Sarko vire le chef d'escadron Jean-Hugues Matelly(respects Monsieur Matelly)
Viré de la gendarmerie pour avoir dénoncé une réforme rompant avec l’histoire de la gendarmerie… Notre ami Sarko a peut-être bien eu la main un peu lourde, parce qu’en droit, la « Grande Muette », c’est has been.
Un arrêt de la CEDH donne le ton
Le gendarme qui s’est fait radié hier par un décret signé Sarko, est un grand amateur de liberté d’expression – qu’hommage lui soit rendu – et on lui doit d’être à l’origine d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme datant de quelques mois (15 septembre 2009, no 30330/04) qui nous précise de manière très circonstancié dan quelles conditions les militaires peuvent l’ouvrir. Même si ça défrise l’autorité, et que ça mine le moral des troupes. Eh oui…
Jean-Hughes Matelly, officier de gendarmerie depuis 1992, était jusqu’à hier un gendarme de haut rang : affecté depuis le 15 février 2002 au commandement des écoles de gendarmerie nationale à Maisons-Alfort, et par ailleurs titulaire d’un doctorat de science politique sur les problématiques d’exercice de la police judiciaire et chercheur associé au Centre d’Études et de Recherches sur la Police de Toulouse. Il a publié de nombreux articles spécialisés et des ouvrages. Bref, ce poulet est un gadin.
En janvier 2003, il avait publié dans la très sérieuse revue « Les Cahiers de la Sécurité Intérieure » un article intitulé « Une obligation de résultat pour les gendarmes ? », dans lequel il décortiquait les nouvelles méthodes managériales en fonction d’objectifs chiffrés. L’article n’était passé inaperçu, et Jean-Hughes avait développé son point de vue dans divers grand médias, de manière aussi argumentée que polémique.
Dans les jours qui avaient suivi, il avait reçu de son commandement l’ordre verbal de ne plus communiquer avec la presse écrite et audiovisuelle, puis il se fit infliger un blâme pour violation d’un « règlement militaire » et pour « manquement à l’obligation de réserve dans l’expression écrite ou orale ».
S’en était suivi toute une série de recours, ce jusqu’à une arrêt de la CEDH(. Un arrêt très intéressant, fondé sur l’article 10 qui protège la liberté d’expression.
D’abord, « La Grande Muette », ce n’est pas le truc. « La Cour rappelle que l’article 10 ne s’arrête pas aux portes des casernes. Il vaut donc pour les militaires comme pour l’ensemble des autres personnes ». On ne devra donc raisonner par l’absolu « On se la ferme », mais par l’absolu « Vas-y tout doux ».
La CEDH pose le principe de ce relativisme : « L’Etat doit donc pouvoir imposer des restrictions à la liberté d’expression là où existe une menace réelle pour la discipline militaire, le fonctionnement efficace d’une armée ne se concevant guère sans des règles juridiques destinées à empêcher de saper cette discipline. Les autorités nationales ne peuvent toutefois pas s’appuyer sur de telles règles pour faire obstacle à l’expression d’opinions, quand bien même elles seraient dirigées contre l’armée en tant qu’institution. »
Applications aux gendarmes : « La Cour estime qu’en embrassant une carrière militaire, le requérant a accepté les devoirs et responsabilités liés à la vie militaire et ne pouvait méconnaître les obligations dérivant de son statut particulier. » Embrassons, embrassons, il en restera toujours quelque chose.
La Cour rappelle qu’il s’agissait d’articles grands publics, évoquant une manipulation des chiffres de la délinquance, « fait de nature à porter atteinte à la crédibilité de ce corps militaire, et à la confiance du public dans l’action de la gendarmerie elle-même ». Dans ces conditions, le devoir de réserve avait été dépassé. Mais, et la Cour souligne que c’est un « élément déterminant de cette affaire », les sanctions prononcées avaient été très modérées.
La loi français embraye, mais la pratique...
