la cellule anarcho-autonome d'ULTRA-GôôCHE

Publié le par sceptix

Tout benef ! L’affaire des sabotages contre la SNCF est ce que le pouvoir attendait depuis des mois. Ce qu’il appelait de ses voeux. En donnant corps à une illusoire menace « anarcho-autonome », en permettant la dénonciation d’un ennemi intérieur, d’une cinquième colonne, la médiatisation de cette « cellule invisible » est une étape essentielle vers la criminalisation de la contestation et vers un contrôle policier étendu.



Juste : regardez.

Oui : c’est une bête et vieille photo de ruines grecques.

Image ne donnant rien d’autre à voir que quatre colonnes fatiguées.

On s’en fiche ?

Attendez, regardez à nouveau.

Oui : c’est la même photo de vieilles pierres sans grand intérêt.

Si ce n’est… qu’une colonne supplémentaire apparaît sur l’image.

Ça n’a l’air de rien.

Mais ça change tout.

   

La chose est connue depuis la guerre d’Espagne : il y a toujours un moment où une cinquième colonne se ramène, la figure innocente et l’allure sympathique.

Née de rien et venue d’on ne sait où, mais se pointant pour se faire en douce et en catimini une place sur la photo.

En espérant que personne ne s’apercevra de sa présence.

Et qu’elle pourra tranquillement mener son œuvre sournoise.

Soit saboter les fondements de notre société.

Et foutre la chienlit partout.

Oui : saloperie de cinquième colonne…

   

Heureusement.

Si nous, masses abêties et trop confiantes, ne nous montrons jamais assez méfiant.

Quelques êtres clairvoyants ne se laissent pas aussi facilement enfumer.

Et savent déceler le danger qui menace sous le flot calme et serein de l’ordinaire banalité des choses.

On saura ainsi gré à Michèle Alliot-Marie, fière vigie jamais fatiguée, et à son auguste patron, agité présidentiel en goguette, d’avoir repéré avant tout le monde l’énième résurgence de cette cinquième colonne

Pilier fantôme et menaçant qui pensait pouvoir faire discrètement son come-back en se camouflant sous les traits d’un ennemi jusqu’à alors inconnu : le « militant d’ultra-gauche de la mouvance anarcho-autonome ».

Un fumier sans nom…

   

Reconnaissons-le : ce militant n’aura pas ménagé ses efforts pour passer inaperçu.

Activiste roublard se terrant au fond de nos campagnes, là où personne ne l’attend.

Assez malin pour se faire aimer et apprécier de tous ses voisins, lui qui a pris l’apparence du citadin un brin illuminé rêvant du retour à la terre et faisant revivre un village perdu que ses enfants abandonnent.

Suffisamment retors pour n’avouer à personne qu’il lit, le soir venu et dans l’intimité, regroupé avec ses semblables dans une communauté libertaire dont on imagine fort bien qu’elle nourrit tous les vices, qu’il lit - disais-je - des bouquins interdits dont le titre seul suffirait à faire trembler le sage bourgeois.

Assez machiavélique pour s’être créé un réseau international, nouant avec de lointains et tout aussi dangereux activistes que lui des liens terroristes qu’il camoufle sous les noms dévoyés de l’amitié et de la solidarité.

Suffisamment madré pour mener une vie (presque) au-dessus de tous soupçons, existence paisible et campagnarde troublée seulement -mais qui s’en doute ? - par la sournoise mise au point des plans de sabotage qui verront ces gentils moutons se transformer en loups sanguinaires et frapper bave aux lèvres à l’occasion des mouvements sociaux qu’ils soutiennent.

Mais pas assez rusé, finalement, pour ne pas se faire prendre par la police.

Sans déconner…

   

A propos de ce nouveau et absurde chiffon rouge que le pouvoir a décidé d’agiter, créant de toutes pièces un ennemi intérieur jusqu’alors inexistant et s’ingéniant à faire accroire à l’existence de cette cinquième colonne, on retiendra la lumineuse analyse de l’éditeur de l’Insurrection qui vient, Eric Hazan.

Lequel s’est confié à Médiapart :

Tous les moyens sont bons pour construire l’ennemi intérieur. Construire l’ennemi intérieur, c’est très important pour un pouvoir qui tient en partie la route par l’inflation policière. Il faut justifier l’empilement de lois antiterroristes, qui n’ont plus rien à voir avec le droit. L’ensemble des forces antiterroristes, aujourd’hui, est énorme, avec un outillage technique extrêmement élaboré. Il faut justifier cet appareillage légal et militaire.

L’antiterrorisme n’a rien à voir avec le terrorisme. C’est un mode de gouvernement. On voit les séquelles du plan Vigipirate de Giscard (instauré en 1978, ndlr) qui continue d’être en œuvre aujourd’hui. Quand on voit dans les gares et les aéroports, les soldats en treillis et en armes, ce n’est évidemment pas destiné à dissuader d’éventuels suppôts de Ben Laden. C’est pour que la présence de gens en armes dans les gares et les aéroports nous paraisse, à nous autres, les braves gens, normale. Parce qu’un jour, ça aura son utilité.

