Simulacres au Honduras (à lire absolument)

Publié le par sceptix

Paru le Vendredi 20 Novembre 2009
   BENITO PEREZ    

International Imaginez un instant que Barack Obama soit réveillé au petit matin par des militaires. Accusé de violer la Constitution avec sa réforme de la santé, le président est emmené en pyjama sur une base militaire d'une grande puissance étrangère, puis expédié vers le Costa Rica. Simultanément, les congressistes républicains et une minorité de démocrates sudistes «valident» le coup de force, en nommant un gouvernement de facto.
A la surprise des conjurés, des dizaines de milliers de supporters de Barack Obama surgissent des banlieues sud de Chicago, de Harlem ou des travées de Berkeley et refusent le nouveau pouvoir. Manifestations et grèves se succèdent malgré la répression et les milliers d'arrestations. Une vingtaine de personnes sont tuées dans les rues de Washington et de San Francisco. The Nation et The New York Times sont fermés et l'état d'exception déclaré. Quant à Jeb Bush –l'homme des machines à voter de Floride en 2000– il est chargé d'organiser l'élection du successeur de M.Obama...
L'histoire, bien sûr, est inimaginable. Elle est pourtant en train de s'écrire ainsi au Honduras, petit Etat centraméricain si loin de Dieu mais pas du diable. Le coup de grâce au président légitime Manuel Zelaya, renversé une première fois le 28 juin dernier, a été donné il y a une semaine dans l'indifférence internationale, lorsque les Etats-Unis ont annoncé qu'ils reconnaîtraient le scrutin du 29 novembre, même s'il était réalisé sous contrôle exclusif des putschistes. D'abord modérément critique avec le coup d'Etat, le gouvernement US aura mis cinq mois à «tomber le masque», selon l'expression du journaliste Maurice Lemoine.
Finalement, la stratégie de reconquête de l'Amérique latine, version Obama, ne diffère guère de sa variante «bushienne». Maillon faible de l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA), le Honduras aura servi de pays-test. A qui le prochain «putsch larvé»?
S'il faut concéder quelque chose à la nouvelle administration US et à ses alliés honduriens, c'est une plus grande habileté manoeuvrière. A Tegucigalpa, le double discours permanent de Roberto Micheletti –alternant répression, simulacre de dialogue et intransigeance– a été parfaitement secondé par les atermoiements occidentaux.
L'ultime trouvaille du pouvoir de facto –un gouvernement d'«union nationale» uniquement composé de putschistes– est à l'avenant. Tout comme le retour –également prévu par les accords de Tegucigalpa– du président Zelaya... au lendemain des élections! Comment expliquer l'entêtement du régime à se perpétuer jusqu'au tout dernier jour, si ce n'est par la fraude qui s'annonce?
Privée de garanties démocratiques, sans temps ni espace pour mener campagne, l'opposition hondurienne ne pouvait qu'appeler à l'abstention. Et ce même si la pression –militaire et patronale– au vote ne sera pas aisée à contourner.
A des milliers de kilomètres de là, une coalition d'organisations sociales suisses et de la diaspora latino-américaine tentera samedi[1] d'apporter un soutien moral et politique aux résistants honduriens. Dans la nuit démocratique qui tombe sur le Honduras, la moindre lueur de solidarité sera appréciée dans les barrios de Tegucigalpa.
Note : [1]13h30, Berne, Hirschengraben (de la gare suivre la Bubenbergplatz).

Source : le courrier.ch

Publié dans Amérique Latine

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