Le fameux devoir de réserve est une obligation générale des fonctionnaires, dont le régime est essentiellement jurisprudentiel. Le Conseil d’Etat, statuant en matière disciplinaire, rappelle régulièrement que « le devoir de réserve s'impose à tout agent public. » (Conseil d'Etat, N° 97189, 28 juillet 1993)
Le Code de la défense inclut désormais ces règles.
Article L. 4121-1 : « Les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens. Toutefois, l'exercice de certains d'entre eux est soit interdit, soit restreint dans les conditions fixées au présent livre ».
Article L. 4121-2 : « Les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres.
« Elles ne peuvent cependant être exprimées qu'en dehors du service et avec la réserve exigée par l'état militaire. Cette règle s'applique à tous les moyens d'expression. Elle ne fait pas obstacle au libre exercice des cultes dans les enceintes militaires et à bord des bâtiments de la flotte.
« Indépendamment des dispositions du code pénal relatives à la violation du secret de la défense nationale et du secret professionnel, les militaires doivent faire preuve de discrétion pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressément prévus par la loi, les militaires ne peuvent être déliés de cette obligation que par décision expresse de l'autorité dont ils dépendent.
« L'usage de moyens de communication et d'information, quels qu'ils soient, peut être restreint ou interdit pour assurer la protection des militaires en opération, l'exécution de leur mission ou la sécurité des activités militaires ».
Ce cadre légal est en lui-même nickel, mais la décision prise contre Jean-Hugues parait bien décalée, par l'inadéquation entre le fait reproché et la sévérité de la mesure. Il n'y avait ici aucune trahison des secrets du service, mais une analyse d'ordre général, rare et utile dans le débat d'idées.
Et cette nouvelle affaire ?
Le fait est la publication d’une tribune sur Rue89, « La gendarmerie enterrée, à tort, dans l'indifférence générale », signée non en tant que militaire, mais comme chercheur, et en cosignature avec deux autres chercheurs Christian Mouhanna et Laurent Mucchielli (CNRS, CESDIP). L’article était une synthèse d’un autre texte plus fouillé, publié dans une revue scientifique, et il traitait d’un sujet d’importance : Un projet de loi « portant dispositions relatives à la gendarmerie » qui en pratique anticipait sur le rattachement de la gendarmerie à la police nationale. Vous trouverez ci-dessous le texte en cause. Le ton est sévère, mais les arguments se tiennent, et c’est un débat d’ampleur national qui bénéficié ainsi d’un éclairage avisé sous cette triple signature.
Alors, la mesure de radiation résistera-t-elle aux recours en justice ? Nous verrons, mais le débat est à mon avis très ouvert.
L’auteur a fait preuve d’une prudence certaine, en n’apparaissant pas comme haut gradé, mais comme membre d’une équipe de chercheurs ; le texte traite d’une question de grand intérêt, et apporte au débat ; le texte critiquait des choix politiques, mais était un éloge de l’action de la gendarmerie, notamment dans son rôle social ; enfin, la sanction prononcée est d’une extrême sévérité. Nous attendrons avec intérêt le futur et second arrêt Jean-Hugues de la CEDH…

Source : les actualités du droit
C’est avec consternation que les membres de l’Association Gendarmes et Citoyens viennent d’apprendre que le chef d’escadron Jean-Hugues MATELLY s’est vu notifier, ce jour 25 mars 2010, le décret signé par le Président de la République le 12 mars 2010 par lequel il fait l’objet d’une radiation des cadres de la Gendarmerie Nationale. L’Association Gendarmes et Citoyens s’élève contre cette sanction particulièrement lourde et disproportionnée pour un manquement au devoir de réserve qui reste plus que discutable.
A cette occasion l’AG&C ne peut que blâmer les pairs du chef d’escadron MATELLY, ces officiers qui composaient le conseil d’enquête et qui ont proposé la sanction la plus lourde à l’égard d’un des leurs.
L'association ne manque pas de constater que cette décision, qui suit directement les dernières élections, ne peut être qu'un acte politique en forme d'avertissement du pouvoir à l'égard de la communauté des gendarmes. Un avertissement pour affirmer une certaine autorité sur la gendarmerie et la museler pendant son agonie.

