Espagne: les participations préférentielles, "le scandale" des produits financiers à risques
AFP - Les "participations préférentielles, c'est le scandale du siècle en Espagne": Inocencio Merino, ouvrier à la retraite, se dit victime, comme des centaines de milliers d'autres, de "l'escroquerie" de la vente des produits financiers à risques que le gouvernement va réformer.
Depuis l'annonce du sauvetage public de Bankia en avril, qui a précipité une aide européenne au secteur bancaire espagnol de cent milliards d'euros au maximum, les plaintes de petits épargnants s'accumulent, ruinés par des "produits toxiques".
Parmi ces actifs aux noms rébarbatifs, vendus à tout va depuis la crise, les "participations préférentielles", titres très complexes et risqués, remportent la palme: 710.000 familles sont concernées sur environ un million de foyers touchés par les produits risqués, selon l'association des usagers des banques Adicae, qui a déjà reçu plus de 30.000 plaintes.
"Au total, 30 milliards de ces produits toxiques ont été vendus depuis 1999, dont quelque 26 milliards sont des participations préférentielles", explique Javier Contreras, un responsable de l'Adicae.
Les banques y ont vu l'avantage de faire apparaître un bilan de fonds propres "renforcé". Le client s'est lui retrouvé avec "son épargne totalement immobilisée dans un produit à vie, devenant un actionnaire sans droit de vote". Et sans avoir été informé des risques comme l'exige la norme européenne Mifid, dénonce l'Adicae.
Bankia, produit de la fusion d'anciennes caisses d'épargne, concentre, avec la CAM et Novagalicia, la grande majorité des plaintes en cours.
Inocencio, ancien ouvrier métallurgiste de 68 ans, a placé ses économies, 12.000 euros, dans des participations préférentielles de CajaMadrid (Bankia) en septembre 2010, faisant confiance à sa banque de "toda la vida", de toujours.
"C'est un placement sûr qui rapporte 7% et vous pourrez récupérer votre argent en 2014, m'a dit ma banque", raconte-t-il.
"Je ne savais même pas que j'avais acheté des participations préférentielles. Ils m'ont parlé d'actifs financiers", se souvient-il, totalement abattu.
"Mes parents n'ont pas de bagage scolaire. Ma mère voulait un produit sans risque. On leur a dit qu'ils récupèreraient leur argent en 2014 mais c'était uniquement verbal", regrette sa fille, Magdalena, employée au chômage de 43 ans.
"Ils ne les ont même pas appelés!" pour les prévenir que le versement des intérêts s'interrompait et qu'ils ne pouvaient pas récupérer leur argent pour l'instant à cause des problèmes de Bankia, s'insurge-t-elle.
Comme pour les autres, "la forme de commercialisation a été irrégulière pour manque d'information, abus de confiance", affirme Javier Contreras.
Ce "camouflage est particulièrement flagrant au vu du grand nombre d'épargnants d'âge très avancé (80-90 ans). Au point que l'autorité boursière espagnole a dû publier un note d'information en avril 2009", rappelle l'Adicae.
"Il y a des produits de caractéristiques similaires dans d'autres pays européens, mais le problème qui se pose en Espagne c'est la vente massive à des personnes non qualifiées, avec des irrégularités dans la commercialisation", renchérit l'association espagnole des actionnaires minoritaires des entreprises cotées (AEMEC). Elle dénonce aussi "le manque de supervision de la Banque d'Espagne".
Des épargnants ont obtenu leur remboursement total devant la justice tandis que les associations dénoncent les produits d'échange proposés par les banques mais souvent avec de fortes décotes.
Face à ce scandale et sous pression de l'Union européenne, le ministre de l'Economie Luis de Guindos a annoncé pour fin août "une nouvelle régulation de la commercialisation des produits complexes, comme les participations préférentielles".
Reste qu'Inocencio, comme des milliers d'autres petits épargnants, s'attend au pire: "Ma femme pense qu'on a tout perdu".