Portugal : José Socrates entre le marteau et l’enclume

Publié le par sceptix

Le premier ministre socialiste José Socrates. (AFP)

Le premier ministre socialiste José Socrates. (AFP)

Entre les exigences de Bruxelles pour qu’il prenne des mesures d’austérité drastiques et l’inquiétude de l’opinion, le premier ministre socialiste a une marge de manœuvre bien réduite

Le ciel politique du flamboyant premier ministre, José Socrates, est empli de nuages menaçants. Au lendemain d’une grève des fonctionnaires – suivie jeudi à 80% –, et alors que Bruxelles exige de lui des mesures drastiques pour réduire le déficit public, la situation du leader socialiste est devenue difficilement tenable. Car, non seulement José Socrates va devoir annoncer d’ici peu des réformes très impopulaires (réduction des dépenses de santé, gel des salaires de la fonction publique, baisse des indemnités chômage…), mais il fait face à une série de scandales économico-médiatiques dans lesquels il serait impliqué.

Enquête parlementaire

La semaine prochaine, une commission d’enquête parlementaire sera constituée pour faire la vérité sur son rôle dans le rachat de la télévision privée TVI – l’une des deux plus importantes – par Portugal Telecom, le géant des télécommunications du pays, sous contrôle gouvernemental. Pour la première fois depuis le retour de la démocratie en 1974, un chef de l’exécutif sera appelé à comparaître personnellement dans une affaire qui pourrait le forcer à la démission.


Cela fait beaucoup pour un homme réélu comme premier ministre en septembre 2009. A la différence de son premier mandat, à partir de 2005, José Socrates ne dispose plus que d’une majorité simple au parlement, où les formations à sa gauche (communistes et Bloco de Esquerda) et à sa droite (PSD et PP) se montrent chaque fois plus belligérantes à son égard.

«Socrates est une véritable bête politique, mais il est confronté à des tempêtes judiciaire, politique, économique et sociale, commente Ricardo Costa, directeur adjoint de l’hebdo de référence, Expresso. Sa grande difficulté, c’est qu’il doit lutter sur tous les fronts à la fois. Il est habile, mais c’est aussi une personne irascible qui a une tendance à perdre les nerfs. C’est de mauvais augure.»

Pourtant, plus que jamais, le Portugal a besoin d’un homme fort à sa tête. Ce petit pays ibérique de près de 11 millions d’habitants connaît les mêmes problèmes structurels que la Grèce, et constitue l’autre maillon faible immédiat de la zone euro. Si bien que l’Union européenne attend des autorités portugaises des mesures d’austérité drastiques pour ramener le déficit de 10,4% à 3% du PIB d’ici à 2015.

 

Or, telle est la gageure sociale de José Socrates: comment demander aux Portugais de se serrer plus fortement la ceinture aujourd’hui, alors que les autorités successives leur demandent de faire des sacrifices depuis dix bonnes années? Lors de la décennie passée, en effet, la croissance a été presque nulle (+ 0,4%), ce qui rapproche bien plus le Portugal de la Grèce que de l’Espagne, ce voisin qui a connu quinze années glorieuses avant la récession.

Choix de l’émigration

«Dans le fond, ce qui est le plus terrible pour Socrates, c’est qu’il n’a presque pas de marge de ma­nœuvre. Notre modèle industriel est archaïque, le secteur textile s’est effondré, et nos exportations sont très réduites, hormis le papier, l’automobile et le secteur touristique», estime l’analyste José Manuel Fernandes. Selon l’observatoire des migrations, entre 60 000 et 70 000 Portugais quittent leur pays chaque année (Etats-Unis, Angola, Canada…), un chiffre comparable à celui des années 1960! «Ce qui m’inquiète vraiment, c’est la fuite des cerveaux, poursuit José Manuel Fernandes. Des gens très brillants qui ne trouvent pas ici un emploi assez bien rémunéré et font leur carrière à l’étranger.»



Pour les commentateurs, l’explosion sociale est imminente, et devrait se manifester de façon massive dès l’annonce des mesures d’austérité que José Socrates est contraint de prendre à court et moyen terme. «Lors de son premier mandat, entre 2005 et 2009, le premier ministre a montré beaucoup de courage, par exemple en flexibilisant le système des retraites, dans le but de sauver les caisses de la sécurité sociale, analyse Ricardo Costa. Mais cette dureté lui a aussi valu de nombreux ennemis, dans les hautes sphères. Personne ne lui fera donc de cadeau aujourd’hui.»

Malgré une cote de popularité en chute libre, José Socrates a toutefois des atouts. Le président de la République, le conservateur Cavaco Silva (du PSD), n’a pour l’instant pas intérêt à provoquer des élections anticipées. Et, de l’avis général, autant dans le camp socialiste que parmi la droite, aucun homme politique n’a sa capacité de leadership.

Source : le Temps

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