Source image
"on a toujours tort de finasser et de ne pas dire les choses"
M. SARKOZY, Président de la République, Chef des Armées,
allocution du 20 janvier 2009 à PROVINS (77), sur l'accompagnement des restructurations de la Défense.
Vu sur le forum Gendarme et Citoyen

Une mesure disciplinaire rarissime. Jean-Hugue Matelly, chef d'escadron de gendarmerie vient d’être radié du corps de la gendarmerie par décret présidentiel. Un coup d’arrêt pour ce chercheur associé au CNRS qui avait critiqué publiquement le rapprochement police-gendarmerie, effectif depuis le 1er janvier 2009. Soumis à un droit de réserve de par son statut de militaire, il semblerait qu’il ait été « embêté » depuis la publication de ses « réserves » sur le projet phare de Nicolas Sarkozy.
Courant octobre 2009, un conseil d'enquête de la gendarmerie avait proposé la "radiation des cadres" de cet officier supérieur visé par une procédure disciplinaire pour "manquement grave" à son obligation de réserve. Puis Brice Hortefeux lui-même avait rappelé que ce droit de réserve s’appliquait en tant que militaire à tous «y compris à Jean-Hugues Matelly».
Entretien :
Jean-Hugues Matelly, quelles sont les raisons de votre radiation des cadres de la gendarmerie ?
« J’ai été radié en raison de mon parcours. Je suis docteur en science-politique et chercheur associé CNRS. Avec des collègues du laboratoire de recherche, nous avons publiés fin 2008 un article de synthèse et une tribune critique sur le rapprochement entre police et gendarmerie, au moment du débat parlementaire. »
Pourquoi avoir publié ces articles tout en sachant que vous étiez soumis à un « droit de réserve » ?
« Il me paraissait important de participer à ce débat. Nous en avons parlé sur l’antenne d’Europe 1. A l’époque je me suis exprimé publiquement en tant que chercheur. Avec mes collègues, nous avons émis un certain nombre de réserves sur le rapprochement police-gendarmerie au sein du ministère de l'Intérieur. Nos critiques portaient sur la fusion des deux corps (gendarmerie et police) qui pouvait aboutir à une perte d’identité. Avec la réduction des effectifs programmés dans la fonction publique, nous pensons également que le modèle historique de police de proximité qui date de 1720 va disparaitre. »
Comment avez-vous été sanctionné pour ces écrits?
« La Direction de la gendarmerie a lancé une procédure disciplinaire en janvier 2009 qui a abouti hier a la notification du décret du président de la République qui me radie des cadres.C’est la sanction disciplinaire la plus lourde qui n’est jamais été utilisée concernant la liberté d’expression. Je pense que le niveau de la sanction est disproportionné. Nous avons déposé un référé des libertés devant le conseil d’Etat en vu de matière urgente d’avoir une suspension de ce décret présidentiel le temps que la justice puisse se pencher sur cette affaire. »
Avez-vous l’impression qu’on s’est acharné sur votre personne?
« C’est un faux procès. J’ai été écarté car j’ai critiqué la politique du gouvernement. Il est évident qu’un article qui applaudit la politique du Ministère n’aurait pas été sanctionné. Le droit de réserve n’a été qu’un levier pour me sanctionner car je m’étais exprimé en tant de chercheur du CNRS. »
Face à ce devoir de réserve, c'est sur internet qu'une certaine liberté d'expression a pu s'exercer. Depuis avril 2007, le forum « Gendarmes et citoyens » permet aux gendarmes de s'exprimer, d'échanger et parfois de témoigner de leur malaise, de façon anonyme.
« Ce forum dont j’ai été l’un des modérateurs permet l’expression des citoyens sur les questions touchant aux gendarmes. » précise Jean-Hugues Matelly. Le forum qui revendique plus de 16000 membres est consulté chaque jour par des centaines d’internautes. Prenant une tournure plus polémique, le site a été rebaptisé aujourd’hui « L’équipe du soutien à Jean-Hugues Matelly ».
Un commentaire de Mikaël - PONTIVY