Pourquoi la Société Générale est la cible des marchés

Publié le par Charlotte sceptix

18-08-11 à 16:41 par Jérôme Lefilliatre

La Société Générale est la valeur bancaire la plus touchée par la panique boursière actuelle. Elle paye les effets collatéraux de la crise financière et de l'affaire Kerviel.()

Frédéric Oudéa, PDG de la Société Générale (Sipa) Frédéric Oudéa, PDG de la Société Générale (Sipa)

Le 10 août, le titre de la Société Générale avait clôturé en baisse de 14,74%, à 22,28 euros, après avoir perdu, en séance, plus de 20% (soit, virtuellement, plus de 4 milliards d'euros si l'on s'en tient à sa capitalisation boursière). Et ce jeudi, la deuxième banque française était de nouveau la cible des marchés en milieu d'après-midi (plus de 8% de chute).

Des rumeurs étaient à l'origine de l'effondrement du 10 août. D'abord celle propagée puis démentie par le tabloïd britannique Daily Mail, qui avait écrit que la deuxième banque française pourrait avoir besoin d'un plan de sauvetage du gouvernement français. Autre bruit -faux là encore- qui avait couru dans les salles de trading: la Société Générale vendrait massivement des stocks d'or, en dessous du prix du marché, pour couvrir un besoin urgent de liquidités. Le tout dans un contexte difficile pour l'Etat français, dont on dit que la note AAA pourrait être dégradée dans les prochaines semaines, alors qu'une croissance économique nulle au deuxième trimestre est venu enrayer la scénario de réduction des déficits imaginé par le gouvernement.

Lors de la séance du 10 août, les autres valeurs bancaires et financières avaient également souffert, mais dans des proportions moindres que la Société Générale. Tout se passe comme si la banque dirigée par Frédéric Oudéa apparaissait, aux yeux des marchés, comme étant dans la situation la plus délicate. Pourtant, remarque Michel Fleuriet, professeur d'économie bancaire à Dauphine, "elle n'est pas du tout en mauvaise santé financière". Elle figure même parmi les 13 plus grands banques mondiales, avec BNP Paribas, selon un classement établi par Standard and Poor's le 30 juin dernier. Et son coût du risque baisse significativement d'un trimestre à l'autre.

Un profit warning qui fait mal

Toutefois, les résultats semestriels publiés le 3 août attestent d'une fragilité qui inquiète les investisseurs. En raison de son exposition à la dette grecque, dont les titres qu'elle détient ont été dépréciés de 395 millions d'euros avant impôt par la SocGen elle-même, le résultat net part du groupe est ressorti à 1,66 milliard d'euros, en recul de 22,5% par rapport à l'année dernière. Le produit net bancaire s'est également replié de 1% par rapport aux six premiers mois de l'année 2010.

Dans ces conditions, le PDG Frédéric Oudéa a dû se résigner à lancer un "profit warning": "l'objectif de résultat net part du groupe de 6 milliards d'euros en 2012 paraît désormais difficilement réalisable dans les délais prévus", a indiqué le successeur de Daniel Bouton. Il n'en fallait pas beaucoup plus pour faire de la SocGen la cible prioritaire des marchés, et donner du corps aux traditionnelles rumeurs qui envahissent le monde des traders.

Un résultat en chute de 32% sur cinq ans

La Grèce n'explique pourtant pas tout. Hors exposition à la dette d'Athènes, le résultat net part semestriel du groupe est également en recul, de 1,1%, pour s'établir à 1,89 milliard, contre 1,91 milliard l'année précédente. Plus impressionnant, ce chiffre a fondu de 32% depuis 2006, dernière année pour laquelle la comparaison est possible, avant le double séisme provoquée par l'affaire Kerviel (dernier trimestre 2007) et la crise financière (survenue en septembre 2008). A l'époque, la SocGen affichait 2,79 milliards d'euros de résultat net au premier semestre.

"En dehors du fait que la Société Générale ne s'est pas couverte de gloire avec l'affaire Kerviel, son modèle de banque a beaucoup souffert avec la crise", explique Michel Fleuriet. En cause, son engagement sur les marchés des dérivés-actions, où sa branche SG CIB (Corporate & Investment Banking) est leader mondial. Des placements potentiellement très rentables, mais hautement risqués, surtout dans un contexte de turbulences sur la planète finance… "La nouvelle direction, menée par Frédéric Oudéa, a décidé de revenir vers un modèle beaucoup moins risqué et beaucoup moins rentable: ça a un coût", poursuit Michel Fleuriet. D'autant que les nouvelles règles bancaires dites "Bâle III", qui imposent aux banques de consolider leurs fonds propres, affectent en même temps leur résultat net.

Une activité très européenne

Autre facteur d'explication, le cœur de l'activité de la Société Générale est en Europe, là où la crise de la dette est la plus aigüe. "Elle est exposée sur la Grèce avec Geniki, sur les pays de l'Est, et sur des marchés moins matures que la BNP", ajoute Frédéric Rozier, gestionnaire de portefeuille chez Meeschaert.

Au final, bien que BNP Paribas soit davantage exposée qu'elle aux dettes des pays fragiles de la zone euro, c'est bien la Société Générale qui est la cible première des attaques spéculatives. "Si vous pensez, comme les marchés actuellement, que les obligations d'Etat françaises sont devenues des actifs quasi-toxiques, commente Michel Fleuriet, vous visez d'abord la banque qui semble la plus fragile..."

 

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