Question d'un lecteur, ou de la perversité des institutions européennes

Publié le par sceptix

 

 

Je reçois ce matin un courriel d'un lecteur curieux. L'occasion de préciser certains points.

 

Voici donc :

 

Bonjour,

Je lis depuis quelques temps votre blog, avec intérêt.

Je me pose une question : quand vous expliquez que le semestre européen consiste pour la Commission en un examen des budgets nationaux, remplaçant ainsi les parlements nationaux, c'est quelque chose que vous pensez, ou bien c'est une présentation un peu forcée que vous faites afin de choquer les lecteurs ?

En effet, pendant le semestre européen, la Commission ne regardera que les chiffres de déficit prévu (pas les mesures diverses), en n'aura en aucun cas la capacité de retoquer le budget. Elle pourra simplement proposer au Conseil un avis sur la stratégie budgétaire (c'est à dire dire si le déficit envisagé paraît trop élevé).

C'est de ma part une question candide : je me demande vraiment si vous pensez réellement cela. Si c'est le cas, il me semble que vous êtes victime d'une forme d'emballement. Si une chose caractérise l'UE dans la crise actuelle, c'est bien la faiblesse de ses pouvoirs de décisions. Si elle était aussi puissante que vous le dites, ça se saurait.

En espérant recevoir une réponse de votre part,

 

Le lecteur visait le billet où j'écrivais que le semestre européen était un recul considérable pour la démocratie.

 

Il y a différentes manières d'interpréter cette question. La plus simple consisterait à s'étonner d'une question qui pourrait se reformuler ainsi : "bonjour, vous croyez vraiment ce que vous écrivez ou vous faites semblant ?". J'accorde à ce lecteur la candeur qu'il revendique, pour aller un peu plus loin.

 

A un autre niveau, la question est bien réelle car elle soulève un vrai problème : celui de l'irresponsabilité des institutions européennes.

 

Donc, au sens strict, mon lecteur a raison : le semestre européen ne donne qu'un droit de regard aux institutions européennes. Ce n'est pas - encore - la Commission européenne qui va rédiger le budget, et le  dernier mot restera au Parlement (même si, en matière budgétaire, la Vème république a encadré ses pouvoirs).

Imaginons cependant qu'un état maintienne son budget hors des souhaits de la Commission. Si c'est un grand état, la BCE peut en tirer argument pour maintenir des taux plus élevés que nécessaire. La Commission peut être également incitée à être plus rigoureuse dans l'appréciation du respect des critères de stabilité dits de Maastricht. Et là elle dispose de pouvoirs réels : sanctions financières etc.

Par ailleurs, il y a aussi un effet de réputation qui va jouer : imaginons que le Commissaire - élu par personne, mieux payé que le Président de la république, fin de l'apparté démagogique - en charge des questions économiques publie un communiqué informant notamment les agences de notation que le budget de tel ou tel état n'est pas très sérieux. Juridiquement, pas très contraignant. Extrêmement ennuyeux tout de même.

Par ailleurs, il ne faut pas croire que la Commission européenne examinera les budgets nationaux avec un oeil neutre : l'administration européenne ne va sans doute pas se contenter de vérifier que les plafonds de déficit budgétaire sont respectés. Elle publie suffisamment de livres verts sur des tas de sujets fort précis pour ne pas voir dans ce "semestre européen" une excellente occasion pour en réclamer l'application.

Par exemple, en juillet dernier la Commission a publié un livre vert sur les retraites. Jean-Luc Mélenchon, sur son blog, commentant cet ouvrage, montre comment la Commission réclame la retraite à 65 ans de façon détournée : "le parler faux-cul si typique de la maison: « L’objectif (…) en matière de taux d’emploi (75 %) nécessite d’atteindre des taux d’emploi nettement plus élevés qu’actuellement dans la population âgée de 55 à 65 ans. » Traduction : tout le monde doit travailler au moins jusqu’à soixante-cinq ans. C’est écrit mais ce n’est pas dit. Telle est la novlangue des eurocrates." (merci à Fred Delorca pour avoir attiré mon attention sur ce billet de Méluche, que je ne lis pas tout le temps). On trouve également une belle citation de Barroso estimant en septembre 2009, au milieu de la crise financière, que les fonds de pension sont l'avenir des retraites.

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