, à "faire des propositions": "ce que nous pouvons proposer aujourd'hui pour l'Europe, c'est un cercle vertueux, un pacte européen de responsabilité, de gouvernance et de croissance. Il faut renégocier ce traité, sur des bases qui permettent une véritable coordination des politiques économiques, comprenant des projets industriels pour faire travailler nos usines et nos salariés, des projets dans le domaine de l'énergie et de l'environnement, la création des euro-obligations, qui ont été lamentablement oubliées ou biffées, et une régulation financière. Il faut de la justice, il faut de la solidarité. Voilà ce que nous devons défendre dans ce Parlement."
Constance le Gripp, au nom du groupe PPE, applaudit le Traité qu'elle considère comme pouvant apporter "la confiance et la responsabilisation". Si, certes, la "croissance ne se décrète pas", elle ne pourra être durable sans entamer l'assainissement des finances publiques.
Enfin, répondant aux déclarations de Hannes Swoboda (S&D) qui appelle avec malice Angela Merkel à se choisir un nouveau partenaire (Monsieur Hollande sera "le nouveau président français"), elle dénonce les déclarations "totalement irresponsables" du candidat socialiste français qui entend renégocier le Traité: "Elles [ces déclarations] font peu de cas de la parole de l'État français, du respect des engagements de l'État français."
Enfin, les conclusions écrites de Patrick Le Hyaric (GUE/NGL) dénonce un Traité qui "fait de l'austérité budgétaire le fondement de la politique économique européenne". Le texte met en place des seuils budgétaires [déficit budgétaire structurel limité à 0,5% du PIB] qui "n'ont jamais été mentionnés dans aucun des traités européens précédemment".
Aussi, il dénonce un "déni de démocratie", le Traité ayant été entérimé par le Conseil, "sans aucune consultation du Parlement européen ni des Parlement nationaux": il constitue "une immixtion sans précédent dans les constitutions nationales".
Il réclame "avant toute décision une consultation des peuples européens, par référendum".
Jeudi 2 février: l'heure des votes
Le Parlement européen a adopté par 443 voix pour, 124 voix contre et 75 abstentions, une résolution "copié-collé" de la proposition de résolution commune citée en introduction.
57 députés étaient absents, 55 n'ont pas pris par au vote.
Cette résolution donne l'impression, à sa lecture, que les eurodéputés prennent acte, à contre coeur, du texte final.
En effet, ils renouvellent entièrement leurs réserves exprimées dans la résolution du 18 janvier même s'ils entrevoient quelques améliorations apportées dans la version définitive du Traité: la suprématie du droit communautaire, la place laissée au Parlement européen et nationaux ainsi qu'aux Etats non membres de la zone euro (cf. participation aux Sommets de la zone euro), l'ajout des références à "la croissance, l'emploi, la compétitivité et la cohésion sociale".
Etant donné que la proposition de résolution a été deposée communément par les eurodéputés de la droite (PPE), de la gauche (S&D et Verts) et du centre (ALDE), il apparait particulièrement interessant de connaitre la position des eurodéputés français.
Sur les 74 députés "français":
- Les membres du Parti populaire européen (PPE, 29 députés), issus de l'UMP, du Nouveau centre, de la gauche moderne et du Parti radical, ont tous voté pour, suivant ainsi la ligne du parti ; trois ont cependant voté blanc, un a voté contre (deux n'ont pas pris part au vote et un autre était absent).
- Les membres de l'alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE, 6 député), pour la plupart issus du MODEM, ont voté "pour", suivant ainsi la ligne du parti, hormis Marielle de Sarnez qui n'a pas pris part au vote, et Jean-Luc Bennahmias, qui a voté contre.
- Les membres de l'alliance libre européenne-Les Verts (15 députés, dont Eva Joly, Daniel Cohn Bendit, et José Bové), ont été très partagés: trois députés ont voté "pour", suivant ainsi la ligne du parti; deux députés ont voté contre (José Bové et Catherine Grèze); 7 députés ont voté blanc (trois députés étaient absents).
- Les membres de l'alliance Progressiste des Socialistes & Démocrates (S&D, 14 députés), issus du Parti socialiste, ont tous voté blanc, ne suivant pas la ligne du parti (hormis Stéphane le Foll qui a voté pour, Patrice Tirolien qui n'a pas pris part au vote et Vincent Peillon, seul socialiste à avoir voté contre).
Ainsi, hormis quelques députés, de gauche comme de droite, ayant voté "contre", on ne peut que regretter que les parlemantaires français socialistes et écologistes se soient pour la plupart abstenus quand on connait le positionnement de leur parti sur la scène politique française.
- Les membres de la Gauche unitaire européenne – Gauche verte européenne (5 députés, dont Jean-Luc Mélenchon), ont tous voté "contre" (hormis Marie-Christine Vergiat qui n'a pas pris part au vote);
- Membre de l'Europe Liberté Démocratie (EFD, parti présidé par le célèbre N. Farage), Philippe de Villers a voté contre;
- Parmi les non-inscrits, Bruno Gollnischet et Jean-Marie Le Pen ont voté "contre". Marine Le Pen était absente.
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