Dans l’affaire qui défraie les journaux en ce moment, comme dans celles qui ont valu les arrestations de jeunes gens fin 2007 et début 2008, où on a trouvé des fumigènes et d’autres substances, la police a construit de toutes pièces le mouvement anarcho-autonome. Il n’existe pas. C’est une pure construction des renseignements généraux, reprise par la presse avec une docilité digne d’éloges. Avec si peu de fondement qu’en ce qui concerne les jeunes arrêtés début 2008, ils ont été obligés de les relâcher. Ça ne tenait pas la route mais ça préparait le terrain pour ce que nous vivons en ce moment.

On notera aussi que ce danger intérieur tout neuf présente bien des similitudes avec le danger extérieur, cet islamisme terroriste dont on nous rabat les oreilles depuis des années et qui fonde la politique extérieure de Nicolas Sarkozy :

  • L’idée que le danger menace de s’étendre, prosélytisme et propagande aidant. Dans le cas des « anarcho-autonomes », la ferme de Tarnac devient ainsi, dans la bouche du procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, « le lieu de rassemblement, d’endoctrinement, une base arrière pour les actions violentes ».
  • La conviction que les preuves ne sont pas indispensables et qu’on peut se jouer des règles habituelles de la justice et de la police en raison de l’urgence du danger. Dans le cas des « anarcho-autonomes », on évoque des « éléments de preuve pas encore solidifiés » pour cacher le fait qu’on n’a aucun élément tangible à leur reprocher. Ce que rappelle Le Monde : « Aucune arme n’a été trouvée lors des perquisitions. Aucune trace ADN n’a pu être exploitée, ni aucune écoute. Il n’y a aucun témoin direct des dégradations commises contre les voies ferroviaires. L’enquête repose sur le compte rendu de la filature policière dont ont fait l’objet Julien Coupat et sa compagne, Yldune L. Le couple a été épié, à distance, dans la nuit du 7 au 8 novembre, à Dhuisy (Seine-et-Marne), tout près du lieu où un crochet en fer de forge, arrimé sur un câble, a endommagé une caténaire. » Rien de plus.
  • Le recours à l’image de l’hydre international, pieuvre du terrorisme comptant des relais un peu partout dans le monde. Des attaches à l’étranger qui deviennent des éléments de très forte suspicion pour le procureur Jean-Claude Marin, baratineur de première : « S’il n’a pas été démontré par l’enquête une organisation internationale autour de ces concepts de cellule invisible, il apparaît à l’évidence des liens avec des cellules équivalentes agissant en Allemagne (…), en Grèce, en Italie. »
  • La dématérialisation du danger, d’autant plus inquiétant qu’il est clandestin. Qu’il s’agisse des pseudo-cellules dormantes des affidés de Ben Laden ou de la « cellule invisible » de Tarnac, le pouvoir fait son miel de leur caractère fantômatique, sur lequel il peut coller à l’envie ses peurs et ses fantasmes. Ainsi du procureur Jean-Claude Marin (il n’en rate pas une…) évoquant avec gourmandise, en conférence de presse, « cette cellule invisible qui avait pour objet la lutte armée ».

Bref : Ben Laden et les « anarcho-autonomes », du pareil au même.

   

En ce qu’elle marque la première étape de la constitution d’un ennemi intérieur dont on n’a pas fini de nous rabattre les oreilles, il serait illusoire de ne voir dans cette nouvelle manipulation du pouvoir (à laquelle on raccordera évidemment le sort fait à celui qui n’avait pas le droit de s’exprimer, Jean-Marc Rouillan) qu’une affaire de peu d’importance.

Au contraire : elle est fondamentale.

Et notamment parce qu’elle préfigure ce à quoi nous allons avoir droit dans les années à venir.

Soit la criminalisation de la contestation, le recours toujours plus actif à l’enfumage des médias (dont la plupart se sont transformés sur ce coup en canaux officieux de la police) et la création ex-nihilo d’affaires censées représenter un péril essentiel, toutes choses servant les intérêts du présidentiel meneur de revue.

A nous de ne pas nous laisser mener en bateau.

Et - qui sait ? - de contre-attaquer.

Tant, à force d’agiter un danger inexistant, le pouvoir pourrait bien réussir à lui donner une existence réelle et à susciter des vocations.

Source ; http://www.article11.info/spip/spip.php?article188



Et sur le blog : El Burlador : http://www.burlador.net/2008/11/lultra-gauche-lultra-gauche-lultra.html

Une vidéo du traitement de cette info par la Ferrari de TF1

Publié dans Les chiens de garde

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