WikiLeaks à la manière bolchevik, en 1917

Publié le par sceptix

WikiLeaks à la manière bolchevik, en 1917

Joëlle Kuntz.

 
Joëlle Kuntz.

Les révélations de secrets d’Etat par le site web WikiLeaks a des antécédents. De tout temps, la divulgation de secrets a été déstabilisatrice puisqu’elle modifie les frontières entre le domaine privé et le domaine public. La révélation du contenu de traités par les révolutionnaires russes a eu des conséquences dramatiques

W ikiLeaks, le site web fondé par l’Australien Julian Assange, publie depuis 2007 des documents secrets émanant de gouvernements, d’entreprises, de banques ou de célébrités, au nom d’une politique de transparence conforme, dit-il, à l’intérêt général. Une controverse est ouverte. Assange est attaqué de toutes parts, sommé par les Etats-Unis de rendre les données en sa possession sur les guerres d’Irak et d’Afghanistan, objets de ses derniers scoops les plus sensationnels. L’organisation de WikiLeaks elle-même est assiégée par la puissante coalition de tous ceux qu’elle a déstabilisés.

La divulgation de secrets, «secret défense», «secret médical», «secret bancaire», «secret de fabrication», «secret d’Etat» est toujours profondément déstabilisatrice puisqu’elle modifie la frontière très sensible entre le domaine privé et le domaine public. Quand les révolutionnaires russes ont publié en hiver 1917 le contenu des traités secrets négociés entre les monarchies en 1915 et 1916 pour le partage de l’Europe du Sud et de l’Asie mineure, c’est toute la vision de la guerre qui en a été changée: les soldats mouraient pour des buts dont ils n’étaient pas informés et qui leur étaient partiellement étrangers. L’apparition dans le domaine public de textes qui révélaient des arrangements privés pour la distribution de territoires allait avoir d’importantes conséquences.

Le WikiLeaks de l’époque est le Ministère russe des affaires étrangères dont Léon Trotski vient de prendre la direction, en octobre 1917. Les bolcheviks ont conquis le Kremlin avec la promesse de Lénine de faire sortir la Russie d’une guerre qu’il qualifie d’impérialiste et illégitime. Pour le prouver, il suffira de montrer ce que sont en réalité ses buts. Trotski ordonne aux responsables du ministère de lui procurer la correspondance diplomatique de ses prédécesseurs ainsi que les traités secrets entre puissances, dont l’existence et le contenu font l’objet de rumeurs jamais confirmées.

Le secrétaire général du ministère, le comte Tatishchev, descendant d’une longue lignée de diplomates, déclare qu’il n’y a plus personne au ministère et que les documents demandés sont hors d’accès. Il est mis aux arrêts et menacé d’emprisonnement. Alors, les coffres s’ouvrent. Et les Russes apprennent que le tsar est entré dans la guerre pour conquérir Constantinople et s’installer solidement dans les Balkans. Démonstration est faite que cette guerre n’est pas celle du peuple et qu’elle doit cesser immédiatement. L’armistice est demandé à l’armée allemande.

 

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