Un nouveau Bretton Woods

Publié le par sceptix

Le monde va mal. Il est traversé par des lignes de fracture et une crise de confiance insoupçonnables il y a encore quelques mois. Les difficultés d'acceptation du plan Paulson illustrent ce défi majeur qui consiste à passer d'une ère à l'autre, c'est-à-dire d'un monde géré par les puissances occidentales à un nouveau dans lequel 50 % de la richesse est produite ailleurs. C'est la raison pour laquelle la réunion du G8, même élargi, ne peut suffire. Il s'agit de reconstruction et non pas d'adaptation même si la démarche passe d'abord par des solutions urgentes destinées à résoudre la crise actuelle.

La complexité et la gravité de la situation nous ont amenés à appeler à la convocation rapide d'un Bretton Woods financier (Le Monde du 28 août). L'idée, partagée par d'autres, a fait son chemin. Il s'agit maintenant de lui donner de la chair.

En 1944-1945, lors de la conférence originelle de Bretton Woods, le défi était clair : promouvoir, après la guerre, la reconstruction et la croissance, grâce au respect de règles du jeu monétaires (stabilité des changes et retour à la convertibilité des monnaies sous l'égide du FMI) et à la promotion du développement (Banque mondiale). Le monde pourrait rêver de taux de change moins instables sur le plan mondial. Mais, pour des tas de raisons économiques, financières et politiques, il n'y a rien à attendre de ce côté-là avant longtemps. L'heure, aujourd'hui, est à la refondation du système bancaire et financier international, comme l'exige la crise financière actuelle.

Un Bretton Woods financier aurait donc l'avantage, en réunissant d'emblée et de plain-pied tout le monde, d'envoyer le signal de la rupture, tant sur la nature des relations entre la finance et l'économie réelle que de la réalité des nouveaux rapports de force internationaux.

Cette conférence financière mondiale, convoquée très rapidement, aurait deux tâches principales. D'abord, elle doit permettre de mettre en perspective et en cohérence un certain nombre de recommandations éparses suggérées par la crise financière : meilleur fonctionnement des agences de notation, élargissement du périmètre de la réglementation prudentielle, ajustement des normes comptables internationales, accord sur des règles du jeu appliquées par les fonds souverains, amélioration du contrôle interne et de la supervision externe des institutions financières, etc.

COGESTION DES CRISES

Une grande partie de ces thèmes appelle une réponse réglementaire, même si certains sont mieux pris en charge par des "codes de bonne conduite", conseillés mais en théorie facultatifs, et que sur certains points l'autorégulation suffit. Un Bretton Woods financier donnerait de la cohérence à tout cela en rappelant que si l'on veut éviter, à l'avenir, les dramatiques désordres d'aujourd'hui, il faut sérieusement relativiser l'idée de la bienfaisance naturelle des marchés.

La seconde tâche centrale d'une telle conférence serait de redéfinir le rôle du FMI. Au regard de ses activités traditionnelles, le Fonds n'a pratiquement plus de clients ; ces derniers ont profité qui du choc pétrolier, qui de la flambée des prix alimentaires pour se désendetter et voler de leurs propres ailes. Désormais, le FMI doit se consacrer, à titre principal, à la prévention, à la détection avancée et à la cogestion des crises bancaires et financières de nature systémique. Cela peut faire sourire, tant l'exercice est compliqué. Si les crises étaient correctement prévues, elles n'interviendraient pas, ou avec effets très atténués.

Quant à l'idée de cogestion des crises, elle évoque le besoin de faire travailler ensemble encore plus intensément qu'aujourd'hui les gouvernements, les banques centrales et le Fonds, dans le respect des compétences de chacun. Actuellement, le FMI ne dispose d'aucun pouvoir réglementaire en matière bancaire et financière. Sur certaines questions globales (exemple des agences de notation, des fonds souverains...), il serait utile de l'en doter. On devine ici la résistance des Etats au nom de la souveraineté nationale (ou plutôt de ce qu'il en reste...), mais il faudra les rassurer en soulignant que l'essentiel du pouvoir réglementaire et du contrôle prudentiel dans le domaine bancaire et financier demeurera de la compétence nationale et également, dans le cadre de l'UE, communautaire.

Par son histoire et sa culture, l'Europe doit être en flèche dans la mise en oeuvre d'une réelle gouvernance bancaire et financière mondiale. Elle est aujourd'hui la victime des désordres d'outre-Atlantique. Elle est majeure dans l'équilibre économique mondial à venir. C'est à elle de prendre l'initiative de ce nouveau Bretton Woods, dont elle sortira plus unie et plus renforcée.

http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/10/07/un-nouveau-bretton-woods-par-christian-de-boissieu-et-jean-herve-lorenzi_1104023_3232.html

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
La recette d'un VRAI NOUVEAU BRETTON WOODS<br /> <br /> La conférence pour un nouveau Bretton Woods devra agir de toute urgence afin que :<br /> <br /> • Le système financier actuel soit déclaré en faillite, mis en règlement judiciaire et remplacé par un nouveau. <br /> • Un système de parités fixes soit accepté et immédiatement mis en place. <br /> • Les produits financiers hyper-spéculatifs, tels que les « produits dérivés », soient mis hors la loi par des accords entre gouvernements. <br /> • Une vaste réorganisation de la dette soit entreprise, certaines dettes devant être rééchelonnées ou annulées. <br /> • De nouvelles lignes de crédit soient ouvertes grâce au crédit productif public, en s’inspirant de la politique d’Alexander Hamilton et du « Système d’économie politique américain », rendant ainsi possible le plein emploi qualifié grâce à des investissements dans un renouveau infrastructurel et technologique. <br /> • Le « pont terrestre eurasiatique » soit réalisé, clef de voûte de la reconstruction économique mondiale et vision qui sera à l’origine non seulement d’un « miracle » économique mais aussi socle de la paix mondiale du vingt-et-unième siècle. <br /> • Un nouveau « traité de Westphalie » soit signé pour garantir la disponibilité, l’exploration et le développement des matières premières en faveur de tous les pays du monde, au moins pour les cinquante ans à venir.<br /> <br /> Source : http://www.solidariteetprogres.org/petitionNBW/ <br /> <br /> David C.<br /> david.cabas.over-blog.fr
Répondre